La revue de l'AFL Les Actes de Lecture n°16 décembre 1986 ___________________ On sait que l'A.F.L. vient de créer un département formation (A.L. n" 14 et n° 15). On trouvera, insérées dans ce présent numéro, les principales propositions de ce nouveau secteur d'activités et Marie-France FREY en présentera la raison d'être et la philosophie dans notre n° 17. En vérité, il s'agit surtout d'introduire une cohérence et une plus grande diversité dans des pratiques existant depuis longtemps. Les nombreux articles déjà parus dans les A.L. à ce propos et les deux textes ci-dessous en sont la preuve.
Pour un partage de l'information horizontalement... Un stage A.F-.L. on Vaucluse. POLITIQUE DE LECTURISATION ? Oui, mais nous savons qu'elle implique en premier la formation des formateurs, «qu'ils soient eux-mêmes d'excellents pratiquant». Leur apport d'aide à la lecture ne peut s'imaginer hors d'«une THEORIE issue d'une PRATIQUE authentique de lecture», la leur (AL n° 8, décembre 1984). C'est une des propositions parmi les sept énoncées par J. Foucambert pour mettre en place une politique globale permettant l'augmentation du nombre des lecteurs et nous l'avons choisie pour démarrer notre action dans le Vaucluse.
Notre projet ? un stage de quarante heures. Nos objectifs ? - prendre conscience de nos propres comportements de lecteur; - les transformer, les améliorer;
Nos moyens ?
UN FIL CONDUCTEUR Partant du principe souvent répété que «l'on ne comprend que ce que l'on transforme», nous mettons les stagiaires en situation d'agir sur leur propre lecture dans le but d'appréhender les différentes composantes de la lecture. Ceci à travers deux types d'approches :
OÙ L'ON PARLE D'UN STAGE...
1. Une situation d'exclusion et ses enseignements Un choix délibéré : un texte aux phrases simples, au vocabulaire courant... et impénétrable pour la plupart d'entre nous!... Un travail à partir de l'échec... Différentes stratégies apparaissent : un tel s'essaie à lire à haute voix, tel autre s'isole pour lire et relire le commencement, un autre cherche d'abord qui est l'auteur, quel est le lien avec l'illustration attenante, d'autres seront jusqu'à la fin du texte à la recherche d'une communication possible, d'une porte qu'ils pourraient ouvrir leur permettant de «rentrer» dans le texte. La mise en commun de ces stratégies conduit alors à dégager l'efficacité plus grande de certaines d'entre elles. Apparaît déjà la démarche propre à la lecture qui prend en compte les informations les plus globales pour, progressivement, arriver à la maîtrise d'une information précise et fine.
De la prise de conscience à une première maîtrise. A partir de là, nous proposons aux stagiaires des textes avec des temps de lectures très courts afin « d'évacuer » toute stratégie de déchiffrage. Nous échangeons ensuite autour des stratégies mises en place par chacun. Il s'agit d'en prendre mieux conscience en les énonçant et de réaliser que chacun peut avoir des stratégies personnelles, conduisant à des résultats différents.
2. De l'exclusion aux 80 %-20 % : histoire d'une découverte Ces textes précédents ont en commun leur sujet : une des composantes nécessaires à la lecture que nous nous attachons à mettre en relief. En réponse aux stagiaires qui expliquent leur échec dans la lecture du premier texte par un : « Je ne connais rien au sujet», nous proposons le texte de Jean Foucambert sur les 80 %-20 % (A.L. n° 8, décembre 1984). Explorant l'article, le lecteur met en place son questionnement au fur et à mesure de sa découverte du contenu du texte. Un aller et retour entre nous, notre interrogation, le texte, et progressivement se construisent les 80 % nécessaires aux stagiaires pour une lecture intégrale de ce texte. La discussion et la construction du sens élaboré en commun font découvrir que la nécessité de maîtriser plus des trois quarts de l'information pour pouvoir appréhender les 20 % d'inconnu n'est pas une découverte de l'AFL. La typographie de l'article nous permet de retrouver rapidement le détail, l'énumération de ces 80% indispensables. Jean Foucambert termine en précisant l'importance «de la connaissance de ce que nous cherchons, la marque aux creux de l'inconnu... la précision, l'exigence, l'ouverture et l'agressivité de notre questionnement». Nous voici ainsi renvoyés aux commentaires de ceux qui, devant leur non-lecture du premier texte, remarquaient qu'ils n'avaient rien à faire de ce texte, qu'ils n'en attendaient rien. Petit à petit, chacun développant son propre questionnement par rapport au texte, les stratégies mises en place par chacun, variant en fonction de sa recherche, apparaissent avec évidence. 3. D'étapes en étapes : autres découvertes Ainsi pratiquerons-nous pour la découverte d'autres composantes : la représentation mentale, les mémoires immédiate ou à long terme, les liens entre identification et anticipation, etc.
4. La lecture : pourquoi ? Tout au long de ces séquences, il apparaît nettement aux stagiaires que nos stratégies de lecture varient en fonction du projet que nous avons sur le texte. Intervient alors une phase d'observation. Nous prenons le temps d'établir la liste de tous nos actes de lecture dans la journée, puis d'imaginer un classement permettant de les regrouper, de les ordonner. Il devient alors évident que nous ne lisons jamais pour rien, que toute lecture implique un réinvestissement plus ou moins différé de l’information prise, des associations mentales avec d’autres concepts déjà acquis et mémorisés. Evident, bien sûr !Mais encore faut-il avoir un projet. Encore faut il avoir une vie où l'on pourra mener à bien ce projet. 5. Lecteur ? Oui : pour être acteur - « L’équilibre se fait toujours entre lecture et statut», dit Jean Foucambert. Affirmation péremptoire propre à choquer le lecteur ou simple déduction de notre expérience quotidienne? Nous ne lisons qu'en fonction de nos besoins, l'équilibre s'établissant entre l'effort nécessaire et le bénéfice tiré. Cette question de relation entre statut et lecture arrive donc de façon évidente à la conscience des stagiaires.
6. Mais alors : enseignement ou apprentissage? Comment, à ce moment-là, éluder la question de la place de l'enseignant, du formateur, dans son travail professionnel? Question incontournable face à la découverte que chacun construit, élabore, choisit, module les stratégies de lecture dont il a besoin à un moment donné. Réfléchissant et théorisant sur le rôle de l'animateur tout au long des quarante heures de stage, la notion même d'aide à l'apprentissage commence, pour chacun, à s'éclairer d'images vécues. 7. Encore une évidence... Ces quarante heures de stage? Un temps d'observations et de découvertes partagées, qui s'enrichissent mutuellement et progressivement se sont articulées, arrangées dans un ordre et un éclairage propre à chacun d'entre nous, mais où chacun a eu besoin des autres pour créer sa propre théorie d'approche de la lecture. En faut-il plus pour démontrer que la constitution d'un savoir n'est, ne peut être, qu’œuvre collective, construction communautaire, affaire de tous, porteurs de projets divers? CONCLUSION Tout a une fin... même les stages de lecture en Vaucluse! Les stagiaires repartent. Beaucoup de choses ont paru évidentes, quand on a cherché, découvert ensemble des notions qui se cachaient souvent dans des textes hermétiques, que l'on a participé, heure par heure, à cette construction d'un savoir qui est devenu commun. Oui, mais nous ne sommes pas seuls en cause... La lecture est .. UNE AFFAIRE COMMUNAUTAIRE», nous rappelle Jean Foucambert (A. L. n" 3) dans un long article que nous découvrons en forme de bilan. ... Et là, les choses se compliquent, les problèmes s'annoncent beaucoup plus compliqués à résoudre... Annelyse et J.-Louis BAROIN AFL Vaucluse |