La revue de l'AFL Les Actes de Lecture n°16 décembre 1986 ___________________ Coup médiatiqueou campagne d’information ? De la rentrée de septembre à la mi-octobre, de l'article dans le Nouvel Observateur au débat organisé par les «Dossiers de l'écran», jamais nous n'avons été aussi présents dans les média. Comment ne pas nous en réjouir, alors qu'ici même l'un de nous déplorait, voilà deux ans à peine, les réticences des grands moyens de communication à s'intéresser aux problèmes d'éducation ? Pourtant, d'une manière un peu paradoxale, l'ampleur même du phénomène fait problème au point qu'il est légitime de se demander si l'ensemble de ces prestations s'inscrit dans une authentique campagne d'information ou s'il se dévoie en un vulgaire coup médiatique. Répondre à cette question impose de s'interroger sur trois points. Le premier concerne le contenu du message diffusé, le second les contours de notre image dans l'opinion, le dernier la fonction réelle de l'information produite . Le contenu du message est clair : les difficultés éprouvées par un nombre considérable de collégiens (dont témoignent les résultats de l'évaluation conduite auprès de 16 000 élèves de sixième et de troisième) ne sont pas imputables à une baisse de niveau (ils sont statistiquement meilleurs lecteurs que les collégiens des générations précédentes); les difficultés sont imputables à une inadaptation des démarches d'apprentissage. Mais si le message est clair, les contours de notre image restent flous. Minoritairement, nous sommes perçus comme étant une force de proposition, teintée de modernisme. Majoritairement, nous sommes rendus responsables d'une baisse de niveau brutale liée à une détérioration des conditions de fonctionnement de l'école. En gros, tout se dégrade - l'école aussi - et parce que l'école se dégrade, le niveau s'affaisse. Ce flou de notre image impose une mise au point. Le réglage est d'autant plus nécessaire que les media ont un effet amplificateur énorme. Notre objectif - revenons à lui - est de mener une campagne permanente d’information sur la nature et les enjeux de la lecture, non pas par souci “d’objectivité” (éclairer l'opinion) mais par volonté d'agir dans l'universocial et pour favoriser les évolutions que nous jugeons nécessaires. Pour reprendre un mot de SARTRE (interview dans le Nouvel Observateur n° 1 de 1964) “l’information doit s'ouvrir sur l'action”. Nous ne pouvons qu'être de son avis lorsqu’il ajoutait “examiner un problème sans indiquer la direction dans laquelle on pourrait le résoudre, c'est contribuer à la dépolitisation... ». Aussi pensons-nous que notre campagne d'information doit se poursuivre inlassablement. Si nous voulons échapper à la fascination qui consiste à monter des coups médiatiques, il nous faut poursuivre notre apprentissage de l’utilisation de la presse pour qu'enfin nous soyons entendus pour ce que nous disons et non pas pour ce qu'on voudrait nous entendre dire. A.F.L. |