La revue de l'AFL
Les
Actes de Lecture n°57
mars 1997
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LA RÉÉCRITURE ET SON CONTEXTE
L'idée de réécriture
est née à Asnelles
(1). Premier numéro
des premières Classes Lecture avec son contingent de difficultés
imprévisibles et cette nécessité qui naît de
l'action, pousse à la recherche et fait inventer de nouveaux dispositifs.
Je ne reviens pas sur la genèse de cette technique (pour ceux qui
désirent tout savoir de la naissance de ce vieux/nouveau bébé
: Cf. A.L. n°24, déc.88, pp.77 à 88).
Dans la belle saga des idées AFL, la réécriture
a un statut très particulier. Elle est là, elle existe. De
temps en temps on en parle un peu comme on le ferait de la pluie et du
beau temps. Bref, elle jouit d'un succès d'estime sans vague.
Le regroupement, il y a quelques années à Bessèges,
de l'ensemble des responsables et acteurs des Centres Lecture l'a abordée.
Le sujet a été mis sur la table et a donné lieu à
un constat de pratiques fort différentes. A certains endroits on
n'en parle pas et donc on ne la pratique pas. A d'autres, on dit la pratiquer.
Ailleurs encore, on avoue rencontrer quelques difficultés. Lors
d'une mise en situation de réécriture de l'ensemble des participants
sur un texte d'enfant, l'écart s'est fait réalité.
Et là, le sens construit par chacun autour du mot réécriture
est apparu fort bigarré.
Le stage de Beaumont est, bien sûr, revenu sur cette technique.
Les disparités des pratiques se sont encore une fois confirmées.
Loin de vouloir donner tort ou raison à tel ou tel, il nous est
apparu important de faire un point précis. Ceci dit, la présente
tentative m'est personnelle et donc tout à fait subjective.
AU TRAVAIL... POUR SAVOIR DE QUOI L'ON PARLE...
A plusieurs reprises, avec différents publics (Personnes des
Centres Lecture, Formateurs PAQUE, Personnel d'un IMPRO, animateurs DEFA,...),
la mise en situation de "Réécriture" a permis de mettre à
jour les différents points de vue, les réticences, les peurs,
les difficultés techniques,... Moment riche en débat et en
matière à théorisation.
Prenons un exemple précis. Le texte proposé est celui
d'un enfant parlant d'une tristesse d'enfant. L'information donnée
est qu'il s'agit d'un enfant de Vitrolles. Voilà. Le texte (Texte
1) est donné à l'ensemble des participants. Consigne est
proposée d'écrire un autre texte qui aurait l'intention de
dire la même chose que le texte initial de l'enfant.
Texte 1
Je les regarde avec tristesse. Je me dis qu'en plus ils doivent
perdre du temps avec l'ascenseur, surtout quand leur fenêtre est
au quatrième étage. Elles sont décorées avec
des pots de fleurs leurs fenêtres, mais moi, je suis sûr que
c'est mieux dans une villa parce qu'on peut y mettre de grosses plantes.
Les enfants de mon âge voudraient bien une pelouse pour jouer
au foot et moi je dis qu'ils ont bien raison car on pourrait jouer ensemble.
Le résultat de ce travail suit globalement le même type
de schémas de productions. Autrement dit, on obtient des textes
que l'on pourrait classer en grandes catégories qui ont le mérite
de mettre à jour, trahir, ce que les participants entendent par
réécriture.
1/ La Réécriture toilettage. (Texte. 2)
Très fréquente. Elle consiste à coller au plus
près de la structure du texte initial. L'intervention se limite
à corriger les fautes d'orthographe, mettre d'aplomb les phrases
bancales, limiter au maximum l'intrusion de mots nouveaux. Bref, coller
au plus près de "la parole de l'enfant" tout en s'inquiétant
sérieusement de sa propre intervention de réécriture.
L'auteur d'un tel texte en général, ressort épuisé
et relativement inquiet. Il est clair que sa principale préoccupation
est de ne pas "trahir" la parole initiale. Lorsqu'il lit son texte, il
attend l'approbation des autres, un signe qui rassure et qui dit : "C'est
vraiment le texte de l'enfant." Ceci dit, et dans ce cas précis,
les choses ne s'arrangent pas lorsqu'on remarque que le premier texte est
relativement ambigu. Ainsi, difficile d'affirmer que l'auteur habite une
villa. Difficile aussi d'être totalement convaincu par la profondeur
de sa tristesse. Bref, le texte de départ porte en lui un flou et
malgré la vigilance du réécriveur, son souci d'authenticité,
le moins que l'on puisse dire est que toute ambiguïté disparaît
dans ce dernier texte.
Texte 2
Je les regarde avec tristesse. Je me dis qu'en plus, ils doivent
perdre du temps avec l'ascenseur, surtout quand leur fenêtre est
au quatrième étage. Elles sont décorées avec
des pots de fleurs leurs fenêtres, mais moi, je suis sûre que
c'est mieux dans une villa parce qu'on peut y mettre de grosses plantes.
Les enfants de mon âge voudraient bien une pelouse pour jouer
au foot et moi je me dis qu'ils ont bien raison car on pourrait y jouer
ensemble.
Je suis triste quand je regarde par la fenêtre, de voir que
l'on pourrait se retrouver sur une pelouse pour jouer au foot, plutôt
que d'être enfermé et ne voir que des pots de fleurs.
Cette première famille de techniques de réécritures
se caractérise donc par un souci extrême de ne pas "trahir",
de ne pas s'éloigner. Allant même jusqu'à assimiler
le texte de l'enfant à l'enfant lui-même.
2/ La réécriture enrichissement. (Texte 3, 3 bis, 3
ter, 3 quarto)
Dans ce cas de figure, les libertés prises portent sur la structure
du texte. Tout se passe un peu comme si le réécriveur avait
établi la liste des éléments contenus dans le texte
et qu'il travaillait sur une mise en forme plus "percutante". Le vocabulaire
est lui aussi enrichi, précisé, affiné. L'intervenant
mobilise sa connaissance de la langue, son expérience de lecteur
sensible à la structure, au démarrage d'un texte et à
sa chute. A la lecture collective, l'auteur n'est pas trop inquiet mais
pas trop satisfait non plus. Il cherche aussi à connaître
le degré d'écart, de glissement par rapport à l'original.
Deuxième grand groupe de réécritures, donc, le
technicien "enjoliveur" de textes. Et je dis cela sans aucune ironie.
Texte 3
Hier il faisait beau, j'm faisais la réflexion suivante :
si seulement il y avait une pelouse dans notre quartier, on pourrait sans
perdre de temps dans les ascenseurs, jouer au foot avec les copains de
mon âge.
Et puis, quand même, c'est plus la place des plantes dans
une villa que dans des pots accrochés aux fenêtres !
Texte 3 bis
Moi, j'habite une villa où on peut mettre des grosses plantes
vertes. Mes petits voisins, en appartement au quatrième étage,
avec des fenêtres décorées de pots de fleurs.
Moi, je rentre vite fait dans ma villa, mes petits voisins perdent
du temps dans l'ascenseur.
Mes petits voisins voudraient une pelouse pour jouer au foot, moi
j'ai la pelouse mais je ne peux pas jouer au foot tout seul.
Leur sort m'attriste, et le mien, qu'en pensent-ils ?
Texte 3 ter
Les voisins, petits,
Derrière des fenêtres, hautes,
Avec des fleurs, petites,
En haut des grandes tours, hautes,
En bas, des villas grandes,
Avec des pelouses, basses,
Pleines de plantes, grandes.
Et puis, moi, seul.
Texte 3 quarto
Mes hauts voisins.
Eux, les autres, habitent des maisons hautes où les pots
de fleurs poussent aux fenêtres. Ils doivent passer un temps fou
dans l'ascenseur pour aller les arroser. Surtout celui du quatrième.
Moi, ma maison, c'est pratiquement un pot de fleurs : de la place
pour les grosses plantes, de la pelouse tout autour, les murs enfoncés
dans la terre. Il paraît qu'on appelle ça une villa.
Je me demande quelle tête elles doivent faire, ces plantes
à des dizaines de mètres au-dessus de la terre. Ca doit donner
le vertige aux racines.
Moi, ma pelouse, elle est posée par terre et c'est bien pour
jouer au foot, le ballon ne risque pas de tomber. Un jour, j'irai les chercher,
ceux d'en haut, pour qu'on joue ensemble sur ma pelouse du bas.
3/ La réécriture détournement. (Texte 4, 4 bis)
Dans cette catégorie, le réécriveur décide
et assume un éclairage qu'il n'estime pas nécessairement
être celui de l'auteur. Il se permet des libertés sur un sens
général, prend le risque d'un point de vue qui n'était
pas obligatoirement présent. Bref, il prend "l'essence' du premier
texte pour en faire un autre qu'il déclare et signe comme étant
le sien. Le texte est détourné pour faire passer une prise
de position, une orientation, une intention. Il s'appuie, bien entendu,
sur toute l'artillerie, la technologie d'écriture dont dispose celui
qui tente un tel texte. A la lecture, l'auteur est détendu, souriant.
Ce qui fait dire à certaines mauvaises langues qu'il s'est fait
plaisir, qu'il est allé trop loin. Sous-entendu : "Mais où
est l'enfant là-dedans ?" ou encore : "On n'a pas le droit !".
Dernier carré de réécriveur, le "réinterpréteur",
le signataire à part entière, le coupable d'un "détournement
de fond".
Texte 4
Echangerai
Superbe villa, comprenant un couple de parents cleans, une soeur
chichiteuse, un jardin tiré au cordeau, une allée de graviers
numérotés,
Contre
appartement situé au quatrième (minimum) dans cité
bruyante, comprenant un couple de parents criards, des frères et
des soeurs, des géraniums en équilibre sur la fenêtre,
un ascenseur avec graffitis, une cour encombrée de poubelles, cibles
rêvées pour un ballon.
Texte 4 bis
On passe sa vie à combler des vides.
Habiter un immeuble vous coupe de l'herbe, de la terre. Alors on
miniaturise ce qui manque. On se façonne un jardin en quelques centimètres
carrés. On l'accroche au balcon pour le soleil et les voisins.
Mais il n'empêche qu'un petit n'est pas un grand, un pot de
fleur n'est pas un jardin, un carré de gazon n'est pas un terrain
de foot.
Cette classification caricaturale s'est malgré tout retrouvée
présente à chaque fois que l'on tentait ce genre d'expérience.
Répétons-le, aucun jugement de valeur dans celle-ci même
si je ne peux cacher certaines préférences. Mais ces dernières
méritent d'être expliquées.POURQUOI TANT D'ECARTS ? DE DIFFERENCES ?
A mon avis, le problème de la réécriture matérialisé
par ces pratiques si discordantes, n'est pas dans l'acte lui-même
de réécriture. Je ne pense pas qu'il s'agisse de consigne,
de regard sur la production enfantine (quoique !!!), de difficulté
technique à maîtriser l'écriture (re - quoique !!!).
La pratique montre que l'on ne parle pas de la même chose parce qu'on
n'a pas établi le même "avant". Parler de réécriture
et de pratiques de réécriture c'est avant tout et surtout
parler du contexte global dans lequel elles s'inscrivent. Tentons une liste
non exhaustive de quelques uns de ces contextes trop vite oubliés.
1/ Le journal d'opinion ?
Large et vaste sujet en soi. Pourtant, si on s'appuie sur le connu
propre à l'AFL, il est clair que nous nous battons depuis plusieurs
années sur l'importance de prendre l'écrit comme un outil
pour penser. Ce qui veut dire que la production effectuée a pour
fonction d'élucider les mécanismes en oeuvre dans le fonctionnement
d'un groupe restreint. L'écrit est produit ou demandé à
production avec cet objectif précis que l'on comprenne le pourquoi
des choses. Dans ce cadre, il est clair, que la principale difficulté
consiste à faire toucher du doigt et de la tête la fonction
d'aide à l'action par la théorisation que l'écrit
permet. La réécriture devient sous cet éclairage,
une aide à la construction de la pensée. Si un deuxième
texte est proposé c'est avec l'intention de faire avancer l'auteur
initial dans sa théorisation propre et ceci en lui proposant une
(ou des) alternative(s) de pensée. L'auteur initial pourra s'appuyer
sur le concret de la réécriture proposée pour avancer
dans sa propre construction.
Le schéma est tout autre lorsque l'expression des enfants est
la principale orientation de la production. Là, il s'agit de faire
surgir une "parole", un "dire" qui n'a de valeur que parce qu'il est transcrit
et non par le fond de ce qui est dit. L'important est que des choses personnelles
soient dites et écrites. Dans ce type d'orientation, la réticence
face à l'intrusion de l'adulte dans le texte de l'enfant est tout
à fait explicable et légitime. L'adulte doit s'effacer du
(ou des) texte(s). Il doit disparaître pour que l'apprenant se rende
compte qu'il a une parole et qu'il est capable de la produire. Tout au
plus, se permettra-t-on de lui éviter l'humiliation inutile de la
faute d'orthographe.
Si donc nous voulons parler de réécriture, il est indispensable
de définir le type d'écrit que l'on veut voir fonctionner
: opinion, expression, information,...
2/ L'avant et l'après de la production ?
Si les mots "trahison", "infidélité" reviennent souvent
dans la bouche des sceptiques de la réécriture ce n'est pas
sans raison. En effet, une vie démocratique forte, l'offre de confrontations
saines et sereines ne sont pas toujours de mises dans les dispositifs existants.
La parole de l'adulte est omniprésente, toute puissante. La parole
de l'enfant, bien souvent, ne fait que suivre plus ou moins adroitement
le contour de la parole "légitime" et institutionnalisée.
C'est pour cette raison que ces réticences méritent égards
et écoute. Mais une fois encore le problème trouve sa source
ailleurs que dans l'acte lui-même de réécriture.
En effet, si la production globale n'implique pas un véritable
Comité de Rédaction où les enfants bataillent ferme
pour imposer certains sujets... si la production finale ne donne pas lieu
à des discussions vives entre enfants et adultes... si l'enfant
ne trouve pas un coin institutionnel où la lecture porte justement
sur les trahisons éventuelles, les écarts, les dérapages...
si le droit de réponse n'existe pas... si la demande de justification,
la confrontation sont absentes... alors, il y a fort à craindre
que la réécriture ne devienne l'alibi pédagogique
de la censure ou du renforcement de la parole institutionnelle.
C'est donc bien le contexte général : l'organisation
et les objectifs de la production, qui doivent garantir la transparence.
Ce n'est pas la réécriture elle-même qui établit
la toute-puissance de l'adulte mais le cadre global dans lequel cette réécriture
est utilisée.
3/ L'analyse des écarts ?
Si le pourquoi de la production est clairement formulé et prouvé
auprès des acteurs dès le départ... si, par ailleurs,
on se trouve dans un dispositif où il s'agit de faire vivre l'écrit
comme outil pour penser... dans ce cas, comme nous l'avons vu, et avec
toutes les précautions précédentes sur le fonctionnement
de la vie démocratique du groupe, alors la réécriture
trouve une fonction d'importance.
Encore faut-il travailler en permanence l'intérêt et le
rôle de cette réécriture auprès des bénéficiaires.
Ainsi, on ne devrait plus séparer "Réécriture" d'"Analyse
des écarts". Car si, au premier regard, la réécriture,
pour l'enfant, trouve une utilité évidente à la vue
d'un texte performant et efficace reprenant les préoccupations de
l'auteur initial, cette utilité risque fort d'être insuffisante
pour asseoir durablement le "pourquoi" de la réécriture.
La séance d'analyse des écarts entre Etat 1 et Etat 2 est
un corollaire indispensable à la raison d'être de la réécriture.
Or, dans ce domaine, les expériences sont plutôt rares. La
principale raison pourrait se cacher dans la difficulté pédagogique
à animer ce type de travail. Ceci dit, les outils comme La Genèse
ou L'analyse de textes devraient faciliter la préparation de séances
de recherche sur les écarts.
4/ Le circuit court et bref ?
Là encore, le cadre pèse. L'habitude en milieu scolaire
ou en formation d'adultes est de produire des écrits où on
se donne le temps et qui sont diffusés sur une population large.
La production à cadence quotidienne et à destinataires restreints
impose une logique totalement différente.
Dans le premier cas de figure, le formateur peut proposer des activités,
des consignes permettant aux auteurs de revoir, de réécrire
eux-mêmes leurs propres textes. D'autre part, le public ciblé,
large, auquel s'adresse l'écrit impose une typologie d'écrits
et d'écritures que l'on sait ou devine acceptable. Il est rare dans
ces conditions de voir des écrits qui déclenchent des débats
houleux, de voir des écrits où le point de vue exprimé
n'est pas celui qui est partagé par tous. On apprend alors, dans
ces conditions à produire des écrits, que l'on sait acceptables
pour la majorité.
Dans le cas d'un journal quotidien s'adressant à un groupe restreint,
l'optique et les possibilités sont bien différentes. L'écrit
peut exploser, sans crainte de déplaire, puisque la discussion permet
de rétablir et d'affiner. L'écrit se remet sans cesse en
chantier. Le journal devient un brouillon permanent où le statut
de chacun dans le groupe s'explore et se construit. La réécriture
prend l'allure d'un outil pouvant provoquer l'intelligence. Et ceci d'autant
plus facilement que, je le répète, le fonctionnement de la
vie démocratique est clairement garantie.
En résumé, si l'on parle de réécriture,
n'oublions pas de préciser la cadence de production et l'importance
du public des destinataires. D'un côté (circuit habituel)
la réécriture a très peu d'intérêt et
peut être remplacée avantageusement par des interventions
pédagogiques plus classiques, de l'autre (circuit court et bref)
elle devient indispensable pour des raisons matérielles (la cadence
de production) et d'atteintes d'objectifs précis (prendre appui
sur la production d'écrits pour penser ce que l'on vit).CONCLUSION
Le débat sur la réécriture est bien souvent faussé.
Faussé parce que tronqué des conditions dans lesquelles on
l'utilise. Les critiques tirent sur l'acte lui-même tout en taisant
le contexte de mise en place.
La réécriture s'inscrit dans ce que l'AFL travaille,
par ailleurs, depuis longtemps. Elle n'est qu'une facette, trop vite montée
en épingle, d'un dispositif global dont l'apprenant profite et sur
lequel il pèse. Ce dispositif, nous connaissons les difficultés
à le mettre réellement en oeuvre. Exploration de son statut,
confrontations, théorisation de ce qui se vit, prennent appui sur
l'existence d'une situation de production non-factice. Le groupe doit produire
et ce faisant la nécessité de comprendre et de construire
ses propres savoirs devient impérieuse. Tout débat sur la
réécriture qui ne prendrait pas en compte ces conditions
qui l'ont vu naître ne "mérite ni égards, ni patience".
Au service d'une pédagogie classique, la réécriture
est discutable. Au creux de la mise en place d'une politique globale de
lecture elle a une toute autre allure. Une fois les papiers éclaircis
sur le cadre général, il n'en reste pas moins vrai que les
difficultés propres à la maîtrise de l'écriture
par les formateurs, ainsi que le volet "Analyse des Ecarts" sont des chantiers
où presque tout reste à découvrir, où nous
nous sentons bien petits...
Petits... mais
teigneux...
Robert CARON
Ecrire est un ouvrage que les enfants accomplissent avec un sérieux
et une patience qui m'édifient. - Tout à coup, ce petit maniaque
de la vitesse et d'engins à roues freine férocement, coupe
sa sirène d'alarme, se gare devant une carte postale et s'enfonce
jusqu'aux oreilles dans le blanc à remplir. Mal luné et barbu
tel Socrate méditant sur l'amour, il écrit à mémé.
Vingt minutes après, on lit ce mystérieux message, tracé
au manche de pelle dans un large carré de ciment frais :
cheR Grand mer je Vait bien jEté a la pIciNne je Mange Bient.
JE TanBrasSe biet ForT.
Le matin, par mes fenêtres, je vois les enfants qui se rendent
à l'école. A la même heure, je suis déjà
assis devant mes cahiers, mes livres, mon encre. J'ai des crayons, une
gomme, des ciseaux, une règle, maintes grammaires, un tableau noir
et des craies de couleur : je joue tout seul et un peu tristement à
être bon écolier. Mes phrases ont pourtant moins de magie
que les lentes écritures des garçonnets qui copient des modèles
à jamais lourds de sens : "Le chat est sur le buffet". Mais il y
a peu de création dans la création, et je copie moi aussi,
même si les modèles ne sont plus sous mes yeux. Tout écrivain
reste un enfant voleur.
Tony DUVERT
Abécédaire Malveillant.
(1) dans le Calvados, lieu des premières classes-lecture
avant la création du Centre National des Classes-lecture à
Bessèges.
N.B : L'ensemble des textes cités dans cet article ont été
produits lors d'un stage à l'IMPRO de Palaiseau.