ELSA
Entraînement à la Lecture SAvante
ou Entraînement à la Lecture Sans
Accompagnement
?
(tiré des Actes de Lecture n°66, juin 99, p.60)

 

Après les différentes présentations du logiciel dans les CRDP et dans les CDDP, j'avais le sentiment d’un accueil très favorable. Surprise, admiration, enthousiasme étaient les premières réactions.

Cette première phase de promotion terminée, je suis entré dans une phase plus opérationnelle auprès d'utilisateurs potentiels : enseignants de collèges et de cycles 3. Les déjà convaincus par les présupposés de l'AFL sur la lecture ont facilement été acheteurs et utilisateurs du produit. Pour les autres, les réserves, parfois fallacieuses, ont abondé : " trop difficile pour le niveau de nos élèves, vous ne vous rendez pas compte qu'on est en ZEP, il nous faudrait un outil de remédiation... " Il faut dire que certains se trouvaient surpris, un peu en difficulté, peu habitués à travailler sur les compétences remarquables.

Le fait que le logiciel inclut des éléments de théorisation et d'activités réflexives qui n'étaient pas dans ELMO n'est pas un argument décisif chez certains enseignants. Il est plutôt culpabilisant parce que chacun peut se rendre compte qu'il faudrait alors intervenir à ce niveau-là et peu sont prêts à s'y engager.

J'arrête là les procès d'intention.

Actuellement, j'interviens auprès d'utilisateurs du logiciel, notamment au cours de classes lecture et je rencontre souvent les mêmes comportements.

Un premier constat s'impose : les élèves, y compris les plus en difficulté, " entrent " facilement dans le logiciel. La variété des séries et la richesse des textes, même quand ils sont "mal" compris, enclenchent un écho positif. Ils ont le sentiment d'être pris au sérieux, de ne pas faire du "scolaire" et que ce travail les fait progresser.

Le deuxième constat, c'est que les aides ne sont pas utilisées (ou le sont peu) ni par les enseignants ni par les élèves, sauf en série E (les exercices de " closure ") pour obtenir les 4 mots suivants écrits en silhouettes. Certains élèves ne savent pas qu'ils ont le " droit " de les utiliser.
Parfois, les résultats ne sont même pas consultés.

L’exercice n°0, prévu pour chaque série en exercice au choix, qui permet d'expliquer la série, ses objectifs, les stratégies à mettre en place, en dehors du stress du résultat, est ignoré par la majorité des enseignants qui démarrent directement sur l'entraînement. " Et vas-y que j'me débrouille comme je peux ! "

Enfin, les aides essentielles pour progresser, Historiques et Exercices au choix, sont pratiquement "oubliées". Elles ne sont pas considérées comme faisant partie de l'entraînement.
Que dire du guide ou de l'aide en ligne qui sont ignorés par bon nombre d'enseignants ?

 

Avec ELMO, l'AFL affirmait que les exercices sur le logiciel constituaient environ 30 à 40 % de l'entraînement, le reste se répartissant entre les activités de théorisation sur l'écrit, les activités réflexives sur la lecture et les comportements de lecteur, les activités de réinvestissement en BCD. Sachant que dans certains cas ces activités étaient réduites au minimum, ELSA propose donc des aides à l'apprenti comme à l'enseignant, encourage à la mise en réseau et donne des pistes. Peine perdue ! Majoritairement, l'outil est reconnu comme agréable, performant, intelligent, un progrès par rapport au "vieil" ELMO. Mais il continue à être utilisé comme un outil qui permet à l'enseignant de se décharger sur le logiciel pour la gestion individualisée des élèves, ce que celui-ci réalise fort bien d'ailleurs.

Beaucoup de logiciels performants comme Word, Excel, X Press sont sous-exploités par les utilisateurs mais ils ne servent pas directement la pédagogie et tout le monde se moque de ce sous-emploi d'autant qu'ils se vendent bien malgré leur prix parce qu'ils sont reconnus par les professionnels. ELSA et ELMO International sont sous-exploités mais comme ils ne sont reconnus que comme une machine à exercices, certains les trouvent chers. Pourtant, "en suivant le guide", on en a pour "son" argent.

Peut-on imaginer une pédagogie, même la plus traditionnelle, qui ne corrigerait pas le travail, ne comparerait pas des stratégies de résolution de problèmes dans des exercices proposés. Avec ELSA, on a l'impression que l'outil est tellement bon qu'on pourrait se passer d'actions pédagogiques autour du logiciel et qu'il se suffirait à lui-même. C'est sans doute ce que souhaitent beaucoup d'enseignants, il y a " tellement d'autres choses à faire ! "

Dans les textes, les emplois du temps, dans les discours pédagogiques, la maîtrise de la langue est affirmée comme une priorité. Mais les actions se dispersent, se diluent sans que les élèves perçoivent une cohérence. Tout se passe comme s'il n'y avait pas véritablement d'enseignement de la lecture, comme s'il n'était pas fondamental de parler, d'écrire autour des lectures autrement qu'avec des lectures expliquées. Il y a matière à traiter les interprétations, les incompréhensions, les implicites pour ce qui concerne le contenu mais également le fonctionnement des textes, à expliciter les stratégies de lecture et celles des lecteurs.

Faut-il encore répéter que c'est un excellent outil d'entraînement, comme ELMO, mais aussi un formidable outil de théorisation et de formation pour l'élève et le pédagogue. Si le projet est le moteur de l'apprentissage, ELSA est un des moteurs des activités d'enseignement. Toutes les activités d'enseignement de la lecture ne peuvent pas s'articuler uniquement autour d'ELSA, mais comme la BCD, le logiciel permet de repenser la lecture et d'organiser bon nombre d'activités autour de l'entraînement.

ELSA est souvent utilisé comme un outil d'évaluation, rarement de formation du lecteur. La série T continue d'être un test et n'est pas considérée comme une série pour s'entraîner à mieux comprendre un texte.

Alors, ELSA, encore en avance sur la pédagogie tout comme ELMO il y a 15 ans ?

Problème de formation ? et / ou Problème de transformation de l'école et de ses rapports aux savoirs ?

André MOUREY