La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°59  septembre 1997

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UN PROGRAMME RÉGIONAL DE CLASSES-LECTURE

École - Collège

Région

Formation

 

Le modèle de classes-lecture que l'AFL a développé en 1988 À Asnelles, dans le Calvados, a été imaginé par Manuelle Damamme, coordonnatrice de ZEP À Saint-Etienne du Rouvray, en Seine-Maritime. Pour elle, l'idée est cependant le fruit d'un travail collectif : " On peut remonter À Hérouville Saint-Clair (1), lieu d'une Université d'Eté sur les BCD où on s'était rendu compte que le fait de travailler À partir d’un outil (la BCD) levait plein de questions sur d'autres pratiques liées À la lecture et À l'écriture. C'est lA qu'est née la proposition de créer une sorte de lieu d'application, de théorisation, de mise en réseau des outils existant déjA, mais de manière éclatée. "

C'est ainsi, qu'À l'AFL, les classes-lecture ont pris corps trouvant rapidement un centre d'accueil, au pied des Cévennes, À Bessèges. D'ailleurs, la Seine-Maritime a tout de suite inscrit deux classes, une de Cléon et une de l’école Annexe de Rouen... Deux raisons n'ont pas permis de poursuivre l'expérience comme l'indique Manuelle Damamme : " Nous n'étions pas totalement satisfaits, localement, du retour, dans la mesure où, ne sachant pas très bien ce qui s'était passé, nous avions du mal À assurer le suivi et la démultiplication. Que faire des échos positifs ou négatifs qui nous revenaient sauf À refaire une formation quelques temps après ? D'autre part, À Saint-Etienne du Rouvray, lieu où était implanté le Groupe Local de l’AFL, la municipalité craignait de se voir reprocher une politique trop en faveur des populations d’origine étrangère en inscrivant dans ce qui était alors le programme de Développement Social des Quartiers (DSQ), le départ À Bessèges de 2 classes du quartier du Château-Blanc. Fut alors formulée l’hypothèse de classes-lecture sur site dont la première version fut expérimentée en 1990 au collège Robespierre avec une classe de 3ème, le professeur principal Marie Claude Penloup, ayant su mobiliser tous les autres collèges pour ce "stage" interdisciplinaire et, bien sûr, la documentaliste. "

Un groupe se mobilise alors localement sur les classes-lecture comme un point fort dans un projet éducatif, ce que rappelle Françoise Pasquis-Dumont, principale du collège Robespierre : " C'est au cours d'un conseil de zone que l'objectif d'améliorer les apprentissages a été défini entre tous les partenaires et la lecture est apparue tout de suite comme prioritaire. Le projet a donc été pensé dans le cadre du DSQ, politique de la ville.

Pour le collège Robespierre, qui se trouvait implanté dans la zone DSQ et donc nécessairement en ZEP, il y avait une double nécessité : d'une part, imaginer une suite À des ateliers d'écriture et de pratiques artistiques qui avaient été développés au cours de PAE, d'autre part, définir un projet comme on nous avait demandé de le faire la première année de ZEP, vers septembre 89. J'avais proposé "la communication sociale" en raison de l'importance de la culture de l'écrit dans l'établissement ce qui pouvait être une manière de faire circuler la parole entre adultes et enfants. Les collègues étaient, de plus, intéressés par l'aspect informatique, un outil mal utilisé dans l'établissement (on était encore avec notre nano-réseau qui ne marchait pas !). Le Plan Informatique Pour Tous avait été mal prévu, avec une mauvaise formation, ce qui avait été frustrant pour tout le monde car ça ne répondait pas À des besoins organisés. Avec les classes-lecture, quelque chose apparaissait qui pouvait intégrer cet outil pour l'appropriation de l'écrit. Donc, en 89/90, le projet d'établissement comprend une classe-lecture au niveau 3ème. "

Interdisciplinarité ouverte sur l'extérieur, ce que rappelle Manuelle Damamme, faisant remonter toute une série de souvenirs heureux liés À cette première aventure des classes-lecture : " On avait mis en place tout un ensemble d'activités autour du montage diapos sur l'acte lexique(2), autour de logiciels comme ELMO, autour du traitement de textes, de la PAO et de la video... On avait aussi créé tout un ensemble lié aux médias avec des intervenants extérieurs, avec la connaissance de réseaux de presse, l'utilisation du serveur télématique de l'Education Nationale et la participation du mensuel Info-Rouen... "

Françoise Pasquis-Dumont : " Les élèves ont pu visiter le journal Paris-Normandie, la nuit, en pleine activité. Il y avait des enquêtes sur le lien entre la lecture et les professions. On a eu ensuite une grande satisfaction autour de la production du journal, les élèves et les professeurs ayant été fortement sensibilisés puis passionnés... Les élèves ont alors suggéré la création d'un certain nombre d’activités qui sont nées ensuite : club-lecture, ateliers optionnels, atelier ELMO (ELSA aujourd’hui), visites d'imprimeries et réalisation d'autres classes-lecture. "

La classe-lecture a fait émerger tout un travail sur la presse, ce qui est devenu maintenant une pratique régulière dans l'établissement.

L'Inspecteur de l'Education Nationale, Yannick Tenne, arrivé en 1993, s’est donné un an pour intégrer l'équipe et, pour lui, l’aventure commence cette année-lA : " 

La première année, on a recentré sur les orientations du projet de zone, avec une attention particulière sur la maîtrise de la langue et la mise en relation de différents projets présents dans la circonscription. Les classes-lecture sont arrivées, la deuxième année, après qu'ait eu lieu cette mise À plat. Elles ont, pour moi, deux fondements principaux :
  1. Développement de classes d'environnement : on crée une unité pédagogique sur un projet précis qui fonde À la fois des situations et des contenus liés À ces situations.
  2. Effet de démultiplication dans l'école, voire au-delA. "

En 1995, furent expérimentées deux classes-lecture en primaire, au cycle 2 et au cycle 3 ainsi qu’une autre en maternelle, dans 3 écoles situées en ZEP, ce qui créait une certaine unité. La classe maternelle posait, en plus, le problème intéressant de la relation oral/écrit.

Ensuite, et c'est en quelque sorte une troisième étape, c'est la phase d'élargissement. Dans la circonscription s'est développé un certain nombre de demandes et on en a profité pour créer des relations plus fortes entre projets de ZEP et contrats de ville puisque enfin, le contrat de ville donc la municipalité, et les crédits Etat ont pris en considération ces projets pour les aider, ce qui nous a permis de les afficher de manière claire. En parallèle, et À l’initiative de l’AFL, les classes-lecture se sont développées dans le département. La nécessité de mettre en place un stage départemental s’est faite jour.
Ça devrait répondre aux interrogations liées aux premières classes-lecture :

- Que faire seul après une semaine de classe-lecture où il y a eu beaucoup d'accompagnement ?
- Comment se préparer au projet de la classe-lecture et se former aux outils qui y sont utilisés ?
- Comment présenter la classe-lecture sur site non comme une suite d'activités pendant le temps scolaire mais comme un projet de classe d'environnement qui nécessite de la part de l'école tout un ensemble de dispositifs au niveau du matériel, des horaires, de la préparation, de la conception, de la mise en place... un travail qui est beaucoup plus important que le travail habituel de la classe ?

Je crois que, sur ces trois points, on a eu des réponses, des idées qui nous permettent d'être dans une phase À la fois d'expansion et de consolidation.
Il faut encore travailler sur la notion d'intégration des classes-lecture dans le projet d'école pour que cette classe-lecture ne soit pas un projet individualisé de Mme Untel etc. d'où l'importance d'en parler dans les animations pédagogiques, dans les réunions de directeurs, dans les visites d'inspection d'école. Puisqu'on a un secteur un peu sensible on a quelques postes spécialisés, il s'agit d'inclure ces enseignants dans ce dispositif non pas pour qu'ils puissent apporter une aide spécifique aux enfants en difficultés mais une aide au projet ce qui est une autre manière de les aider. "

 

AFL : Les classes-lecture reposent sur l'hypothèse qu'aider les enfants en difficulté c'est agir sur leur environnement c'est pourquoi elles sont devenues prioritairement un lieu de formation des adultes. Comment faites-vous passer cette idée-lA ?

Manuelle Damamme: Au premier bilan, on observe que, lA où il y a eu plusieurs classes-lecture, s’est amorcée une réflexion au sein de l’équipe qui décide alors en commun des contenus et projets pédagogiques. Pour poursuivre positivement et tendre vers une association de nos partenaires À l'échelon local, il faut qu'on investisse lA où il y a un travail au long cours.
Enfin, c'est parce qu'on a fait plusieurs classes-lecture qu'il y a eu un bouche À oreille et que les propositions de cette année viennent d'enseignants volontaires donc prêts À se former.

Yannick Tenne : Il y a aussi le fait qu'on a inscrit ce projet dans les orientations du projet de zone et que, dans la relation qu'on a au contrat de ville, on n'a pas trop laissé le choix sur les financements des écoles : on a dit que les classes-lecture au même titre que les orientations Maîtrise de la Langue allaient être prises en charge, ce qui fait qu'il y a eu une cohérence, un peu contrainte, on peut le penser, mais il faut bien faire des choix. Ce qu'on a fait avec nos partenaires.

Manuelle Damamme : Il reste À progresser pour qu’au-delA d’un partage financier des projets, il y ait partage sur les objectifs. Les classes-lecture doivent être l’outil d’une politique de lecture pour l’école, pour le quartier, pour la commune. Comment y parvenir si les projets ne sont pas négociés également sur le fond.

Françoise Pasquis-Dumont : C'est un concept qui n'est pas encore passé dans la tête des élus.,

Manuelle Damamme : L’accompagnement est positif puisque pendant les classes-lecture la bibliothécaire qui est chargée des BCD renforce son aide au niveau du prêt des livres et que la ville a répondu À une demande d’équipement informatique. Mais il n’y a pas collaboration sur les projets.

Yannick Tenne : Davantage qu'un choix explicite et affiché de la part de la commune, il y a tout un ensemble de paramètres qui sont un soutien À ce genre d'actions mais ils ne sont pas nécessairement mis en relation de manière forte. On a, par exemple, la création d'une bibliothèque dans une école où on a développé pas mal de classes-lecture... Je crois À la cohérence de ce qu'on propose et, À un moment donné, cette cohérence force un peu les choix.
Par rapport À la question classes-lecture et adultes, même si on n'a pas cette idée-lA au départ très clairement en tête car on pense d'abord aux enfants, on rencontre forcément le problème de la formation des adultes. Ça les interroge. Comment l'enseignant qui a vécu une classe-lecture, qui a développé certaines entrées, va-t-il les relayer dans sa pratique quotidienne ? C’est le chantier pour nous actuellement.
Il ne suffit pas de laisser sous-entendre qu'il suffit de réitérer les situations rencontrées dans la classe-lecture pour que les apprentissages se mettent automatiquement en place
.

AFL : Qu'est-ce que vous appelez situations ? Est-ce qu'il s'agit d'activités cohérentes centrées sur l'écrit ou bien des éléments d'un projet plus large ?

Yannick Tenne : Pour moi, ce n'est pas la même chose. La classe-lecture est un projet dont la situation fait partie. Ce n'est pas parce qu'on a travaillé avec un écrivain que ça suffit pour donner la motivation de lire aux enfants. C'est prendre la partie pour le tout et se dire qu'il suffit d'extraire une situation pour que ça fonctionne. Ça ne fonctionne pas aussi simplement. Autre exemple : les ateliers d'écriture. Ils ne suffisent pas pour l'apprentissage de l'écrit. Quel projet l'enseignant a-t-il par rapport À l'enfant ? Surtout aux enfants en difficulté ? C'est important d'avoir des situations intéressantes mais ce n'est pas suffisant.

AFL : Si on revenait À la classe-lecture comme projet municipal ? Est-ce que ça peut représenter une alternative pour l'aide aux enfants en difficulté ? Si, À travers ce que vous expliquez, on voit bien la continuité dans le système éducatif, on voit moins les ramifications avec l'extérieur.

Manuelle Damamme : Il faut qu'on réussisse À faire nos preuves avec quelques structures : la municipalité ne s'exprimera pas clairement sur cet aspect tant que nous n’aurons pas montré que les classes-lecture peuvent générer des situations, des productions intéressant une population non scolaire.

Françoise Pasquis-Dumont: Entre le GRETA et l’école, on voulait réinstaller un atelier de formation de base. Pendant trois ans, on a eu un stage pour adultes qui était dans l'optique de la lutte contre l'illettrisme et on ne réussit pas À le faire labelliser.
Les instances nationales ne peuvent pas afficher publiquement des propos de lutte contre l'illettrisme et ne pas reconnaître, localement, des initiatives d'aide aux adultes, dans l'institution, profitant des salles d'informatique et des acquis de la classe-lecture dans le collège.
Ça désespère autant le GRETA que le collège de ne pas obtenir la pérennisation de ce stage dans la mesure où c'est significatif, dans un quartier difficile, que des adultes viennent apprendre dans un collège. Ça revalorise la notion d'apprentissage scolaire.
Une politique est déclarée qui n'a pas atteint les rouages intermédiaires des lieux de décisions. Nous sommes pourtant allés À la Région, deux ou trois fois, expliquer ce que c'était que les classes-lecture, ce que ça pourrait être, quel intérêt une Région pourrait avoir d'ouvrir un centre de classes-lecture : ça a été très écouté, on était tout prêt d'avoir le déclic... Mais, À ce moment-lA, une Région qui se trouvait devant la situation de gérer elle-même des ressources pour la formation des adultes n'a pas su faire des choix, ce que l’on continue de payer avec le GRLI.

Yannick Tenne: Il y a peut-être trois obstacles majeurs :

  1. - difficulté d'avoir une politique globale sur un secteur. Ce n'est pas seulement Education Nationale et collectivités locales. Ça peut être avec le ministère de la Culture, le FAS... Chacun reste dans son fief, avec l'idée d'ailleurs que les autres font des choses intéressantes. Mais la congruence est aléatoire. Si elle apparaît, tant mieux, mais il n'y a pas de volonté affirmée d'aller au-delA.
  2. - problème de coût. C'est un doigt dans l'engrenage ce type de projet. Non seulement un coût interne (informatique, BCD...) mais aussi un coût externe : si on commence À mettre en relation l'ensemble des partenaires cela veut dire mobiliser les transports, mobiliser les bibliothécaires, mobiliser les intervenants... Toute collectivité locale traduit chaque demande en terme de coûts, de risques.
  3. - quelle politique affichée ? Le projet de classe-lecture est un projet politique de ville. La question À laquelle on devrait pouvoir répondre c'est : moi... dans ma collectivité... j'ai des enfants, des personnes, qui vivent des situations difficiles par rapport À l'institution scolaire... comment créer les conditions pour améliorer les résultats de ces enfants et de ces personnes ?

Il faut qu'une collectivité territoriale, quelle qu'elle soit, exprime de manière claire son projet politique. C'est de la responsabilité des élus. Nous, en tant qu'Education Nationale, nous avons À appliquer des textes clairs et, dans un projet politique précis, on peut prendre des choses en charge sans que nécessairement on soit inféodé À ce projet politique.

Françoise Pasquis-Dumont : Comment pourrait-il y avoir un projet politique ? Pour moi, il y a une frilosité qui naît de la crainte de quelque chose qu'on ne connaît pas. Les politiques ont peur de tout ce qui est lieu d'expression et de communication. Quand ils ont le sentiment de ne pas maîtriser l'expression et la communication des individus de la ville, ils ne laissent pas partir... Il n'y a pas de politique globale en termes de communication, appropriation par les habitants citoyens d'outils de communication. À mon avis, il faudrait faire une classe-lecture pour les élus. On ne parle pas des mêmes choses, ils ont des images qu'ils n'arrivent pas À évacuer. Il faudra bien qu'un jour on en parle. Nous, nous avons tout un ensemble d'actions derrière notre projet, eux, derrière le même mot, ils ont peur que ça les dépasse, qu'ils ne sachent pas maîtriser, les finances mais aussi l'expression individuelle et collective. Le journal qui va sortir de la classe-lecture de tel quartier en difficulté ça va être quoi ? Franchement, ils vont parler de quoi ces gens-lA, ils vont se mettre À écrire quoi, sur quels sujets ? Vous vous rendez compte l'angoisse pour un élu qui va se retrouver avec un petit fascicule diffusé dans tous les foyers du quartier sur un domaine qu'il n'a pas eu le temps de préparer, discuter, aménager... On est loin d'un projet politique de cette envergure.

Manuelle Damamme : D'autant plus que les enseignants ne savent guère négocier leurs objectifs par rapport aux partenaires extérieurs. Ils sont d'accord pour travailler avec les autres, et les parents notamment, mais ils se demandent comment. Il est difficile pour eux d'articuler des objectifs avec des gens qui ne sont pas de l'Education Nationale.

FrançoisePasquis-Dumont: Cela pose le problème de l'être unique dans sa classe. Où les enseignants apprennent-ils À imaginer qu'ils vont pouvoir être deux dans une classe et s'échanger le temps de parole de manière impromptue sur un objectif qu'ils ont construit ensemble... ça n'existe pas. Cette année, au collège, on a commencé À mettre deux enseignants dans la même classe : c'est une révélation de s'entendre, de s'écouter... Ensuite, ça prend des proportions inattendues c'est-À-dire qu'ils sont même sur le point de préparer quelque chose avec un appelé du contingent... Cela veut dire qu'il s'est passé plein de choses dans les mentalités.

AFL : Comment se font les retours À la ville ? Comment les citoyens sont-ils informés des retombées pour leur commune d'un tel investissement ?

Manuelle Damamme : Il y a eu un article dans la presse municipale pour la semaine de la presse. La presse régionale, Paris-Normandie, a relayé parfaitement la première année une information sur ce nouvel outil.

Yannick Tenne : Il y a des articles dans Paris Normandie pour chaque classe-lecture. On peut penser que les habitants lisent... On a une émission de radio. Il faut être honnête, on n'a rien formalisé. Il y a des retours À l'intérieur de l'Institution en direction des parents de l'école, avec le journal mais c'est resté dans la proximité de la classe. On n'a pas encore les moyens...

Manuelle Damamme: Il faut resituer dans la dynamique. On a fait l'année dernière une première généralisation... Surtout, il faut créer un réseau des classes-lecture qui doit comprendre d’autres classes que celle de Saint Etienne du Rouvray. LA, c’est la vocation de l’AFL (3)

Yannick Tenne : On débute. On était l'année dernière dans l'accompagnement d'un certain nombre de personnes, ce n'était pas notre intérêt de diffuser trop vite. Ce serait bien de faire aujourd’hui une lettre au maire en disant : voilA depuis février 95, il y eu tant de classes-lecture, il y en a tant en prévision, ce n'est pas simplement en tant que financement que doit se poser le problème mais dans l'interaction entre ces actions et la politique locale de lecture. Maintenant, c'est plus mûr.

AFL : Même si c'est encore jeune comme action, c'est étonnant d'arriver À établir cette continuité-lA de la maternelle au collège. Quelles nouvelles questions avez-vous l'impression que ça pose au système éducatif concernant les apprentissages des enfants ?

Yannick Tenne : Je ne crois pas que cela pose de nouvelles questions mais cela les pose avec davantage d'acuité...

Manuelle Damamme : Il me semble que nous-mêmes, nous ne soyons pas complètement mûrs par rapport À l'aspect théorique : programmer un temps de formation et de réflexion pour nous-mêmes, les acteurs-formateurs des classes-lecture, devrait se faire en même temps que nous programmons des actions de formation pour accompagner les classes-lecture.

Françoise Pasquis-Dumont : Par rapport À la recherche dans le système éducatif je pense que les classes-lecture ont un apport sur la capacité d'initiatives des individus et sur les apprentissages. On est dans un monde aujourd'hui qui affirme vouloir, devoir reposer sur les initiatives individuelles or, le système éducatif dit tout le temps : "Suivez le chemin que je vous ai tracé et ne vous en écartez pas." On ne peut pas décréter l'initiative individuelle comme nouvelle possibilité économique sans permettre que ça se vive, ça se pratique, ça se mette en œuvre dans l'acquisition des savoirs. Notre système éducatif piège les gens dès le départ en leur disant : "vous avez l'obligation d'avoir des idées, des initiatives..." ce que fait d'ailleurs notre ministère avec nous aussi en appelant les gens de terrain À avoir des idées, À les faire remonter pour les transférer... Moi, je pense que la richesse des classes-lecture c'est de dire aux gens : "Vous êtes riches de capacités d'initiatives" et, À travers ça, il y a possibilité de vous former en formant chez vous des attitudes.

Yannick Tenne : Pour revenir aux questions que les classes-lecture posent avec plus d'acuité, on pourrait ainsi les énumérer :
La première : les apprentissages culturels. Comment construire des référents cultur, p.els, utiliser des référents culturels ? L'école apporte ou crée certaines choses mais se sert aussi de ce qui existe car les enfants ne viennent pas vides À l'école. Ce n'est pas parce qu’on habite À Château-Blanc qu'on est sans culture. Il y a du "déjA-lA". Comment avoir un développement, des acquisitions qui se fondent sur l'utilisation du culturel ?
Deuxième point : la place de l'enfant. Quelle est l'activité de l'enfant, quelle est l'utilisation de sa parole, de son activité, de son investissement, de sa créativité dans les activités et l'enseignant qui est en première ligne, il faut qu'il exprime son idéologie. Il est soutenu par les textes. La loi d'orientation le dit.
Troisième point : la continuité. On ne peut pas faire une classe-lecture indépendamment de la continuité pédagogique de l'école. Il est évident que se repose le problème de la relation avec ce qui se fait avant, ce qui se fait après et lA, on n'est pas loin des cycles.

Manuelle Damamme : En maternelle, une question est restée suffisamment forte pour que l'institutrice se repose le problème de l'information des parents par rapport À la lecture. Un atelier s'est créé cette année avec les parents, atelier qui est cogéré par l'école maternelle et l'école primaire. C'est À nous d'avoir la capacité, au niveau institutionnel, de contribuer À lever les questions.

Yannick Tenne : Si le terme de classe-lecture n'apparaît pas dans les Instructions Officielles, il y a une harmonisation À trouver entre les questions soulevées par cette innovation et une demande institutionnelle. Ce n'est pas contradictoire avec une application des textes.

Françoise Pasquis-Dumont : Malheureusement, la plupart des enseignants ne regardent pas les textes officiels.

Yannick Tenne : Le programme de l'instruction civique est un appel À la pédagogie coopérative. Combien d'enseignants se rendent compte qu'ils ont des possibilités importantes de vie pédagogique ?

Manuelle Damamme : La classe-lecture est intéressante parce que, avec le journal, par exemple, on conserve mémoire, trace et on construit un ensemble culturel avec possibilité de rediscussion, réentraînement. Tous les enfants ont en commun et individuellement, les acquisitions qui se sont faites au fur et À mesure : cela permet d'avoir une référence.
Dans l'école et dans la ville, c'est tout un réseau de relations qui se crée, via les classes-lecture, et qui, pour l'instant, trouve une expression positive dans les pratiques scolaires. Comment une ville pourrait-elle s'emparer de ce projet pour interroger, avec les institutions concernées et les jeunes, les pratiques sociales ? C'est À cette question que le stage, pendant les Assises, va essayer de répondre
.

 

  1. édité par l’AFL. Série de diapositives sur les processus mis en œuvre dans l’acte lexique.
    Lire, Ecrire, c’est la classe ! Bulletin de liaison des classes-lecture édité par l ‘Espace de Mutualisation sur la Lecture et l’Ecriture (EMILE). AFL de Haute Normandie

     

? Propos recueillis par Yvanne Chenouf
sept 1997
n°59 - page 70

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