La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°58  juin 1997

___________________


note de lecture

De l'écolier écœuré à l'enseignant novateur

Raymond Fonvieille 1996

Ivan Davy, Editeur. Coll. Itinéraires.

 

" Le changement ne se fera que lorsque la société aura décidé de donner à l'éducation et à l'enseignement un sens humaniste, qu'il ne s'agira plus de dressage à un ordre immuable, qu'il ne s'agira plus d'endoctrinement, qu'il soit idéologique ou religieux... qu'il ne s'agira plus d'asservir les jeunes en vue d'une production déshumanisée. " Qu'on se le dise, à soixante-quatorze ans, Raymond Fonvieille, principal animateur en 1960, avec Fernand Oury et quelques autres, du Groupe parisien de l'Ecole moderne (ICEM), continue à porter (et à colporter) sa révolte et son refus d'un système éducatif qui organise la servilité des enseignants et la domestication des enseignés. Pour l'avoir rencontré récemment dans un stage, je peux assurer qu'une "inaccessible étoile" brille toujours dans son regard pertinent et malin.

Le livre n'est pas un ouvrage théorique. C'est le récit d'un itinéraire ; d'abord, celui d'un enfant, pas particulièrement gâté, fils unique, enclin à une solitude un peu forcée ; puis d'un écolier, qui découvre l'école, son ennui, son conformisme, sa violence, ses punitions, son injustice... Il deviendra instituteur, un peu malgré lui, entré par la petite porte après plusieurs échecs devant celle de l'école normale. Sa rencontre avec les idées novatrices, puis plus tard avec Freinet lui-même et la dynamique du mouvement qu'il anime, feront peu à peu de Raymond Fonvieille un praticien-chercheur et un militant. Convaincu que " de tous les opprimés, l'enfant est le plus muet. " (C. Rochefort), il cherchera alors, avec Fernand Oury, Michel Lobrot, René Lourau, Georges Lapassade et d'autres encore, à créer les conditions pédagogiques d'une libération des capacités d'expression et de communication des enfants, tout en participant activement à la théorisation de ce qui deviendra la pédagogie institutionnelle.

Le témoignage est précis et emprunt d'une certaine humilité. " Je dois bien reconnaître que je dois à Freinet de n'avoir pas exercé mon métier de façon tout à fait stupide. " Le parcours inspire le respect, et rien que pour cela, le livre vaut le détour. On souhaiterait avoir été l'élève de ce maître-là, on souhaite aux enfants d'aujourd'hui d'en rencontrer au moins un de cette étoffe-là !

Jean-Louis BRIAND