La
Bibliothèque d'ELSA…
…le nouvel ELMO
(tiré des Actes de Lecture n°55, juin 96, p.58)
Dans le
numéro 52 de décembre dernier, un dossier de présentation
du nouveau logiciel d'entraînement à la lecture, maintenant appelé
ELSA avait pour titre L'ELMO nouveau va arriver. Songeant, au moment d'écrire
ces lignes, à celui où elles seront lues, nous l'intitulerons
ELSA est arrivé!ELSA, Entraînement à la Lecture SAvante.
Les pages qui suivent sont consacrées à sa "bibliothèque,
à savoir plus de 350 textes extraits d'environ 250 livres et d'une trentaine
de périodiques. ELSA, le nouvel ELMO, s'appuie sur la littérature
jeunesse. La totale refonte du logiciel exigeait une économie générale
moins austère et plus conforme aux nouvelles possibilités de l'informatique
et des exercices tenant compte d'autres manières de concevoir l'entraînement.
Sur ce dernier sujet, nous renvoyons nos lecteurs au dossier du n°52.Mais cette
refonte, c'est aussi le changement complet des textes sur lesquels on s'entraîne.
Pour des raisons qu'il convient d'expliquer.
La première raison est née d'une désillusion. ELMO,
le frère aîné d'ELSA, a été conçu au
début des années 80, au moment où, la période de
leur expérimentation se terminant, les BCD se multipliaient. On assistait
à une généralisation encouragée par les textes officiels.
Pour les auteurs d'ELMO - à l'origine des BCD, rappelons-le - les deux
"outils" étaient complémentaires, liés par leurs objectifs
et leurs usages, instruments d'une même politique. La BCD introduisait
la littérature de jeunesse (fiction, presse et documentaire) dans les
activités scolaires... ELMO répondait aux besoins que cette introduction
faisait naître. " Il est temps de lire ailleurs et autrement (...) que
dans les manuels et les livres de lectures suivies " écrivions-nous alors
à propos de la première. " ELMO, remède miracle qui dispense
de toute autre action se révélera probablement peu efficace "
disions-nous du second. Les exigences d'une autre lecture donnaient, aux yeux
mêmes des enfants, sa légitimité au logiciel et à
l'entraînement sa fonction. La BCD était en outre le lieu désigné
de réinvestissement des acquis de l'entraînement. La littérature
pour la jeunesse que les deux permettaient de bien connaître trouvait
ainsi une fonction sociale et propédeutique.On sait ce qu'il en a été,
bien souvent, de l'usage de l'un et de l'autre et de leur difficile association
au sein d'une même pédagogie. Difficultés à rompre
avec un fonctionnement scolaire assez incompatible avec les conditions d'un
bon entraînement... réticences à introduire les écrits
sociaux à l'école et méconnaissance de la production jeunesse.
Les résultats d'une enquête rapide qu'on pourra lire plus loin
montrent qu'il en est certainement de même aujourd'hui quant à
la connaissance de (et au recours à) la littérature enfantine
par les enseignants.ELSA a donc, en partie, été conçu pour
remédier à ce constat, en conjuguant 2 objectifs : perfectionner
les stratégies de la lecture, utiliser la littérature de jeunesse
et faire qu'ainsi puisse être davantage connue et utilisée, par
l'enseignant et par les enfants, l'édition enfantine, des classiques
les plus avérés à la production la plus récente.
Choisi par une équipe d'enseignants, de bibliothécaires, de chercheurs
et d'enfants, l'écrit sur lequel on s'entraîne est issu de 215
livres écrits par 117 auteurs et édités par 48 maisons
d'édition et de 31 journaux différents (magazines et presse quotidienne).
La sélection fut difficile qui voulait substituer à des textes
datés un ensemble reflétant autant que faire se peut la diversité
d'une littérature ayant beaucoup évolué, moins conventionnelle
et plus ambitieuse dans les sujets qu'elle aborde, dans sa manière de
les présenter, dans sa représentation implicite de ses lecteurs.
Qui voulait ne retenir que des textes suffisamment complexes (et non pas nécessairement
difficiles !) pour permettre des entrées et des interprétations
différentes, pour qu'on puisse les soumettre à un questionnement
qui ne se limite pas à l'anecdotique et au factuel. Mais c'est une sélection...
opérée par l'AFL... et on lira aussi dans ce présent "dossier"
ce qu'en pensent des spécialistes de l'édition enfantine au regard
de l'ensemble de la production disponible. Autre innovation destinée
à familiariser avec la production jeunesse : chaque texte apparaît
sur l'écran de l'ordinateur comme un fac simile c'est-à-dire
tel qu'il est mis en page et illustré dans le livre dont il est extrait.
Il est en plus précédé d'une fiche d'identité (titre,
auteur, maison d'édition, collection) et d'une reproduction de la couverture
de sa dernière édition. Hors des exercices proprement dits, 180
livres sont cités en références et peuvent aider à
une mise en réseau (selon leur genre, leur thème, etc.), base
d'une lecture "littéraire", de tous les livres utilisés et des
lectures à venir.
La deuxième raison résulte d'un autre constat, de nature différente,
officiel celui-là puisqu'il ressort de l'analyse des résultats
des évaluations ministérielles CE2/6ème (Cf. Quand se décidera-t-on
à enseigner la lecture ? Jean Foucambert, A.L. n°54, juin 96, p.66).
21,4% des élèves de 6ème, y est-il indiqué, maîtrisent
en lecture des compétences dites remarquables. Compétences qui
ne sont remarquables que parce qu'elles ne sont précisément manifestées
que par une minorité... mais qui, en réalité sont celles
d'un authentique savoir-lire. Celles d'une lecture qui, dépassant la
seule possibilité de comprendre un texte, en découvre l'implicite,
les intentions et, à dire vrai, le véritable intérêt.
Le terme SAvante dans le sigle du logiciel, indique que l'objectif d'ELSA est
précisément d'aider au développement de ces compétences
remarquables, de ce qui est essentiel dans la lecture. Lecture savante, donc...
à l'aide de la littérature de jeunesse. Et nous revenons à
ce qui nous occupe ici. Dans la présentation des exercices (A.L. n°52),
nous notions que même ceux qui pensent que l'écrit sur lequel on
s'entraîne n'a pas d'importance (les actes réels de lecture se
faisant ailleurs et plus tard) conviennent que le fait de s'entraîner
sur des écrits semblables à ceux qu'on sera appelé à
lire ensuite ne sera sans effet sur la manière de les lire. Mais c'est
surtout à travers le type de lecture et l'attitude distanciée
par rapport aux textes qu'exigent les questions (et qu'induisent les "aides"
à leur effectuation) notamment sur la nature et le fonctionnement des
textes, les intentions de l'auteur, le statut du lecteur, etc., que peuvent
se constituer une sensibilité aux processus et aux formes d'écriture,
la capacité d'interpréter un texte au-delà de ce qu'il
contient, une "culture de l'écrit"... c'est-à-dire les compétences
qui semblent faire défaut à tant d'enfants. " C'est seulement
parce que la lecture est posée d'entrée de jeu et tout au long
de son apprentissage comme l'activité par laquelle se découvre
l'implicite du texte que cette compétence va pouvoir se développer
" rappelait Jean Foucambert dans l'article cité plus haut.Cet appui sur
la littérature enfantine ne signifie aucunement, de la part des auteurs
du logiciel, une adhésion inconditionnelle à ce qu'elle est et
qu'ils la considèrent comme une valeur intrinsèque, indiscutable
et destinée à être promue. Mais ils n'imaginent pas non
plus un perfectionnement de la lecture qui l'ignorerait. Robert Caron rappelle
opportunément plus loin que la littérature de jeunesse, par les
personnages qu'elle met en scène, les situations qu'elle présente,
les systèmes d'explications qu'elle avance, est une production socialement
marquée et... bien souvent "politically correct" ! Ce qui justifie encore
qu'un apprentissage à sa lecture soit mené, qui conduise certes
à des préoccupations esthétiques mais surtout à
l'exercice d'un sens critique et à l'examen des modèles qu'elle
véhicule.
Michel Violet