Des valeurs pour l'éducation

Comme la société elle-même, l'école est et doit être en débat. Ce débat permanent empêche la routine et la sclérose. Il garantit en bonne part l'avenir du pays, la qualité des hommes et des femmes, la qualité de la vie ensemble. Mais il ne faut pas se tromper de débat : l'école n'est pas seule en cause. Système politique, système économique, système social, système éducatif sont intimement liés. La qualité de la formation dépend de ses finalités et de l'interaction entre ces divers systèmes. Le malaise d'une grande partie des jeunes, la crise des quartiers et de leurs établissements scolaires, le chômage et l'exclusion renvoient tout autant à la politique de la ville, à celle de l'emploi, à celle de l'intégration, à toutes les politiques que mettent en œuvre, à côté de l'état et de l'Éducation nationale, les collectivités territoriales, les différents acteurs du monde économique et social, et chacun des citoyens. Ce malaise et ces crises sont aussi les effets des politiques erronées ou à courte vue menées au cours des décennies précédentes. L'absence de cohérence que l'on a constatée en trop de domaines interroge sur les choix réels ou sur le grand dessein nécessaire : la France d'aujourd'hui sera-t-elle la France des droits de l'homme ou celle de la peur des autres, la France de la culture universelle ou celle de l'insignifiance des médias de masse, la France de la générosité et de l'accueil ou celle de l'égoïsme et du repli sur soi, la France de la République ou celle d'un totalitarisme et d'un racisme rampants ? Finalement, quelles sont les valeurs qui doivent dominer dans notre société : la liberté, l'égalité, la fraternité, ou bien le profit, la compétitivité, l'individualisme, le médiatique, érigés en autant de dogmes ?
 
     
L'école n'est pas seule responsable de tout cela. Mais tout ce qui peut éviter qu'elle ne renforce le caractère dual de notre société doit être poursuivi et intensifié. Au premier plan, les ZEP et plus largement la renonciation à une égalité formelle - qui ne favorise en fait que les privilégiés - au profit d'une allocation différenciée des ressources, matérielles et humaines. Au-delà, après la démocratisation quantitative et la prolongation de la scolarité (sur lesquelles il n'est pas question de revenir), l'objectif doit être la démocratisation qualitative : celle-ci implique la possibilité de parcours plus différenciés, de véritables formations en alternance, des procédures d'orientation plus maîtrisées. Elle implique aussi la possibilité effective de reprendre des études, la révision du rôle et du fonctionnement des secteurs sélectifs pour qu'ils ne soient plus de fait l'apanage des privilégiés.
 
 
     
Il ne s'agit nullement d'une moindre exigence vis-à-vis des contenus à enseigner. Bien au contraire, ceux-ci gagneront en portée s'ils sont pensés dans une perspective de formation globale au lieu d'être simplement la juxtaposition d'ambitions disciplinaires cloisonnées. Mais il ne suffit pas de vouloir "transmettre" des contenus, il faut encore que ces contenus fassent sens, que le savoir soit proposé à tous les élèves dans leur diversité, pour une appropriation active et créatrice. La différenciation des projets est un gage d'équité et réduit l'inégalité des chances.
   
     
C'est pourquoi on ne peut dissocier, et encore moins opposer sérieusement, contenus enseignés et méthodes pédagogiques. C'est sur ces deux domaines à la fois que doit porter la formation de tous les personnels de l'éducation : formation initiale et formation continue, formation institutionnelle et formation volontaire, qu'elles s'inscrivent dans le cadre des IUFM ou des plans nationaux et régionaux de formation, des universités d'été ou des structures intervenant sur le temps libre. La formation ne peut pas se faire en vase clos ni selon des formations figées ; les mouvements pédagogiques et d'éducation doivent y avoir leur place de partenaires à part entière.