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La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°9  mars 1985

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DOSSIER "UNE POLITIQUE DE LECTURE"

DANS UN GROUPE LOCAL


POLITIQUE DE LECTURISATION DU GROUPE 20 DE L’AFL


Le Groupe 20 de l’AFL, Association Ecole Prévert pour la Lecture à LaVilleneuve d’Ascq, s’efforce de développer une politique réaliste de lecturisation sur un territoire couvrant les départements du Nord, du Pas de Calais et la Belgique.

A cet effet, I’A.E.P.L. organise son action par zones concentriques à partir de l’école Jacques Prévert.


L’école est le caillou que l’on a jeté dans la mare de la lecture.


Le groupe 20 de l’AFL s’est voulu association loi 1901 pour différentes raisons :

- accroître son parc micro, se donner les moyens d’acheter du matériel de reprographie et d’installer un studio radio.

- militer tous azimuts. Il est nécessaire alors de se démarquer, autant que faire se peut de son appar­tenance au corps enseignant.

- aborder des organismes, très diversifiés dans le domaine de la formation, “subventionneurs” et qui n’ont pas pour mission d’aider l’Education Nationale.



1. POLITIQUE DU GROUPE 20 ET MILIEU SCOLAIRE :

a) Dans un premier temps, I’A.E.P.L., dans le but de modifier le statut de l’enfant, a mis en oeuvre une politique de lecturisation au sein de l’école.

Les maîtres des écoles maternelle et primaire Prévert n’ont constitué qu’une seule et même équipe.

Dès lors, l’organisation en cycle, la pédagogie du projet, la fonctionnalité de la lecture, la création d’une BCD, le développement d’une méthodologie cohérente où alternent, théorisation, systématisation et fonctionnalité, furent les premiers champs de réflexion du groupe.


Parallèlement, l’utilisation d’ELMO (3 Goupil) et d’ELMO O (2 TO7) permettait d’étayer efficacement les efforts du groupe.


b) Dans un second temps, I’A.E.P.L. a développé des actions en direction des parents. Une formation “lecture”, théorique et pratique, est organisée depuis 5 ans au niveau du quartier : découverte de leur statut de lecteur, de ce qu’est la lecture et de la différence entre apprentissage et enseignement.


L’approche des ouvrages théoriques de I’AFL est entreprise, ainsi que l’explicitation de la pédagogie pratiquée (des exercices de systématisation et des situations fonctionnelles).


Tout parent peut passer 3 heures dans l’école afin de “voir” ce que vit son enfant. Cette visite s’accompagne d’une discussion avec l’équipe pédagogique.


Enfin, le journal de l’école véhicule des écrits théoriques sur la lecture, ce qui permet de relancer la réflexion.

Que faire pour aider à la maison ?“, “Comment ! à sept ans, il ne sait pas lire ? “ sont des questions qui reçoivent toute l’attention de l’A.E.P.L.


Enfin, pour les parents désireux d’améliorer leur efficacité de lecture, l’A.E.P.L. met les 3 “Goupil” à leur disposition, hors des heures d’utilisation des enfants.


c) Dans un troisième temps, toujours dans un but de coéducation l’A.E.P.L. a étendu son action au niveau du CLAE (Centre de loisirs associé à l’école).

Pour assurer une cohérence, les animateurs ont la possibilité de passer des journées dans l’école et des discussions ont lieu entre l’équipe des animateurs et celle des enseignants. La pédagogie du projet devient alors le souci de l’équipe élargie et la BCD est occupée en dehors du temps scolaire.



2. ET SUR LE TERRAIN ?

a) L’école est devenue “école-vitrine”. Plus de 10.000 visiteurs sont passés à Prévert, au cours de l’année 83-84. Instituteurs, conseillers pédagogiques, inspecteurs de l’Education Nationale, formateurs, bibliothécaires, parents, animateurs, éducateurs, de plus en plus de stagiaires en formation à l’EN., viennent voir, observer !


Chaque visite comporte une rencontre avec quelques membres de l’équipe pédagogique, ce qui permet de répondre aux questions et de préciser les options pédagogiques.


Ces visites permettent, sur la région, une sensibilisation à la lecturisation, à une autre péda­gogie, aux idées de I’A.F.L. Avec d’autres actions (rencontres, formations) elles assurent des bour­geonnements prometteurs. Pour beaucoup, l’école cau­tionne une politique qu’ils sont prêts à appliquer : “J’ai vu, O.K., j’y vais ! “.


b) Militant extra-muros, le groupe répond aux demandes de conférences (“L’illettrisme”, “Une péda­gogie de lecturisation”, “Pédagogie et techniques nouvelles”, “Vous avez dit BCD ?“) de démonstrations sur les terrains (CES du Boulonnais ou de la métropole lilloise, enseignants du Dunkerquois, organismes de formation, école d’instituteurs de Bruges en Belgique...), de journées pédagogiques et de mercredis de la lecture, à l’école même.


c) A un autre niveau, l’A.E.P.L. agit pour que l’aide à la lecture se transforme. Le public visé : des enseignants, des formateurs de centres de perfec­tionnement pour adultes.


La structure proposée:


- un stage de 40 heures (3 week-ends ou une semaine), comprenant 30 heures de théorie de la lecture, de prise de conscience du statut individuel de lecteur et sur les aides à apporter à un apprentissage... Puis 10 heures de suivi, “d’accompagnement”, lorsque les formateurs se sont engagés dans de nouvelles pratiques.


Une soixantaine de personnes ont déjà suivi ces stages. Réaction à posteriori : importance des 10 heures de “suivi” qui sont liées à un vécu souvent problématique.


d) Des stages individuels d’amélioration de l’efficacité en lecture pour adultes, s’adressant à tous ceux qui en font la demande. Aucune publicité n’est faite, l’information passe de bouche à oreille. Le public est composé de personnes souvent confrontées à l’écrit, donc intéressées par une meilleure “rentabilité” de cet outil. On note un fort pourcentage d’ensei­gnants. Suivent, par ordre décroissant, les professions paramédicales, les employés, les étudiants et ouvriers.


Ces stages individuels durent 4 mois, et comprennent une vingtaine d’heures d’entraînement sur ELMO, 5 heures de théorisation, plus une enquête sur les lectures de chacun.


e) Un travail avec les 16-18 ans, dans le cadre d’un stage d’insertion sociale de 10 mois.

Seize filles (dont 12 maghrébines) ont accepté de reprendre l’entraînement a la lecture après avoir compris que ce n’était pas un “remake” de l’école. Une relation étroite avec tous les intervenants s’est avérée indispensable, afin d’exploiter la fonctionnalité de l’écrit vécue dans toutes les activités.


Le stage a été amorcé par la prise de conscience de leur statut de lectrice, par l’enjeu d’une meilleure utilisation de l’écrit.


Au cours des activités, l’écrit était utilisé, exploité. Au long des semaines, une aide à cette lecture était apportée sous forme de leçons systématiques. Quelques stages intensifs (3 ou 4 jours) ont été organisés afin de pousser plus à fond la sensibilisation et l’entraînement.


Ces stages n’ont été possibles que lorsque les filles ont eu repris confiance en elles (au niveau scolaire) et

ressenti de l’intérêt pour les “choses de l’école”.


J’ai appris à lire à 18 ans” dit Yamina.


Un peu plus d’un an après, on constate que leur lecture est passée du simple magazine (style : 0K ; Girls, ...) à un éventail assez large allant jusqu’aux documentaires traitant de questions qui les touchent (la drogue, la condition féminine dans diverses socié­tés, ...). Cet intérêt est sans doute la cause d’une boulimie de connaissances qui les pousse, chacune, à avoir des rencontres régulières avec l’écrit.



3. FORMATION DE FORMATEURS


Très tôt la politique de lecturisation, pour efficacement se développer, passe pour les membres de l’A.E.P.L, par la formation de formateurs. Une démarche ternaire a été élaborée :

- pratiques réelles de lecturisation sur le terrain.

- théorisation de ces pratiques

- élaboration de modules de formation.


Le public visé est le corps enseignant.

Tout en conservant ce terrain de formation, le groupe 20 aborde les problèmes de l’illettrisme et des 16/21 ans. Là encore, après expérience, l’action la plus efficace s’avère être la formation de formateurs et non l’encadrement épisodique de stages 16/21.


Le module de formation élaboré (30 heures théoriques, 10 heures de suivi) fut utilisé en 84 pour les formateurs d’une association, l’AFER, et le sera en 85 pour une autre association l’ILEP et pour les membres des PAIO dans le cadre du Groupe Pédagogique Régional du Nord en Mars 85.


En outre, en réponse à une demande, deux modules de sensibilisation furent mis au point et utilisés dans la formation des bibliothécaires, à l’Université de Lille 3 et dans celle des documentalistes dans le cadre des stages de formation continue organisés par les CRDP de Lille depuis 2 ans.


Enfin, le groupe 20 met à la disposition d’autres groupes AFL (Dunkerque) son expérience et les aide à élaborer leur propre démarche de formation de formateurs.



4. A.E.P.L. GROUPE 20 - PUBLICITÉ DES IDÉES DE L’AFL


3 axes sont retenus :

a) diffusion des publications AFL

b) participation aux manifestations régionales

c) utilisation des médias


Ainsi l’A.E.P.L. s’efforce d’être présente et entendue dans les manifestations concernant le livre, la lecture, l’illettrisme, l’informatique.


Ne seront citées que les manifestations les plus importantes de cette année : Fête du livre à Villeneuve d’Ascq, le mois Animalivre à Lille, Dunkerque, Henin, le salon informatique de Fruges dans le Pas-de-Calais le salon Aplica de Lille, la collaboration au projet Urbat 2000.


En outre, le groupe 20 a pu utiliser les différents medias pour diffuser les idées de l’AFL et expliquer ses pratiques. Ainsi deux articles, pleine page dans la Voix du Nord, une page dans le mensuel “Dire”, un article dans le Monde, deux émissions d’une demi-heure sur les radios locales : Fréquence Nord et Radio Lille, enfin 4 émissions de FR3 tournées à l’école Prévert.



5. A.E.P.L. ET POLITIQUE DES QUARTIERS


Cette politique de lecturisation du groupe 20, qui se veut volontariste et structurée, s’oriente vers le développement d’une “politique des quartiers”.


L’emploi de trois “T.U.C.” et l’achat de matériel informatique vont permettre à I’A.E.P.L. d’offrir trois lieux de lecturisation.

L’ÉCOLE PREVERT (Villeneuve d’Ascq)

La bibliothèque ELSA TRIOLET (Roubaix)

La bibliothèque Max DORMOY (Lille).


Il s’agit, après formation des T.U.C. à l’utilisation d’ELMO, après sensibilisation de la population du quartier sur les problèmes de lecture, de mettre à la disposition de la population un goupil (ou un TO 7) et un animateur. Les membres du groupe 20 assurant les séances de théorisation et les journées à thème.

Cette même démarche se développera sur Villeneuve d’Ascq mais avec l’aide de la P.A.I.O.


Cette politique, à la fois de diffusion et de présence sur les différents terrains, rend crédibles les propos que nous développons. Elle permet d’envisager les progrès de la lecturisation avec confiance. En témoigne l’accroissement de la demande


- de formation de formateurs

- de l’amélioration de l’efficacité individuelle

- d’information sur ELMO O et ELMO.


La demande sociale s’accentue. Elle ne peut qu’encou­rager cette politique de lecturisation, “la plus réaliste possible”, que le groupe 20 met en oeuvre actuellement.

A. Kowalski, C. Bossu, A. Virengue