La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°65  mars 1999

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LE COLLEGE ET LES ENJEUX DE SA FERMETURE  

"Sensible" ou "essentiel" tels sont les qualificatifs que l'on applique au collège lorsqu'on le situe dans le système scolaire dans son ensemble : maillon sensible, maillon essentiel du système. C'est A partir de ces deux points de vue sur une même réalité, point de vue conjoncturel et point de vue structurel, que se construit la réflexion qui suit, réflexion sur une pratique d'enseignant, essai d'analyse, personnelle et engagée, d'une réalité vécue et notamment de la publication d'un journal en circuit court qui est apparue comme un analyseur (1) de la situation du collège. 
 
 

Des pratiques routinières

Deux exemples symptomatiques d'un fonctionnement et d'une attitude caractéristiques au collège.

Un premier concerne l'attitude de certains enseignants de français devant la modification des pratiques d'enseignement de cette matière par les nouveaux programmes depuis la rentrée 1996 pour la classe de sixième, les années suivantes pour les classes de cinquième puis quatrième, notamment par la mise en place des "séquences didactiques" : "un mode d'organisation des activités qui rassemble des contenus d'ordre différent autour d'un même objectif sur un ensemble de plusieurs séances." (2) Il s'agit d'un décloisonnement qui concentre la matière autour de liaison de la lecture et de l'écriture et qui permet, en reportant l'évaluation sommative en fin de séquence et en donnant au travail sa cohérence en lui fixant l'objectif d'une production, la mise en œuvre d'une certaine pédagogie de projet. Rien d'extraordinaire donc. Cette modification a été pourtant vécue difficilement par certains collègues, aux habitudes de travail autres et fortement ancrées, qui, refusant d'y percevoir une logique réelle (leurs interrogations portant par exemple sur le maintien ou non des divisions du cahier de texte en sous-matières : explication de texte, rédaction, grammaire, orthographe...), s'inquiétaient surtout de la possibilité de continuer A travailler comme avant...

Un tel refus d'un changement, pourtant limité, et le maintien de pratiques anciennes par certains parallèlement A leur abandon par d'autres contribuent A désorienter des élèves ou des parents pour qui - effet d'une scolarité dont on veut ainsi encore prolonger la survie - ce qui importe est l'effort, la connaissance, la tradition mais non le sens et la clarté. Ce qui importe pour certains élèves. En effet, l'innovation, sinon l'ouverture, sont admises et donc possibles dans certains secteurs marginaux du collège : on ne risque rien d'essayer pour les élèves en échec, que ceux qui veulent expérimentent avec eux ces pédagogies " nouvelles " du moment qu'on conserve pour les autres élèves les pédagogies qui auraient fait leurs preuves. Telle est l'opinion majoritaire : ce qu'on pense quand on ne veut pas admette que ce sont ces pédagogies qui fournissent des élèves pour les classes A expérimentation pédagogique (dans lesquelles majoritairement on refuse de s'engager, le faible nombre de collègues volontaires pour enseigner en classe de 4e ou de 3e technologiques contraste avec le nombre de ceux qui proposent d'y orienter les élèves qu'ils souhaitent ne plus voir devant eux).

Un autre exemple concerne les pratiques de communication habituelles en classe. Dans un article, Elisabeth Nonnon les présente ainsi : " La communication pédagogique est toujours très fortement finalisée, même dans les situations, minoritaires, où cette finalisation n'est pas directe (la nécessaire constitution du lien social dans la classe, par exemple) : il faut que l'échange verbal débouche sur quelque chose, qu'il soit condition ou lieu d'un progrès et d'un apprentissage (que le discours soit l'objet de cet apprentissage ou son moyen) " (3)

C'est le constat que l'on peut faire au collège : la communication scolaire est très généralement orientée de dominant, l'enseignant, A dominé, l'élève. Ces habitudes font obstacle A l'instauration d'une communication qui présuppose qu'autrui est une personne et qu'on ne le traite pas en objet, mais en sujet, dans laquelle se réalisent l'" intercompréhension " et le " consensus ", au sens d'Habermas (" dès qu'on accepte de parler, nous avons A présupposer mutuellement que nous sommes responsables ") (4), c'est-A-dire la discussion authentique, qui permet le débat véritable et ne suppose pas l'accord de tous, conditions nécessaires pour la qualité des apprentissages comme de la vie scolaire dans son ensemble. 

La comparaison de plusieurs types de journaux paraissant ou ayant paru au collège est intéressante A cet égard. Des journaux d'information semblent se situer hors du schéma dominant ; mais en acceptant de publier des articles d'élèves au ton convenu (sur la joie de partir bientôt en vacances) ou des informations A l'intérêt discutable (la recette des crêpes A la Chandeleur par exemple...), ils renforcent en fait le schéma de la communication habituelle par la publication en quelque sorte rituelle de ces articles A certains moments de l'année (les " marron-niers " dans la presse quotidienne), et même s'ils célèbrent les vacances et non le travail - alors que la morale scolaire l'impose habituellement - et si l'un avait pour titre " Les incorrigibles " (sic), le renversement qu'ils opèrent est octroyé, comme étaient tolérés autrefois d'apparents renversements limités aux périodes de carnaval. Une phrase de l'éditorial d'un de ces journaux, dont le sens a dû échapper A son auteur, peut d'ailleurs apparaître comme un appel A l'insignifiance, en tout cas pas un appel A la responsabilité ; c'est la suivante : " Ce journal n'est pas un journal d'opinion, tout le monde peut donc y écrire ". D'autres journaux, journaux d'opinion en circuit court, parce qu'ils tentent, eux, d'établir une communication authentique et suscitent donc le débat, font scandale, des enseignants réclament leur interdiction ou menacent le responsable de leur publication des tribunaux...

C'est une conception limitée de l'écrit et de l'enseignement qui refuse en fait l'accès des élèves A un véritable statut de lecteur et qui est A l'origine des critiques qui s'élèvent contre la rédaction par les élèves d'articles d'opinion. C'est, indique Dominique Vachelard, dans un article intitulé Court-circuit et circuit court (5), " l'attitude communément adoptée au sein de l'institution qui, en tant que système de formation, ne pourrait justifier son existence s'il atteignait ses objectifs avant l'accomplissement total de sa mission. De façon plus triviale, les enfants sont scolarisés pour apprendre et c'est seulement au terme de ce parcours qu'alors, peut-être, ils sauront. " Cette attitude de refus est bien, rappelle Dominique Vachelard, une " "catégorisation d'autrui" au sens où Michel Postic l'entend, [...] d'après lui "catégoriser un élève, c'est lui refuser A l'avance l'accès A un autre état que celui dans lequel on l'enferme" " (6) dont on ne peut nier les conséquences. Après tout, Jean Foucambert le signale, " le non-lecteur n'est jamais que celui qu'on a patiemment convaincu de l'inutilité de l'écrit et qui n'a pu en rencontrer les effets transformateurs dans son quotidien "... (7) Elle a pour effet d'empêcher les élèves qui écrivent A un moment de leur scolarité dans un journal en circuit court d'acquérir des habitudes de discussion, d'accéder au débat d'idées : leur désintérêt pour le travail scolaire et l'absence de respect de ces mêmes élèves pour les enseignants qui maintiennent ce type de rapports n'entraîne cependant pas mécaniquement l'accession A une nouvelle forme de communication (8). Rien n'indique malheureusement qu'il y accéderont plus tard dans une vie de citoyen.
 

Des logiques négatives 
L'analyse des réactions de la plupart des professeurs du collège A la publication d'un journal en circuit court, perçu comme outil de scandale parce que dévoilant des réalités non dites habituellement, et comme outil d'agression parce que faisant entrer "l'ennemi" dans la place permet de mettre A jour les logiques A l'œuvre.

Certains articles ont levé un quasi tabou et les réactions que leur publication a provoquées mis A jour un aspect important de la situation de fermeture du collège. Ces articles concernaient la vie en classe, domaine où chaque enseignant exerce généralement seul, hors du jugement des autres - nous sommes très peu nombreux au collège A intervenir, ponctuellement, A deux devant des élèves - sa liberté pédagogique et voir ce domaine publiquement dévoilé et certaines attitudes, de plus, mises en cause dans le journal est apparu comme une situation très violente. Au même moment pourtant, les mêmes constats (des élèves s'ennuient dans certains cours) étaient fait dans les colonnes des journaux et magazines nationaux (de Libération, avec, par exemple un article du 28 mai 1998 intitulé Les élèves aiment leur école, moins leurs profs A Marie Claire titrant Pourquoi les enfants s'ennuient A l'école un entretien avec Philippe Meirieu publié en mai 1998) : ce qui remplit les journaux ne doit pas être évoqué avec les élèves dans le collège, est nié de fait.

Ces articles révélaient en fait au grand jour ce que François Dubet nomme une " expérience intime " et dont il donne les caractéristiques importantes, caractéristiques qui permettent de comprendre les réactions que suscite le fait de les rendre publiques (9). Cette " expérience intime " quotidienne des enseignants consiste, selon lui, en la fabrication d'" une relation scolaire qui ne lui préexiste pas totalement " : l'enseignant de collège doit " communiquer des savoirs " mais aussi " construire des "relations" avec les élèves " et enfin " établir un ordre scolaire permettant A la classe de se dérouler " ; dans ce travail, il subit des " contraintes objectives tenant A la nature des élèves et A des variables de personnalité d'autant plus engagées [qu'il] jouit d'une grande marge d'autonomie et d'initiative quant A ses choix pédagogiques ". Il faut sans doute relativiser l'importance de la liberté pédagogique dont disposent les enseignants de collège (ils ne peuvent que peu de chose, individuellement, pour changer le statut d'un élève qui n'est pas celui d'un enfant ou d'un adolescent autonome, dont la circulation, par exemple, est réglementée, dont la vie est parcellisée - en matières et en salles - sauf quand il est exclu de cours...), mais il se vérifie que leur métier comme l'indique François Dubet " appartient "personnellement" " A beaucoup d'enseignants. Il existe, de plus, selon le sociologue, dans l'esprit des enseignants de collège une distance entre l'école idéale et la réalité vécue. Cet écart, mal ressenti - François Dubet emploie le mot " chute " -, explique sans doute aussi les réactions très vives aux articles du journal quand on sait que parmi les valeurs idéales de l'école auxquelles les enseignants se disent attachés se trouve le développement de l'esprit critique : le journal, lieu réel de pensée critique, révèle la contradiction et est donc insupportable. François Dubet signale que " parce que la pratique quotidienne apparaît toujours limitée et incomplète " (en référence A l'idéal signalé), le groupe d'enseignants avec lequel il a travaillé était " particulièrement friable A la critique venue du dehors [...] réfut[ée] pour la forme, et accept[ée] pour le fond. " 

Ceci expliquerait la crainte très forte des parents d'élèves, manifestée par les enseignants ou l'administration du collège comme seule réponse A l'attitude d'incompréhension et d'hostilité de certains parents d'élèves envers l'établissement. François Dubet note encore que " ceux qui comprennent individuellement les parents des élèves s'en défient collectivement, ceux qui voudraient personnellement changer leurs manières de travailler défendent collectivement les traditions, ceux qui critiquent le conservatisme des syndicats se placent volontiers sous leur aile protectrice... ". 

Ces exemples montrent que la fermeture du collège est réelle , que ses effets soient le repli sur soi ou le refus de voir la réalité, et que ses causes, si l'on suit François Dubet, tiennent A un état d'esprit des enseignants autant qu'A des pratiques pédagogiques.

Dans un article, Florence Giust-Desprairies et Danielle Hans rapportent une expérience d'intervention psychosociologique dans des établissements difficiles, qui s'apparente par certains aspects A la situation de crise créée par la parution d'un journal en circuit court en ce qu'elle fonctionne comme analyseur. Les auteurs décrivent dans leur article des " logiques " qui " sous-tendent les positions " des enseignants ; certaines de ces logiques paraissent être A l'œuvre dans les réactions A la parution du journal en circuit court. Elles font apparaître un autre aspect de la fermeture dont souffre le collège.

Rappelant qu'un conflit peut se comprendre A plusieurs niveaux, elles notent que, dans l'Education nationale, " la tendance est A la simplification en référence A un modèle qui pose la résolution d'un problème A sa réduction en éléments les plus simples " et que " cette schématisation vide la situation de son sens, confronte les acteurs A l'impuissance, A la perte du désir, et les amène A des attitudes de stigmatisation et de stéréotypie ". Elles ajoutent que " cette difficulté A affronter la complexité tient également au fait d'exclure du champ de la compréhension des situations la conflictualité inhérente au sujet ". Elles constatent de plus une tendance A l'" évitement d'une analyse des situations en intériorité et du besoin de maintenir A distance les significations singulières et collectives liées au problème " ainsi les élèves sont vus " fréquemment [...], non pas dans un processus d'évolution [...] mais comme arrêtés dans un état définitif souvent lié A leur statut (troisième techno...), public "générique" objectivé dans ses caractéristiques ". Elles précisent que la " représentation sociale du processus d'enseignement exclut toute dimension intersubjective ", que " l'objectivité évince la subjectivité. " (10) 

Ces remarques s'appliquent tout A fait A la façon dont a été, dans le collège, caricaturé mon rôle dans la publication du journal - accusation sans preuve (pas de consultation des brouil-lons d'articles, refus d'assister aux discussions en classe) de manipuler les élèves - et aux réactions outrancières au contenu des articles (les deux années précédentes, des articles de même teneur écrits par des élèves de 4e et 3e technologique n'avaient pas suscité le même émoi) ; schématisation, stigmatisation, refus de toute attitude compréhensive ou même de la simple analyse, jugements globaux ont été patents. Les auteurs de l'article concluent que " la recherche de compréhension et de sens peut apparaître [...] comme [...] secondaire " ; sans manier comme elles la litote, on peut qualifier l'attitude des enseignants de négative ou pour le moins d'aveugle... 

Avec du recul, on ne peut qu'être frappé par le lien entre les principes d'une certaine pédagogie, disons transmissive, et les logiques des enseignants analysées par Florence Giust-Desprairies et Danielle Hans. Cette pédagogie, ancienne, dite de l'empreinte, repose sur les postulats suivants (11) : l'assimilation dépend de la clarté et de la précision de l'exposé de l'enseignant, la mémorisation dépend de la simplification du contenu. On y retrouve assez facilement les phénomènes A l'œuvre au collège tels que les présentent Florence Giust-Desprairies et Danielle Hans selon lesquelles chez les enseignants " l'objectivité évince la subjectivité " et " l'explication l'emporte sur la compréhension ". Un troisième postulat de la pédagogie de l'empreinte est la motivation par le contenu, selon lequel les apprenants écoutent parce que ce que dit l'enseignant est en soi intéressant sinon il n'en parlerait pas ; on peut retrouver lA une part au moins de l'aspect intime de l'acte d'enseigner décrit par François Dubet. L'orientation A sens unique de la communication pédagogique, de l'enseignant vers l'élève, dont il a été question plus haut, est héritière de cette pédagogie, son caractère encore dominant est un signe de sa survie. Les attitudes et les logiques de fermeture décrites ont des liens nets avec un certain type, daté, de pédagogie. 
 
 

Fermeture et enfermement 

Florence Giust-Desprairies et Danielle Hans mettent l'accent dans leur article sur une autre logique A l'œuvre chez les enseignants en décrivant une des contradictions qui domine leur situation et qui permet de comprendre la violence de certaines réactions A la parution du journal en circuit court. Elles constatent en effet que les enseignants qui sont " habitués A exercer leurs activités A partir de consignes qui viennent "d'en haut", [...] ont tendance A attribuer "au système" ou A des autorités plus ou moins lointaines, les dysfonctionnements constatés (et ce-ci peut être fondé en partie), mais ce mouvement nourrit aussi des résistances A "l'idée qu'on y peut quelque chose". Rendre compte des difficultés uniquement en termes d'attributions externes de responsabilité justifie la position d'impuissance et de mécontentement. " Pour résumer, elles attribuent ce comportement A, l'expression est forte, la " nécessité de n'y être pour rien ". S'exclure de toute responsabilité dans les problèmes en la rejetant sur des facteurs externes permet en effet de justifier un mécontentement latent contre le système ou tel ou tel ministre en se dédouanant A bon compte et, en fait, de se fermer A tout changement. D'où le caractère parfois insupportable des articles d'un journal rendant évident "qu'on n'y est pas pour rien", que des responsabilités sont bel et bien internes et même parfois directement identifiables comme personnelles, d'autant plus que cela se fait par l'intermédiaire d'un collègue, n'appartenant pas A la hiérarchie, "l'en haut", et est écrit par des élèves, qu'on ne peut renvoyer "au système", ce qui annule la fiction dans laquelle certains s'enferment. 

Les mêmes auteurs signalent encore que " les pratiques [...] répondent le plus souvent A un objectif méconnu des professionnels eux-mêmes : renforcer le système interne menacé par la mise en œuvre de modalités de défense des constructions identitaires et des croyances qui les fondent. Le questionnement identitaire tient au fait qu'il s'agit non pas d'une atteinte partielle qui nécessiterait quelques remaniements mais bien d'une rupture dans la construction identitaire professionnelle qui s'est nourrie essentiellement des logiques de la certitude, de la maîtrise et de la continuité, dans un monde marqué par l'indétermination et la diversité. " On peut faire l'hypothèse que cette situation inconsciente est source de souffrance et que les réactions des enseignants aux événements du monde scolaire, dont la parution d'un circuit court est un cas particulier, sont l'expression de cette souffrance autant qu'un moyen de tenter d'y échapper. C'est ce que François Dubet constate explicitement : " le discours des enseignants est dominé par la souffrance. " Il en voit l'explication - ce qui rejoint l'analyse précédente - dans le " clivage du statut et du métier, de l'ordre du système et de l'ordre de la personnalité " qu'il observe chez les professeurs, " plus profond chez les professeurs de collège où les finalités de l'école sont perçues comme plus nettement contradictoires, où l'hétérogénéité des élèves et le poids de l'adolescence déstabilisent plus nettement encore [qu'au lycée] l'image de la profession ". Le sociologue a pu le constater au cours de la recherche dont il rend compte dans son livre déjA cité, et en tant qu'enseignant en collège, cette recherche l'ayant conduit A demander un poste dans ce type d'établissement. Il en conclut qu'" on ne passe pas aisément du "on" au "je", comme si le "système" et l'expérience personnelle de l'enseignement étaient deux mondes irréductibles. "
 

En sortir 

Fermeture et enfermement, des pratiques héritées aux représentations acquises, aux effets des logiques A l'œuvre, la situation du collège et de ses enseignants est détestable, nuisible A ces derniers et aux personnels d'éducation et de service comme aux élèves et A leurs parents. Cette situation semble, lA où elle perdure, relever d'un ensemble de principes et de pratiques pédagogiques issus de conceptions datées - de l'école, de l'enseignement, de la communication - marquées par leur caractère A la fois routinier, paralysant et inégalitaire. 

Il est urgent d'échapper - par le haut - A cette situation détestable de fixation dans des attitudes défensives irréalistes, nuisible A l'efficacité des apprentissages et A l'instauration d'une vie scolaire responsable (où les élèves seraient acteurs sociaux et acteurs de leurs apprentissages), qui provoque l'entrée en conflit des enseignants avec les élèves et avec les parents alors que tous ont des souhaits ou des objectifs qui se recoupent souvent. Tout en fait appelle au changement : le malaise des enseignants et des élèves, le désappointement des parents. 

Ceux qui souhaitent mettre fin au blocage actuel et qui y travaillent, des équipes d'ensei-gnants - peu nombreuses - se sentent parfois isolés, avec quelques parents, ils prennent appui sur certains textes officiels, sur leur hiérarchie éventuellement, sur l'action et la réflexion de mouvements pédagogiques, engagent des interactions avec l'extérieur (par exemple : intervention d'un écrivain en classe pour un atelier d'écriture, collaboration avec la bibliothèque municipale, publication de travaux, d'élèves et d'enseignants, par Internet) mais - dans le cas particulier et en général au collège - on est loin de ce qui pourrait permettre d'en finir avec la coupure avec le corps social et le resserrement des activités sur l'enseignement des disciplines.

Le changement qui s'impose passe par un changement des pratiques et des alliances, par leur renversement.
 
 

Michel PEYROUX.  ***(1) Au sens où le définissent Rémi Hess et Antoine Savoye : " l'analyseur, parce qu'il déconstruit les rapports sociaux institutionnalisés, oblige A prendre partie, A ne plus cacher ce qu'on est, A parler ou agir pour prouver ce qu'on est ou ce qu'on dit. Il révèle les rapports de pouvoir dissimulés sous l'idéologie du bien commun, du consensus ", HESS (R.) et SAVOYE (A.), L'analyse institutionnelle, Paris, PUF, 1981.

(2) Selon le document Accompagnement des programmes de 6ème, Ministère de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie, CNDP

(3) NONNON (E.) Postulat de cohérence et exigence didactique in Le Français aujourd'hui. Normes et pratiques de l'oral, n°101, mars 1993.

(4) HABERMAS (J.), Etre résolument moderne in Autrement ; A quoi pensent les philosophes, n°102.

(5) A.L.n°62, juin 1998

(6) POSTIC (M.) La relation éducative, Paris, PUF, 1994.

(7) A.L. n°31, sept. 90.

(8) Une expérience de la discussion, A.L. n°61, mars 98

(9) Dans DUBET (F.) MARTUCELLI (D.) A l'école. Sociologie de l'expérience scolaire, Paris, Seuil, 1996

(10) Paru dans Education permanente n°127 / 1996 et intitulé Les enjeux actuels de l'intervention psychosociologique dans les milieux de la formation.

(11) D'après MARTIN (J.P.) et SAVARY (E.), Formateur d'adultes, EVO Chronique sociale, Lyon, 1996.