Le concept de BCD


Michel Violet


 

Le concept de BCD a été approfondi depuis quelques années par des écoles animées par l'ADACES, association regroupant des enseignants liés à l'INRP, des chercheurs et des bibliothécaires de la Joie par les Livres ou en relation avec elle*.
Dans l'Ecole Française, les occasions de rencontres avec l'écrit non scolaire étaient rares, sinon inexistantes et le plus souvent, marginalisées. Les premiers efforts qui ont été faits pour porter remède à cette situation ont porté sur les bibliothèques de classe et le développement de coins-lecture.
Dès l'origine, le projet de BCD a cherché à rompre avec cette perspective :
- La BCD est une bibliothèque centrale dans l'école, où sont rassemblés les écrits les plus variés : fiction, documentaires, bandes dessinées, albums, journaux, productions écrites de l'école, du quartier...
- Tous les enfants de l'école peuvent y accéder pour se détendre, se distraire, y lire ou y travailler, pour y rencontrer d'autres enfants ou d'autres adultes... Les seules limites à ce libre accès sont les impératifs de la vie en commun et les conditions nécessaires au bon fonctionnement de la BCD elle-même.
- De nombreuses activités s'y déroulent pendant le temps scolaire. D'une certaine manière, dans des conditions qui sont à définir en commun, ces activités sont ouvertes à tous et concurrentes de celles qui ont lieu dans les classes.
C'est le cas du prêt, de la consultation sur place, de la gestion des activités, du choix des ouvrages, mais aussi des animations (heure du conte, présentation de livres, club lecture...) et des projets liés à la connaissance de l'écrit.
La gestion de la bibliothèque relève de l'école entière, adultes et enfants. Dans la mesure du possible, un ou des adultes assurent un accueil permanent et participent à l’organisation et à la réalisation des différentes activités.

La BCD est donc un lieu de travail et de détente, de plaisir et de découverte, de rencontres et d'échanges, de production et d'exposition. Un lieu de vie différent, ouvert, où la diversité des intervenants (enseignants, parents, bibliothécaires...) et des rencontres (d'enfants d'âges différents) permet des activités nouvelles, dégagées du contexte des classes.
La BCD est une sorte de foyer permanent d'animation et de production autour de l'écrit: elle prend en charge, en les enrichissant, des activités autrefois dévolues aux classes et elle propose des activités nouvelles autrefois négligées...
En cela, elle est l'affirmation d'une politique commune. Elle est l'occasion pour une équipe éducative de se constituer et d'évoluer dans la mise en œuvre d'un projet qui concerne chacun. Ce qu'on pourrait encore traduire autrement, en affirmant qu'une école, qui s'équipe d'une BCD, ne devrait pas rester la même école (qui serait enrichie de ressources nouvelles ou renforcée dans son fonctionnement) mais tendre à devenir une autre école. C'est-à-dire une école où seraient progressivement mais profondément transformées les conditions de vie et d'apprentissage des enfants et, en conséquence, la nature et les conditions des actes d'enseignement. Une école qui transformerait aussi ses rapports avec son milieu et qui tendrait à s'inscrire dans une politique communautaire en faveur de la lecture conduite avec ceux que la sélection actuelle dessaisit trop souvent de leurs responsabilités (parents, élus, responsables du livre et de la lecture...).
Tels étaient les caractères du projet initial de l'ADACES.
Les enjeux restent les mêmes aujourd'hui. Ils se sont seulement enrichis des acquis d'une expérience de plusieurs années...
La bibliothèque d'école ne marque pas toujours un progrès par rapport aux bibliothèques de classes et aux coins-lecture. Elle n'a d'intérêt - mais alors cet intérêt est considérable - que si elle ne reproduit pas le modèle en usage dans les CDI de beaucoup de collèges et de lycées, que si elle devient un lieu pour des activités concurrentes ; un lieu facilement accessible à tous et sur le fonctionnement et l'équipement duquel chacun a réellement prise.

Cette bibliothèque-là questionne l'école et interpelle le corps social... En faisant émerger des questions fondamentales sur le statut de la lecture et de son apprentissage, sur le statut de l'enfant, elle contribue à engager la réflexion de tous les co-éducateurs vers l'essentiel.
C'est là, aujourd'hui, un autre acquis d'importance capitale. L'ouverture d'une BCD à d'autres utilisateurs et aux interventions de non enseignants et son insertion dans le réseau des autres sources d'écrit social n'est pas une possibilité, parmi d'autres, pour enrichir son fonctionnement.
C'est une condition de la réussite ; au même titre que la présence permanente de personnes chargées d'assurer l'accueil des enfants et la conduite des différentes activités.
Un autre facteur de réussite est, sans aucun doute, la recherche des moyens d'assurer la formation permanente de tous ceux qui en assurent l'animation.

 
* L' ADACES a fusionné avec l'AFL au début de l'année 1983 et la revue "BCD" qu'elle publiait est remplacée par "Les Actes de Lecture".