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La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°17  mars 1987

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BRÈVES


LE CHEMIN DES MILLE COURBES ET DES DIX MILLE COULEURS 
OU LE REGARD QUI CRÉE

Audiovisuel réalisé par François RUY-VIDAL

Pour certains philosophes un paysage ne prend sa réalité que sous l’œil de celui qui le contemple. Rien n'existe concrètement sinon par nos perceptions.

Quant à la fiction, nous pouvons être plus affirmatifs : elle ne prend corps que sous le regard du témoin.

Les livres qu'on n'ouvre pas n'existent pas. Ce sont des livres aveugles, des livres blancs, sans auteur et sans illustrateur, sans parfum et sans pouvoir. Bien entendu, ils ne sont que proposés à notre attention… à nous de les ouvrir.

Mais, si nous les lisons un jour, c'est avec notre miroir personnel, récréant ce jardin d'interprétations qui est notre seul privilège, empruntant souvent pour nous y retrouver ou pour nous y perdre, ce « chemin des mille courbes et des dix mille couleurs » par lequel Wang-Fô, le personnage de Marguerite YOURCENAR (Comment Wang-Fô fut sauvé, éd Gallimard), pour échapper à la cruauté d'un tyran, s'est enfui dans la réalité propice d'une de ses images intemporelles...

François RUY-VIDAL

Les dix livres qui vous sont proposés

Dix fuites poursuites aux trajectoires aussi sinueuses et étonnantes que ces plaisirs de l'imaginaire en liberté :

Comment Wang-Fô fut sauvé
Marguerite YOURCENAR, Georges LEMOINE, éd. Gallimard.

Brise et Rose
George SAND, Nicole CLAVELOUX, éd. des Femmes.

Au pied de la lettre
Jérôme PEIGNOT, Robert CONSTANTIN, F. RUY-VIDAL, éd. Universitaires.

Le kidnapping de la cafetière
Kayle SAARI, Henri GALERON, éd. Harlin Quist.

ZOO_ O... 0... OH !
Jack-Aloin LEGER, Alain LETORT, F. RUY-VIDAL.

Un ours, je suis un ours
T, TASHLIN, J, MULLER, J. STEINER, éd. Duculot.

Le loup blanc
Philippe CORENTIN, Colline POIREE, éd. Hachette.

CHUT
Patrick COURATIN, éd. Harlin Quist.

Hôtel de l’ogre
Christian BRUEL, éd, Le Sourire qui Mord.

Cheval d’York
Nidra POLLER, H.CUADRO COGOLLO, éd. Oustokata.

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HISTOIRES... QUELLE HISTOIRE
OU LE PAYS QUI NOUS APPARTIENT

Audiovisuel réalisé par François RUY-VIDAL

Il est banal de dire que les enfants aiment écouter ou lire des histoires et c'est par leur biais que les adultes leur parlent et conversent le mieux, leur témoignent ce dont leur responsabilité les investit sous le couvert de la distraction : informations, avertissements, encourage­ments... principe de vie.

Cependant, derrière ce schéma traditionnel des rapports d'éduca­tion, d'histoire en histoire, l'espoir est que chaque enfant arrive, par ses propres chemins, entre intuition et raison, instinct et volonté, à un équilibre de ses forces pulsionnelles, dans ce pays qui n'appartient qu'à lui. Les images, celles des mots et des idées, celles des illustra­tions et des photographies et celles de la musique et des voix, ne sont après des rencontres parfois de hasard, que des étapes vers ce regard, le nôtre, qui crée ou recrée ces territoires de l'imaginaire.

« Histoires, quelle histoire » n'est pas qu'un modeste itinéraire, à travers neuf livres, mais un voyage choisi qui, d'arbres en nuages, de pierres en ruisseaux, de chemins en clairières et de rivages en forêts propose aux spectateurs d'acquérir quelques parcelles de cet autre regard : celui qui suit la rencontre avec une intelligence partagée. François RUY-VIDAL

Les neuf livres de l'audiovisuel

La petite géante
Philippe DUMAS, éd. l'École des Loisirs.

Opipabulle
Anne BELEC, J. et M. ROZIER-GAUDRIAULT, Colline POIREE, éd. Hachette.

Les loups du bal
Hélène TERSAC, Frédéric CLEMENT,
éd. de la Marelle.

Les chaussures de Siméon
Anne JOGANS, P. COLLANGE, éd. Léon Faure.

Pierrot ou les secrets de la nuit
Michel TOURNIER, Danièle BOUR, Pierre MARCHAND, éd. Gallimard.

Les papillons de Pimpanicaille (comptines)
Alain GAUTHIER, F. RUY-VIDAL,
éd. de l'Amitié.

Conte numéro 1
Eugène IONESCO, Etienne DELESSERT, F. RUY-VIDAL, éd. Harlin Quist.

La grosse bête de M. Racine
Tomi UNGERER, éd. l'École des Loisirs.

  • Max et les Maximonstres
    Maurice SENDAK, éd. des Loisirs.

* * *

LIVRAMBULE

LES LIVRES PARTENT À LA RENCONTRE DES JEUNES


LIVRAMBULE, ce néologisme, a été créé pour servir l'idée maîtresse du projet. Les livres, agrémentés d'un suffixe à double sens, affirment un nouvel état dynamique et accueillant. Ambulants, ils partent à la rencontre des enfants, plus spécialement les réfractaires à la lecture, et habitent des structures légères et transparentes.

Les kiosques LIVRAMBULE sont conçus pour être des sites d'accueil et de communication. Ils mettent à la disposition du grand public, parti­culièrement les jeunes de un à quatorze ans, une sélection de livres, trois cents titres, de cassettes et de jeux informatiques. Les bulles par­tent à la rencontre de leurs visiteurs sur les sites de vacances et de loisirs, s'installent en ville et à la campagne, à la sortie des écoles, des hôpitaux comme au cœur des manifestations culturelles et sportives.

LIVRAMBULE, c'est aussi un programme de communication multi­média à l'attention des jeunes et de leur entourage.

Les kiosques se reconnaîtront comme sites d'application des nou­veaux médias de communication et d'information (exploitation de banque de données, images interactives, audio-vidéographie, infor­mation télématique).

Les livres seront ici, non pas en concurrence mais en complémenta­rité harmonieuse avec les autres supports de communication.



GENÈSE D'UN PROJET

LIVRAMBULE, avant de devenir le programme qui, aujourd'hui, est prêt à naître, a d'abord été une idée. Il n'est ni un caprice ni le pro­duit d'une illusoire ambition, un défi peut-être! L'idée s'est imposée à son auteur, Myriam BOUTROLLE-CAPORAL comme une évidence, une nécessité, après plusieurs années de pratiques et d'analyse du marché des livres pour enfants.

Pourquoi faut-il que les bons livres restent le privilège des seuls initiés? Comment peut-on parler d'une « réelle démocratisation de l'accès au livre et à /a lecture » si les structures commerciales ne la favorisent pas? Jusqu'où ira l'insidieux travail d'acculturation généré par la dif­fusion en masse d'une production de mauvaise qualité?

Si tous les enfants avaient sur leur route quotidienne des livres adaptés à leurs goûts et à leurs besoins, ils auraient plus de chance de découvrir un jour le désir et le plaisir de lire.

Cette réflexion a nourri, une année durant, l'analyse de marché, les entretiens et les stages auprès des professionnels engagés sur le cir­cuit du livre.

En juillet 1985, la nécessité de continuer la recherche en équipe s'est imposée.

SELIMENE, association loi 1901, a été créée, des équipes pluri-­professionnelles, réunissant les personnes les plus motivées par le pro­jet ont élaboré les principaux cahiers des charges (analyse des diffé­rents concepts architecturaux, pré-études informatiques).

Le projet ayant reçu la caution et l'aide financière des ministères (Culture et Communication, Éducation Nationale, Jeunesse et Sports) et de la Fondation de France, les études et les recherches architecturales ont pu être soigneusement menées.

Pendant ce temps, quelques membres actifs de SELIMENE ont poursuivi leur travail de documentation sur les matériaux, les techniques et les matériels informatiques. Il a fallu également maintenir le contact avec les personnes qui, de toutes les régions de France ou de l'étranger, demandaient des nouvelles de l'évolution du projet qui leur avait été présenté au Salon du Livre en 1986.

Deux étudiants, l'un en design et arts plastiques, l'autre en marketing, ont choisi de consacrer leur mémoire à certains aspects de LIVRAMBULE.

L'année 1986 a permis aux architectes Armelle KERLIDOU, Marc AUBRY et François GUIGUET de travailler sur les plans de la bulle et de lancer un concours technique auprès des carrossiers susceptibles de construire le prototype.

A l'arrêt, les bulles déploient des formes élégantes et transparentes à l'échelle des jeunes qu'elles accueillent (c'est en soi une perfor­mance technique !).

Ces kiosques présentent et mettent en vente des supports variés de communication (livres, cassettes audio et vidéo, didacticiels).

Tout autour de la bulle, des vitrines, des espaces d'affichage, un mur-­image, avec des écrans-vidéo qui peuvent être mis à la disposition des annonceurs institutionnels ou industriels de la région.

LE CALENDRIER

L'opération est actuellement prête à être mise en oeuvre. Les étapes seront les suivantes :

  • 1987, fabrication et lancement de la première bulle en Ile-de France,

  • 1988, extension par région du réseau national avec le concours de deux partenaires.

Pendant la période pilote et pour l'exploitation du réseau, l'associa­tion SELIMENE gardera son rôle de concepteur; un comité de lecture pluri-professionnel mettra à jour le catalogue deux fois par an. SELI­MENE assurera le plan de formation des animateurs-vendeurs res­ponsables des kiosques.

La gestion, l'exploitation, la coordination du réseau seront assurées par LIVRAMBULE S.A.R.L.

Si le programme se développe selon les objectifs prévus, LIVRAMBULE pourra illustrer de façon vivante et originale que la diffusion de la culture des jeunes passe par la meilleure osmose possible avec leurs rythmes et modes de vie.

Le pari difficile de LIVRAMBULE, c'est de créer le fil tendu - fragile certes - entre les impératifs culturels et commerciaux. La synergie de ces deux mondes, longtemps vécus comme rivaux, pourrait bien devenir la condition et la chance de l'épanouissement de la culture des jeunes d'aujourd'hui.

Myriam BOUTROLLE-CAPORAL

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LA SEMAINE DE L'ENFANT LECTEUR


Du 6 au 13 décembre dernier, s'est tenue au Forum de la FNAC, à Grenoble, la semaine de l'enfant lecteur. (Fruit d'une collaboration entre la FNAC, l'école du Lac, l'école maternelle de la Rampe et la médiathèque de l'Arlequin).

À l'origine de cette opération :

- les clubs lecture,

- plusieurs expériences de collaboration entre la Médiathèque, l'école du Lac et des librairies de la ville. (Voir A.L. n° 5, mars 1984, p. 28 Lector de 5 à 7. Une expérience à Grenoble; A,L, n° 13, mars 1986, p. 13 Suivez Lector.)

- une proposition de la FNAC : mettre le Forum (salle attenante au magasin) à notre disposition pendant huit jours pour que les enfants conseillent les acheteurs autour d'environ trois cents livres qu'ils auraient sélectionnés. A une condition : que la FNAC ait l'exclusivité de la collaboration.

Certes, la condition mise nous a quelque peu fait réfléchir. N'allait-on pas entrer dans le jeu de la « guéguerre » que se livrent la FNAC et les « petites » librairies de la ville?

Ce qui a emporté notre décision, c'est que nous avions le sentiment (qui s'est vérifié par la suite) d'avoir là la possibilité de traiter avec un véritable partenaire.

La FNAC ne faisait pas cette proposition pour faire plaisir aux chères têtes blondes, mais, selon André DIR, le libraire, pour conforter son image de magasin soucieux d'informer le plus complètement pos­sible sa clientèle.

À partir de là, nous pouvions avoir nous aussi nos exigences et l'opé­ration a pu s'engager sur des bases clairement définies.

  • Côté FNAC:

  • prise en charge des commandes,

  • mise à disposition du local,

  • organisation des rencontres avec la presse,

  • diffusion de l'information par le biais de ses outils et canaux habi­tuels (brochures mensuelles, affiches, etc.),

  • rémunération du travail fourni par les enfants et du service rendu sous forme de participation matérielle à l'équipement de la B.C.D.

Côté école(s) et bibliothèque :

  • préparation de la sélection de livres,

  • préparation du dossier de presse,

  • participation aux rencontres avec la presse et aux émissions de radio et de TV consacrées à l'opération,

  • conseils à la clientèle dans le Forum,

  • organisation d'un débat sur les critères de choix des livres pour enfants.

Se confronter au monde tel qu'il est et essayer d'agir sur lui, prendre conscience de son statut et essayer de le faire évoluer,

Les expériences ont été multiples : les données recueillies nombreu­ses. Il y a matière à réflexion en vue d'orienter des actions futures.


À PROPOS DES CLIENTS

1. Peu d'enfants. Hypothèses :

  • « On voulait leur faire la surprise pour Noël. »

  • Beaucoup de permanences avaient lieu en temps scolaire. Ils étaient donc à l'école.

2. Beaucoup plus de femmes que d'hommes. Et lorsqu'il y avait des hommes, ils étaient la plupart du temps accompagnés. Hypothèses des enfants: « Les mères connaissent mieux leurs ou les enfants, leurs goûts, leurs besoins. »

3. « Il y en avait de toutes sortes :

  • ceux qui ne faisaient que regarder,

  • ceux qui demandaient des conseils ou se laissaient conseiller,

  • ceux qui disaient oui, oui, mais regardaient ailleurs. »

  • Et cette dame (bibliothécaire) à qui j'ai demandé «Je peux vous aider ? » et qui m'a répondu « Non merci, je sais lire. ». Elle avait très bien compris ce que je voulais dire. Je suis partie vexée.

4. De manière générale, les clients qui souhaitaient un conseil s'adressaient assez spontanément aux enfants mais beaucoup moins aux adolescents du collège qui assuraient conjointement les perma­nences.


À PROPOS DU PERSONNEL DE LA FNAC

« Quand les gens voulaient un livre qui n'était pas dans le forum, j'al­lais le chercher dans le vrai rayon "livres pour enfants". »

« Il y avait une vendeuse vachement gentille, dans le rayon « livres pour enfants » Je crois qu'elle devait travailler un peu avec nous. »

« Quand on lui demandait un livre et qu'on disait que c'était pour le forum elle allait le chercher et elle nous le donnait. »

« Au bout de la deuxième fois que j'allais à la FNAC, je m'y sentais comme un poisson dans l'eau. ».

... Un poisson dans l'eau..,

Ce sentiment de faire partie de la maison a été unanimement par­tagé et très apprécié.




DES ENFANTS ÉCRIVENT

Nous terminons notre dossier sur la littérature de jeunesse par une nouvelle écrite par Isabelle FOULON, élève du Collège Paul BERT d'Évreux Ce texte, intitulé « Nouvelle » par son jeune auteur, a été couronné par le jury constitué à l'occasion d'une fête de la lecture et publié dans le Courrier de l'Eure.

NOUVELLE

Bonjour ! Comment allez-vous ? Moi, ça baigne. Qui êtes-vous ? Moi, c'est...

Mais c'est vrai ! Je n'ai pas encore de nom. Je suis là depuis quelques semaines, incognito, et j'attends, confortablement installé, qu'on daigne s'intéresser à moi. Personne ne soupçonne encore ma présence. Je suis un tout jeune embryon, pensez donc, seize jours seulement! Je fais lente­ment connaissance avec mon environnement , agréable ma fois, doux, chaud et accueillant. Je m'habitue au bruit incessant qui m'inquiétait au début : battement sourd, régulier, immuable. Il devient même rassurant, signe que tout va bien. Je me laisse flotter béatement en attendant je ne sais quel événement mystérieux.

Ça y est ! On s'est enfin aperçu que j'existais. Mais au lieu de me remplir de joie comme elle aurait logiquement dû le faire, cette nouvelle m'angoisse inexplica­blement. Je ne sais si c'est une impression, mais je pense que l'atmosphère est assez tendue. N'aurait-on, par le plus grand des hasards, point souhaité ma venue? Voilà, qui, assurément, serait bien fâcheux.

Coucou ! C'est encore moi ! Eh oui, je suis toujours là. Ce qui s'est passé ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais je suis maintenant entouré par un halo de chaleur, de tendresse. Je me sens accepté et c'est très agréable. Au fait, je sais pas si je vous l'ai dit, mais mon âge et ma taille m'autorisent maintenant à prendre le nom de fœtus. C'est ridicule, mais j'en suis fier, sûrement parce que c'est l'une des grandes étapes de ma vie.

Je me sens une âme d'explorateur, et je crois que j'ai les qualités d'observation nécessaires pour cela. J'ai noté certains changements dans mon environne­ment : alors que j'étais habitué à une sécurisante obscurité, il y a maintenant une alternance clarté/sombre. Malgré moi, cette opposition rythme mon existence. Je m'éveille et commence à m'agiter dès que baisse la luminosité. Ce fait nou­veau est assez troublant mais je suppose qu’il fait partie de mon évolution. Mais pour en revenir à ma future carrière, elle a été étouffée dans l’œuf par une cons­tatation que je viens de faire : je ne suis pas libre d'aller à ma guise! Par un fait révoltant dont on ne m'a pas informé… de toutes façons on ne me dit jamais rien… je suis entouré, attaché, séquestré. Je suis lié par une haine qui fait partie de mon corps. Mon paradis est donc une prison, une cage dorée ! Cette position humiliante est intolérable. Mais je connais mes droits et les ferai valoir ; tout homme a droit à la liberté de mouvement et... mais qu'est-ce que je raconte ? Décidément, parfois chez moi, ça ne tourne pas rond !

Aujourd'hui est un grand jour. J'ai constaté par un fait que je ne peux citer ne voulant froisser ma pudeur naturelle, que j'étais un garçon, ce qui me comble d'aise. Je sens déjà les prémices d'une supériorité toute masculine, et je me ren­gorge en pensant à la chance que j'ai d'appartenir au sexe fort. Néanmoins, ne vous inquiétez pas, je suis resté simple et naturel et ma modestie ne saurait souffrir de ce fait, tout important qu'il soit,

Quel univers étrange est le mien ! Il semble rapetisser au fur et à mesure que je grandis. C'est tout de même un peu gavant, car j'ai de moins en moins de place pour faire ma gymnastique. D'autre part, la chose qui me loge, qui je pense est vivante, car il me semble parfois l'entendre me parler, même si je n'assimile pas plus son langage qu'elle ne me comprend, n'a pas l'air d'apprécier ma vigueur. Pourtant il faut bien que je fasse de l'exercice; le sport, c'est la santé ! Je ne sais que penser de ma situation.

Il m'est arrivé une chose extraordinaire ! J'étais en train de me prélasser tranquille quand j'ai senti qu'on s'adressait à moi. Encore ! me suis-je dit, car cela devenait de plus en plus fréquent. On ne peut pas me laisser tranquille ! Mais soudain, j'ai compris ce que mon habitat voulait: que je me déplace un peu. En même temps, une voix grave me parlait, avec beaucoup de douceur, et j'ai compris qu'elle voulait la même chose que mon logement ; j'ai donc obtempéré, après quoi les voix se sont tues. Je ne suis donc pas seul, mais avec deux personnes : l'une inconnue et l'autre qui me loge. J'espère qu'elles me parleront souvent, car je m'ennuie un peu.

C'est horrible, affreux épouvantable, honteux. L'espace s'est tellement rétréci autour de moi que je suis obligé de me recroqueviller et de rester la tête en bas pour occuper le moins de place possible. Quel est le mystérieux phénomène qui agit en ce moment ? Les voix ont l'air de le savoir, mais elles ne veulent pas me le dire, elle me conseillent seulement de ne pas m'inquiéter. Si ça continue, je vais périr étouffé. Je ne comprends pas, mais alors là, vraiment pas.

Au secours, à l'aide, S.O.S « May Day ! » Je vis une chose épouvantable : je crois que je suis en train de mourir. Il s'exerce sur moi, régulièrement, une traction qui m'éjecte, lentement mine de rien, hors de ma si douillette cachette. Qu'ai-je fait pour mériter cette calamité ? Je suis pourtant en bonne santé, vigoureux, sain. N'ai-je trop vécu que pour cette infamie ? C'est le destin. Hélas, il est funeste. Inexorablement ma tête s'engage dans un dur bassin étroit, je ne veux pas voir ça, c'est trop affreux. Mais que m'arrive-t-il ? Une immense lueur m'éblouit, je ferme les yeux. Eh ! Au secours, j'étouffe. Pour la première fois, l'air entre dans mes poumons. Ça au moins, c'est un progrès. Instantanément je me sens mieux, je respire au moins! Je me tâte. Apparemment, je suis encore en vie. Tiens je ne suis plus relié par ce cordon qui m'entravait. On me nettoie les yeux. Mon nouveau monde est aveuglant, froid, inhospitalier. Je tremble. On me pose sur un être chaud que je reconnais immédiatement, mon habitat, l'une des voix ! Et aussi sec, sans réfléchir, bêtement je dis la première chose qui me vient à l'esprit « Maman ». Un grand silence se fait autour de moi. Je vois les personnes qui m'entourent tomber à genoux, la bouche ouverte, les yeux écarquillés.

Voyez-vous ça, il parait que je suis un génie.

Isabelle FOULON
Collège P.BERT
Évreux