Une
nouvelle bibliothèque
(tiré
des Actes de Lecture n°55, juin 96, p.73)
Concepteurs d'ELSA nous avons effectivement accordé beaucoup d'importance à la nouvelle bibliothèque de textes qui a presque intégralement été renouvelée. Des choses se sont passées dans l'édition, chez les lecteurs et dans la recherche en lecture depuis 1983 (date à laquelle l'Association a sorti son premier logiciel -ELMO-) et nous souhaitions en tenir compte, aussi avons-nous demandé à une dizaine de lieux qui utilisent régulièrement cette production avec des enfants de faire des propositions de textes susceptibles d'être insérés dans le nouveau logiciel.
A partir de deux contraintes : taille des textes suivant les s‚ries, r‚partition en trois catégories (fiction, documentaire, presse), les formateurs (majoritairement des enseignants de cycle 3) nous ont donc fait parvenir près de 500 extraits dont 305 ont finalement été retenus (30 pour chacune des séries : B, D, E, F, T).
Le choix des maîtres
A ce titre, la bibliothèque ici réunie ne prétend ni représenter le meilleur de la littérature classique ou contemporaine, ni même un équilibre respectueux des différents courants éditoriaux, des différents auteurs ou des différents genres. Elle est tout au plus révélatrice de ce que le système scolaire, dans l'échantillon que nous avons contacté, a filtré‚ soit par ignorance, soit par parti-pris parce que la bibliothèque de l'école (qui n'est pas la bibliothèque municipale) prélève dans le marché ce qui lui convient, ce qui sert ses objectifs, à tort ou à raison. Rappelons que ce logiciel n'a pas pour but de promouvoir la littérature jeunesse mais de développer des compétences de lectures aussi variées et profondes que possible et donc de disposer d'un éventail représentatif de la production : c'est à partir de cet objectif que les enseignants se sont prononcés et ils ont tout naturellement envoyé des textes qu'ils utilisent fréquemment. Cette bibliothèque donne donc une image singulière de la production et de ceux qui la font mais aussi des lecteurs et de ceux qui les conseillent. Par son existence, elle suscite des réflexions qui nous semblent concerner nos lecteurs.
Ecritures
Presque toutes les séries questionnent les textes dans ce qu'ils disent, dans la manière qu'ils ont de le dire et dans ce qu'ils disent sans le dire.
C'est pourquoi nos choix ont privilégié des extraits qui supportent cette multiplicité d'entrées ce qui, d'une part, nous a orientés vers des textes complexes (Ex : Contes pour enfants pas sages de Prévert ou Histoires de la forêt profonde de Joubert), d'autre part, nous a malheureusement détournés de certains albums dont le texte était difficilement séparable des images (c'est le cas par exemple des Editions du Sourire qui Mord ou des Editions du Rouergue).
Nous voulions que les enfants se situent sur le contenu des textes mais aussi sur leur écriture et nous avons bien dû nous mettre d'accord sur ce dernier terme.
Nous souhaitions sensibiliser les enfants sur le fait que celui qui écrit ne se contente pas de raconter des histoires en précisant une pensée déjà là par le choix d'un vocabulaire raffiné, le respect de formes grammaticales et de temps de conjugaison, l'agencement astucieux des paragraphes. Il découvre au fur et à mesure de l'écriture ce qu'il pensait vouloir dire et cela grâce à la combinaison de divers éléments qui peuvent être le temps de la réflexion, l'affluence de souvenirs d'anciennes lectures que l'écriture avive, le pouvoir de certaines associations de mots, d'expressions ou de structures qui, souvent involontairement, font surgir des sens insoupçonnés que l'auteur va choisir ou non de développer. Tout au long de l'écriture, obligation est donc faite à l'auteur d'opérer des choix non seulement sur ce qu'il souhaite exprimer, mais aussi sur comment il souhaite le faire, à qui, pourquoi... Choix qui, lorsqu'ils sont repérés par le lecteur, influent sur la qualité et les effets de sa lecture.
D'une expérience, d'un événement, d'un thème, l'auteur grossit donc certains aspects, en affaiblit d'autres, les ordonne à sa façon dans une mise en scène qui sert sa vision des choses. Il prend de la distance avec ce qu'il voit, ce qu'il sait, ce qu'il comprend, ce qu'il ressent, ce qu'il espère ; il prend même des libertés, construisant, par l'écriture, entre la réalité et ce qu'il en révèle, un écart au sens de l'expression "faire un écart".
A son tour, le lecteur va profiter de l'écart qui lui est offert comme d'une possibilité d'intériorisation, d'interprétation, de discussion. Lui aussi a sa vision des choses, lui aussi perçoit dans l'agencement des mots, des expressions ou des structures, des sens qui ne semblent se dévoiler qu'à lui-même et qui, parfois, font qu'on lui reproche de faire dire à un texte bien plus qu'il n'en dit ou tout autre chose. Nous voulions que les enfants saisissent que c'est par l'écriture, cette composition particulière, maîtrisée et insoumise, qu'un texte peut "parler" diversement à plusieurs lecteurs, diversement au même lecteur à diverses époques de sa vie.
En choisissant les textes sur lesquels allaient avoir lieu les entraînements et l'évaluation, nous avons essayé de nous assurer que toute une série de dialogues complexes allaient pouvoir s'installer : avec le texte apparent et sous-jacent, avec l'auteur officiel et clandestin, avec les anciennes lectures que chaque lecture active. Dialogues avec soi-même en prise avec les autres par l'intermédiaire des signes.
Malgré ces volontés affirmées certains textes à l'écriture "calibrée" ont échappé à notre vigilance comme le fait remarquer Marie Isabelle Merlet. Peu étonnants dans leur facture, ils risquent de limiter le jeu de l'interprétation. Rappelons d'une part, que notre choix s'est fait sur une prés- sélection qui n'échappe pas à des réflexes conventionnels, des conditionnements culturels ; d'autre part, que les écritures ne foisonnent pas autant qu'on le voudrait dans une production qui, pour se vendre, tient compte de ce qu'on dit du désintérêt des enfants pour la lecture, soumettant l'allure des textes à des procédés cinématographiques ou télévisuels qui affichent l'action, les dialogues, les onomatopées pour d'immodérées consommations. Ceci dit, il reste à compléter cet échantillon par des propositions d'œuvres plus surprenantes, moins faciles d'accès et des travaux existent qui accompagnent sur les chemins de cette quête vigilante. (1)
Toujours est-il que nous avons maintenu, au risque de nous le voir reprocher, des écritures réputées difficiles comme celles de Le Clézio, Giono, Yourcenar, Tournier, Joubert..., des écritures qui ne se livrent pas sans effort et qui, si elles n'accrochent pas spontanément les jeunes lecteurs, répondent à l'idée qu'on se fait d'un texte écrit, méritent d'être rencontrées par des enfants. En aucun cas, la commande ne pouvait laisser supposer qu'il s'agissait d'aller dans le sens des demandes immédiates des enfants, de les enfermer en lieux de connaissance ou de prédilection, ces goûts supposés, ces formes manifestes de l'esclavage culturel .
Même si ce logiciel ne l'a pas parfaitement réssi, il souhaitait attirer l'attention sur "les aventures des écritures" auxquelles la présence de romans, de documentaires, de presse, la juxtaposition d'œuvres de dimension patrimoniale ou d'origine plus récente devraient rendre sensibles. Encore une fois, il est représentatif de ce qui est propos‚ dans des lieux scolaires plutôt bien informés sur la littérature jeunesse et qui n'échappent pas à la nécessité faite à tous de travailler encore pour mieux franchir l'étrange fossé qui projette les lecteurs des albums aux romans, des histoires racontées aux textes lus. (2)
Thèmes
La recherche d'aventures d'écriture ne nous a pas pour autant détournés, du moins dans les intentions, des écritures d'aventures, des histoires, des sujets et des thèmes réputés plaire aux enfants que nous connaissons. Nos extraits de textes espéraient rencontrer leurs émotions, leurs opinions, leurs interrogations, exprimées ou confusément disponibles tout en leur faisant découvrir d'autres horizons ou d'autres manières de regarder leur environnement physique, social et affectif. Mais là aussi nous avons exprimé certains objectifs, certaines valeurs, laissant certaines places vides.
Du côté‚ des documentaires et de la presse, le choix peut ne pas paraître encyclopédique, marqué d'insistantes manies à vouloir protéger de fragiles équilibres, humaines conditions ou terrestres choses.
Mais où sont passées les gazelles ?
Quand on sait le nombre d'ouvrages qui paraissent sur les animaux, on peut être surpris d'en voir si peu représentés. Nous avons d'une part, certainement réagi à une situation dominante pour ouvrir d'autres espaces d'investigation, d'autre part, été limités par l'aspect descriptif de ces ouvrages qui enferment le questionnement dans la seule recherche d'éléments factuels. Et que faire aussi de ces textes qui se reflètent si souvent dans les images, en pâles légendes d'une réalité montrée sans regard et sans perspective ?
Quand une revue comme La Fourmi Verte (3), par exemple, nous a semblé être une heureuse exception par son exigence affichée pour l'écriture, nous l'avons exploitée n'hésitant pas dès que ce fut possible de renvoyer à une autre revue-soeur La Hulotte (4) dont les textes ne manqueront pas de figurer dans le niveau supérieur du même logiciel, "spécial collège et plus".
Les rendez-vous manqués de l'histoire.
L'Histoire peut aussi paraître peu repr‚sent‚e. Encore une fois, les livres qui en traitent abondent d'images qui rendent l'isolation du texte ardue ou alors ils usent d'un ton "iconoclaste" difficile à interpréter à l'intérieur d'un extrait (c'est le cas par exemple pour les Editions Mango qu'on aurait souhait‚ voir représentées notamment pour leur Ramses II). Enfin, nous devons avouer que le questionnement de textes historiques en trois ou quatre propositions nous a paru un exercice périlleux tant nous n'étions pas sûrs d'éviter les images d'Epinal de notre enfance, d'une part, de mettre de côté nos parti-pris d'autre part. Avons-nous réussi avec des thèmes comme la Révolution (5) ?
Objets perdus
Le sport, l'art, les nouvelles technologies par exemple, peuvent apparaître comme insuffisamment traités malgré, en ce qui concerne l'art surtout, un très grand développement ces dernières années. Toujours les mêmes écueils : aspect descriptif des textes (présentation des règles d'un sport, du fonctionnement de nouvelles technologies ou des étapes de la vie d'un artiste), suprématie des images sur le texte.
En cette année olympique, nous souhaitions trouver des textes sur le sport mais rares sont ceux qui n'encensent pas cette cérémonie, passant sous silence les effets dévastateurs d'une compétition économique quand elle n'exacerbe pas des sentiments nationalistes (7). Pouvions-nous sélectionner des extraits pour de seules compétences techniques sans nous soucier des traces morales et psychologiques qui, des écrans informatiques aux écrans télévisuels, creusent d'irréversibles cécités, d'irrémédiables évidences ? Sans doute, des exceptions existent qui ont échappé à ceux qui ont proposé les textes sur lesquels s'est effectuée la sélection. C'est qu'il reste encore du travail à faire du côté‚ de la diffusion de certains thèmes dans l'univers scolaire, du côté‚ de la profondeur des analyses qui pourraient mieux en faire exister les représentations artistiques ou les traitements scientifiques, par le suivi et l'aide à la création.
Babas-schools et no futur ?
En revanche, nous avons peut-être beaucoup insisté sur des thèmes d'actualité traitant d'équilibres physiques et sociaux comme l'écologie ou le racisme, le développement du corps et de l'intelligence ou l'évolution des rapports humains au niveau familial ou international.
Gravit‚ des sujets pour les premiers pas dans l'exploration, par l'écrit, de l'environnement passé et présent, animal, végétal et humain, technologique et artistique quand on souhaiterait développer une curiosité optimiste chez des enfants, le plaisir d'apprendre des choses rassurantes sur soi et sur les autres, sur son univers proche et lointain ? Pouvions-nous vraiment faire autrement, faire comme si les offenses faites à la vie, toujours plus violentes et plus proches pouvaient être juste présentées à part égale avec tout le bonheur du monde ? Sans doute pensons-nous trop fort que l'éducation consiste en même temps qu'on s'informe sur l'état d'avancée de l'humanité à se sentir responsable de sa progression. Nous avons privilégié l'entraînement à cette réflexion par le choix des textes qui l'autorisait. Oui, nous avons dû secrètement penser que les enfants étaient capables de dépasser les seuls constats, les seules déclarations de bonnes volontés, les seules expressions de regret que le monde n'aille pas mieux, que les enfants pouvaient s'entraîner aux raisons de la colère, aux élans de la détermination.
Enfin, comme le dit joliment Sylviane Teillard, ce sont des "quadra", des "quinqua" qui ont eu, globalement, la responsabilité de cette sélection. On reconnaît leur patte : féminisme, mixité culturelle, défense des droits de l'homme, éducation nouvelle, respect de l'enfant etc. s'obstinent sur les rayons de cette bibliothèque. Guère de regrets, au fond.
Du côté de la fiction :
Nous retiendrons deux critiques majeures, la révélation de deux excès : pas assez d'aventure, de science-fiction, d'humour, de fantaisie, ces marques de jeunesse ; un peu trop de psychologisme, d'intériorité, ces démons des adultes quand ils se retournent vers leur enfance sous la morsure de la nostalgie.
Enfin, la poésie aura le dernier mot. Un mot à part.
A l'Aventure... avons-nous préférés les aventures ?
La réponse est oui. Et s'il n'y a pas assez de voyages, d'expéditions, de suspens, d'actions incroyables, de mondes nouveaux et de mutants c'est peut-être dommage mais est-ce vraiment s'en éloigner que de réfléchir aux aventures intérieures qu'il s'agisse des manières d'échapper au poids de la solitude, aux mystères de l'affection, aux abîmes séparant parfois les adultes et les enfants mais aussi les filles et les garçons, les Blancs et les Noirs, les riches et les pauvres, etc. ?
Est-ce totalement s'en priver que d'observer ces aventures de proximité qui parcourent tout désir de grandir, d'être aimé et de comprendre les allers et retours de l'âme, des gens, des choses ? Et les échappées aventureuses peuvent-elles se faire hors de la pression de tous ces mondes palpables qu'on appelle réalité ?
Toujours est-il qu'une bibliothèque se révèle aussi par ses absences et que la légèreté qui nous a manquée, l'ouverture aussi, la confiance peut-être dans les genres peu scolaires, risquent de témoigner d'une petite raideur. Serions-nous plus crédibles auprès des enfants si nous montrions un peu plus de décontraction face à des univers que nous condamnons d'avance à la simplicité, à la fermeture avant que d'y entrer, des univers jugés d'emblée impitoyables ?
Pour la poésie, n'aurait-on pas manqué d'audace ?
Editeurs
Quand les premiers textes sont arrivés et que nous avons dû effectuer les premiers tris, nous nous sommes inquiétés des sur-représentations de certaines maisons d'édition, du silence de certaines autres et nous rejoignons donc, sur ce point, les remarques des bibliothécaires. A coup sûr quand la littérature pénètre l'école primaire, et elle y pénètre peu, c'est majoritairement sous les lois de la grande distribution et notre sélection n'y échappe pas dans sa globalité. Nous avons pourtant essayé de rétablir des équilibres là où, comme dans tout secteur économique, le partage fait désordre.
Premier choix :
ne pas se cantonner aux romans et faire une large place aux documentaires et à la presse, ce qui allonge la liste des éditeurs.
Deuxième choix :
limiter en nombre les ouvrages de Gallimard et de l'Ecole des Loisirs, par exemple, ces rouleaux-compresseurs qui ont su ratisser large dans le milieu scolaire. Notre réussite est loin d'être satisfaisante aussi devrons-nous, à l'avenir, poursuivre notre effort et sûrement le conjuguer avec d'autres pour tenter d'inverser ce mouvement qu'on finit par trouver naturel et qui consiste à faire mourir ce qui est petit, faible, pas assez riche ou tout simplement différent, tout ce qui ne profite pas pour se développer des succès faits d'avance par la télévision, le cinéma, la réputation des grands auteurs, les rééditions, la mode etc. Oui, des voix différentes tentent de parvenir aux enfants, elles ont du mal, il faut que nous les aidions par-delà les walkman, et les télécommandes, par-delà aussi les évidences, qui sont, nous l'écrivions plus haut, les expressions raffinées du plus effroyable esclavage culturel. (7) (8)
Mais peut-être, notre revue devrait-elle poursuivre le travail qu'un temps elle avait commencé et qui était non seulement de donner la parole aux éditeurs mais aussi de questionner leur projet par rapport aux objectifs éducatifs qui sont les nôtres. (9) Plus que jamais, pour soutenir la multiplicité éditoriale, il faut que tous les livres puissent investir l'école, que les éditeurs fassent partie des références culturelles des enfants, pas comme des citations distinctives mais bien comme des attaches à des lieux de création qui remontent des courants d'expression, qui tendent des lignes esthétiques, qui lavent les regards et creusent les interrogations.
Les auteurs
Peu d'auteurs étrangers dans notre sélection. Méconnaissance ou parti-pris ? Sûrement les deux. L'événement culturel que représente la venue d'un écrivain dans une école ou une manifestation littéraire augmente considérablement son audience auprès des jeunes et de leurs maîtres. Les auteurs français sont donc avantagés, références vivantes et r‚elles d'une production encore tellement ignorée dans le milieu scolaire qu'on finit par se demander si elle existe vraiment ! (10)
Allez ! reconnaissons, après-coup, qu'un tacite engagement du côté‚ d'une littérature qui ne cherche pas l'évasion, la distraction mais l'implication a pu laisser imaginer que des écrivains proches de nos climats sociaux et psychologiques chuteraient moins dans une production neutre et calibrée que ces auteurs qui déboulent indifféremment et sans surprise dans toutes les librairies du monde, avec des ouvrages vendus avant que d'être écrits. Piège des représentations quand l'ouverture incontrôlée des frontières commerciales retranche dans les plus frileux nationalismes intellectuels. Faut se soigner.
Et puis, nos auteurs, nos éditeurs ont tant de mal à vivre que nous avons sûrement voulu leur dire : nous sommes là, près de vous, prêts à vous soutenir et la meilleure façon de le faire c'est de vous faire rencontrer des lecteurs, de créer et de maintenir des envies de vous. Copinages et soupçons chauvins seraient-ils devenus la règle de notre exception culturelle et ne pouvions-nous autrement mener cette guerre médiatique qui existe bel et bien, autrement que dans le repliement et l'ignorance qui ne sont sûrement pas les signes les plus prometteurs d'une résistance efficace.
Entraînement à la lecture
Au début de la sortie d'ELMO, nous disions que l'entraînement n'était pas la lecture, que la lecture exigeait un projet de la part du lecteur et que le lecteur qui voyait surgir les textes les uns après les autres, sur son écran, n'avait pas le projet de lire mais de s'entraîner. Nous ne renions pas cette position même si, ayant donné davantage d'épaisseur aux supports écrits, nous affirmons l'importance de la lecture dans tout entraînement, la réalité d'une rencontre dans le perfectionnement technique.
Ecrits pour ouvrir des questionnements "subtils", des interrogations durables.
Ecrits pour provoquer des confrontations riches d'accords et de refus, de conversions et de renoncements.
Ecrits pour que flottent les aventures éditoriales et littéraires et qu'on dise encore longtemps, dans le sillage des enfants devenus grands, que c'est bon et que c'est fort de penser, de sentir et de rêver doublement aux fragments du temps qui bouillonnent dans les livres comme des écumes de jours.
A trop vouloir entraîner les enfants à devenir lecteurs, à force de rêver qu'ils se mobilisent pour la recherche de sens, à tant espérer qu'ils ne se résignent pas, aurions-nous négligé‚ le foisonnement des livres, le pourquoi se passionnent surtout les bibliothécaires ? Si c'était le cas, il ne nous reste plus qu'à réaffirmer ici l'urgence d'une collaboration qui, depuis qu'elle existe, nous procure à nous autant de satisfaction que de surprise, d'apprentissages de nouvelles questions.
Yvanne CHENOUF
(1) Voir notamment Les Indiscutables. 99 livres pour bâtir une BCD. CRDP de Créteil. Institut International Ch. Perrault - Hôtel de Mézières. 14, Av. de l'Europe. Eaubonne (95)
(2) Aventures d'écritures. Nous empruntons l'expression à Ricardou : " Ce n'est pas l'écriture d'une aventure, mais... "
(3) La Fourmi Verte. 6bis, Place André Malraux 43200 Riom.
(4) La Hulotte. Rue de l'Eglise. 08240 Bouit aux Bois
(5) La révolution Française, Elle inventa nos rêves. Bernard Epin. Messidor/ La Farandole.
(6) Julien de Belleville. Raoul Dubois. Messidor/La Farandole
(7) Nous avons fait une large place au travail que Jean-Marie Bouvaist avait consacré aux difficultés de l'édition jeunesse et qui avait été l'objet d'un livre publié par le Salon du livre de Jeunesse de Montreuil. : Les enjeux (Cf. A.L. nø29, mars 90).
(8) Nous manifestons toujours notre désaccord quant à la forme que prennent certains salons du livre jeunesse qui, sous prétexte d'égalité, font au même prix le m2 des stands qu'il s'agisse de Gallimard ou du Sorbier, allant même jusqu'à faire payer les associations qui, bénévolement, assurent la diffusion des livres. Nous vous renvoyons au tract que nous avons publié lors d'un Salon de Jeunesse à Montreuil et à un article qui abordait le même problème.
(9) La littérature enfantine. Dossier nø1 des Actes de Lecture, AFL