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La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°16  décembre 1986

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LECTURE...

MINI CONSEILS PRATIQUES

POUR AIDER VOTRE ENFANT

L'article et l'interview de Jean FOUCAMBERT à propos de l'enquête sur la lecture des collégiens, parus dans le « Nouvel Observateur», nous ont valu un courrier de l'ordre de 1 300 lettres reflétant sans doute un peu les préoccupations des lecteurs de cet hebdomadaire par rapport à la lecture. Ces lettres se répartissent en trois catégories à peu près égales. D'abord celles de chefs d'établissements ou de responsables d'organismes de for­mation s'intéressant particulièrement aux logiciels de l'A.F.L. Celles ensuite d'enseignants désireux de s'informer sur nos propositions et nos publications en général. Enfin, des lettres du genre: « Ma fille vient d'entrer au C.P... » ou « Mon fils de quinze ans ne lit jamais... ». Parmi ces dernières, certaines, insolites ou émouvantes («Je ne sais pas lire et je voudrais pro­fiter de mon séjour en prison pour apprendre. Comment faire ?»), tradui­sent un souci qu'on sent très présent, pour ne pas dire une angoisse cer­taine. Nous nous sommes efforcés de répondre à toutes. Aux parents de jeunes enfants demandant conseils, nous avons envoyé un «papier» de Raymond MILLOT que nous reproduisons ci-dessous, pensant qu'il pou­vait intéresser aussi nos lecteurs.


Votre enfant rencontre des difficultés, soit dans l'apprentissage, soit dans la pratique de la lecture ? Ajuste titre, vous vous inquiétez et vous souhaitez lui venir en aide, mais vous ne savez comment faire...

Sachez d'abord que votre enfant n'est pas «un cas» : une vaste enquête réalisée par l'A.F.L. et l'Institut de Recherche Pédagogique et rendue publique par le Nouvel Observateur montre en effet que seulement 16 % des enfants de la classe de sixième et 31 % de ceux de troisième maîtrisent convenablement la lecture.

Ce constat montre qu'il existe un problème général. L'A.F.L s'y attaque et vous invite à connaître et à faire connaître son action... MAIS VOTRE PROBLÈME PARTICULIER ET IMMÉDIAT RESTE ENTIER ET L'A.F.L. VEUT AUSSI VOUS AIDER À LE RÉSOUDRE.

VOICI DONC DES CONSEILS TRÈS CONCRETS. Leur bien-fondé ne pourra être présenté ici. Pour en savoir plus, vous pourrez lire avec profit l'ouvrage de l'A.F.L. s'adressant au grand public : Lire c'est vraiment simple quand c'est l'affaire de tous.

Par commodité, nous séparerons les deux situations, apprentissage et pratique, mais il est évident que les conseils donnés valent pour les deux cas.


I. VOTRE ENFANT APPREND À LIRE

II s'agit de développer sans tarder le comportement du bon lecteur. Vous n'avez donc pas à craindre de « contrarier la méthode de l'école » mais vous ne devez pas vous sentir subordonné à celle-ci.

1. Conseils généraux

Il s'agit avant tout de maintenir et développer l'intérêt pour la lecture :

  • Lisez des livres, des documents, des informations à votre enfant.

  • Montrez votre propre plaisir ou votre intérêt face aux écrits que vous utilisez.

  • Inscrivez votre enfant à la bibliothèque municipale, aidez-le à choisir.

  • Offrez-lui des livres discutez du contenu et du sens des écrits qu'il utilise (y compris pour en faire la critique) : les textes constitués avec une intention pédagogique sont en général sans intérêt - autant ne pas laisser croire à l'enfant que c'est cela la lecture, car c'est ainsi que naît le dégoût. Votre enfant doit être convaincu que la vraie lecture est toujours l'occasion de recevoir une information ou un plaisir...

  • Montrez qu'il existe aussi pour vous des lectures difficiles.

  • Justifiez toujours les raisons de vos exigences, la nature des objectifs visée.

  • Evitez l'attitude scolaire de « contrôle», l'enfant doit sentir que vous l'aidez pour qu'il gran­disse et non pour satisfaire des exigences scolaires.

  • Limitez la durée de votre intervention et donnez-lui un caractère plaisant.

  • Aidez-le à évaluer ses performances, ses progrés.


2. Conseils techniques

Devant une page de lecture scolaire et dès le premier contact ayez deux exigences :

  • lecture silencieuse,

  • priorité absolue au sens.

CONCRETEMENT, et au tout premier temps de l'apprentissage : même si votre enfant vous sollicite, manifestez votre désintérêt pour le déchiffrement (ex. : ri ra ro roro rira), en revanche, demandez qu'il vous dise de manière naturelle (et non en « ânonant » ou mot à mot) ce qui est écrit et possède un sens (si maigre soit-il), demandez « qu'est-ce qu'on dit là ?... C’est juste ?... et là ?.. non, ce n'est pas riri traverse la rue » mais « riri traverse la route ». Ne lui dites pas: « regarde donc, r et ou ça fait... », mais : « regarde le dessin, on n'est pas dans une ville mais dans la campagne donc... etc. ». ATTIREZ TOUJOURS L'ATTENTION SUR LE SENS ET JAMAIS SUR LE MECANISME, résistez à la pensée: « pourtant c'est cela que demande la maîtresse ou encore « pourtant, c'est comme cela que j'ai appris ». Si cela se fait encore, c'est dommage, mais ce n'est pas une raison pour consolider une mauvaise habitude qui est, entre autres causes, à l'origine de l'état présent.


II. VOTRE ENFANT UTILISE LA LECTURE

  • Premier cas, c'est un texte qu'il a déjà lu en classe :

  • refusez qu'il vous en fasse la lecture à haute voix, même si c'est cela qu'il aura à faire le lendemain (ce type de « préparation » ne vous concerne pas),

  • lisez vous-même silencieusement le texte, discutez sans complaisance de son intérêt, ayez des échanges sincères avec vos enfants. C'est le travail sur le sens toujours primordial.

Voue pouvez alors passer aux exercices qui sont de deux types :

a) Exercice d'identification et de recherche rapide :

- Montre-moi très vite le passage où l'on parle du projet du fermier... montre-moi les mots qui décrivent les qualités de la fermière... le nom des fruits qu'elle ramasse... dis-le moi, non, ne le déchiffre pas, je te le dis : c'est myrtille... regarde bien ce mot, ferme les yeux... maintenant écris-le de mémoire. »

Cet exercice permet, en obligeant à un balayage du texte dans tous les sens, une « prépara­tion » réellement utile parce que développant des comportements essentiels.

b) Exercices d'anticipation ou de déduction :

Le principe : on cache un mot que l'enfant doit retrouver grâce au contexte. «... avec ses myrtil­es elle va faire des ---; sa --- fille les adore ». Cet exercice fait uniquement appel au sens et doit être proposé systématiquement. Voici un procédé commode : fixez un papier transparent sur le texte à l'aide de trombones, crayonnez les mots que vous avez décidé de cacher. Quand l’enfant a bien compris l'exercice, on peut sur un paragraphe entier obturer un mot sur cinq.

Selon l'attitude de votre enfant, son état de fatigue, alternez les deux exercices ou faites faire les deux chaque jour en veillant à la rapidité d'exécution, en lui apportant toutes les aides nécessaires et en limitant ce travail dans le temps (« sa journée de travail » est déjà beaucoup trop longue selon les médecins compétents).

Deuxième cas : le texte à préparer est inconnu de l'enfant.

  • Avant toute chose lisez-le vous même. Silencieusement.

  • Révélez à l'enfant de quoi il s'agit (très bref résumé).

  • Levez les difficultés prévisibles :« sais-tu une autre façon de dire entendre; tu verras dans le texte, on utilise le mot percevoir», « il y a un moment où ce n'est pas facile de comprendre: en fait, le jeune homme rêve... ».

  • La lecture, silencieuse, peut commencer. Mais l'enfant doit pouvoir à tout moment solliciter une aide (un mot qu'il « ne sait pas lire » et que vous lui dites sans solliciter de déchiffrement mais en vérifiant que le sens est connu ou une explication.

  • Après cette lecture, qui ne doit pas s'éterniser, échangez vos impressions sur le contenu du texte, revenez sur les mots qui ont posé problème pour en renforcer la compréhension, obtenir la mémorisation.

Vous pouvez alors appliquer à ce texte les exercices décrits dans le chapitre précédent.

Troisième cas : vous désirez aider votre enfant indépendamment de la demande scolaire. Prenez un texte inconnu (en en variant la nature : roman, article, prospectus...). Choisissez quelques passages où le ou les premiers mots d'une ligne peuvent être anticipés grâce à la lecture de la fin de la ligne qui précède. Faites lire cette ligne en cachant celle qui suit (en aidant éventuellement cette lecture). Demandez à l'enfant de formuler une ou des hypothèses sur ce qui suit. Aidez-le si nécessaire en montrant le ou les mots qui permettent de les formuler. Discutez... Montrez la suite, discutez de ce que l'auteur aurait pu mettre à la place (synonyme, autre idée...). II s'agit d'une démarche essentielle que le bon lecteur exerce en permanence et qu'il convient d'adopter en étant conscient de son fonctionnement.


Ces exercices et l'esprit dans lequel ils doivent être faits sont, ou devraient être en usage à l'école et au collège.

Depuis plusieurs années, l'Association Française pour la Lecture propose aux enseignants toute une politique (dont la collaboration étroite avec les parents) et toute une panoplie d'instru­ments (livres théoriques et pratiques, outils pédagogiques, jeux, fichiers de fabrication, fichier d'entraînement « ATEL », logiciel d'entraînement, « ELMO », etc.).

Nous souhaitons donc que nos conseils coïncident avec l'action de l'école. Dans le cas contraire, soyez persuadés de leur utilité. Elle est indiscutable car en matière d'apprentissage (quel qu'il soit) :

ON DOIT APPRENDRE A FAIRE CE QU'IL FAUT SAVOIR FAIRE. En lecture, il faut savoir identi­fier très vite, anticiper en permanence. C'est ce qu'il faut apprendre. Et ce, dès les débuts de l'apprentissage et tout au long de la scolarité.

C'est en agissant dans ce sens que l'école pourra jouer un rôle déterminant dans la réussite en lecture de la grande majorité des enfants. A la condition d'admettre que cet apprentissage, tout comme celui de la parole, n'est pas l'affaire exclusive de spécialistes, mais L'AFFAIRE DE TOUS. En ce sens, n'hésitez pas à faire part à l'enseignant de votre enfant des conseils de l'A.F.L. que vous entendez suivre.

Raymond Millot