La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°59  septembre 1997

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J'étais élève 
au temps des BCD 
expérimentales

Aller en bibliothèque était un moment très important et très attendu dans la semaine. C'était prendre une bouffée de calme et de savoir. J'entends encore son silence marqué de chuchotements. Le temps semblait s'y arrêter et pourtant les minutes me semblaient plus courtes qu'en classe. Nous avions l'impression d'y être seuls, libérés de la surveillance de notre institutrice qui aidait la bibliothécaire À enregistrer nos livres.

Je n'ai pas gardé le souvenir des mots de mes lectures d'enfance, mais celui des émotions, des sentiments partagés avec mes héros de petite fille. Je partais À l'aventure des paysages et des sentiments.

À la maison, nous avions peu de livres et donc la bibliothèque était le lieu providentiel pour la découverte en solitaire. Et j'aimais retrouver ce moment de calme apaisant pour dévorer chez moi le livre emprunté.

C'est par ces instants privilégiés passés en BCD que j'ai appris À aimer la lecture et le livre. J'ai continué pendant toute ma scolarité À fréquenter assidûment les bibliothèques. Et aujourd'hui, j'essaie de transmettre ce plaisir À mon enfant et À mes élèves.

J'adorais, j'adore toujours passer entre les rayons. À chaque fois, c'était le même rituel, comme grignoter des voyages. Il y avait toujours plusieurs livres qui m'appelaient : un roman de la bibliothèque rose ou du Club des 5, une bande dessinée de Quick et Fluke, un album documentaire sur la vie d'un enfant d'un autre continent, une BT présentant un oiseau... Chaque ouvrage avait sa place de lecture : le roman assise près d'une fenêtre, la BD dans le pouf rouge qui perdait ses billes, l'album par terre dans la pénombre entre deux rayonnages et la BT debout accrochée au casier de rangement.

Mes préférés étaient les albums documentaires. J'aimais lire et entrer dans la vie de ces enfants qui avaient le même âge que moi. J'aimais regarder leur portrait, les photographies de leur maison, de leur village. Cachée entre deux étagères, je vivais un court instant avec eux ; dans l'igloo de mon ami l'esquimau ; avec les lamas de Pedro dans la Cordillère des Andes ; chaussée de sandales en bois d'une jeune chinoise, dansant sur des musiques traditionnelles dans les rues de Pékin.

Catherine GUENEAU