La revue de l'AFL
Les
actes de lecture n°60
décembre 1997
___________________
"Les jeunes lectures durent toujours..."
Les enjeux pédagogiques de la littérature jeunesse
Quand on a mission d'éveiller
Christian
Bruel, témoin de ce dossier, nous rejoint pour une conclusion
provisoire. Le long entretien qu'il a accordé aux Actes de
Lecture a donné naissance À ce texte en 5 points, points
de départ de nouveaux débats.
1. La littérature, un levier idéologique
Éditer de la littérature et éditer des livres, pour moi, ce sont des choses différentes.
Pour ne parler que de l'édition jeunesse, il existe un appareil
éditorial qui défend un certain nombre
d'intérêts. Une des fonctions de celui-ci est de perdurer
et de faire perdurer le système qui l'a fait naître. Si
des grands groupes financiers continuent À maintenir, parfois
sans que ça leur rapporte beaucoup d'argent, des
éditeurs, c'est bien qu'il y a un enjeu idéologique puissant.
Il est certain que cette littérature jeunesse se place du
côté d'un consensus : elle développe une position
médiane et cherche À ne pas heurter sa clientèle
potentielle. Cela représente une opération
idéologique de taille. On s'adresse ainsi À une enfance
qui n'existe pas ; en même temps, on fait tellement comme si elle
existait, qu'elle finit par prendre une vraie existence : c'est encore un opérateur idéologique.
Récemment un livre a traité des sans-abri en postulant
que le lecteur ne pouvait pas être du mauvais côté
de la barrière. C'est toujours un opérateur idéologique.
Une transformation sociale n'est jamais envisagée dans ses
étapes, ses moyens, mais avec un but humaniste. On sait bien que
l'état du monde n'est pas satisfaisant et on postule que l'on
peut arriver, par des raisons encore mystérieuses, À un
état plus satisfaisant. C'est la pensée magique qui a une fonction rassurante.
Les livres documentaires, eux, font comme si la science et le
progrès étaient monolithiques, comme si on allait
inéluctablement vers le progrès, comme si la science
valait pour toute la planète. Une OPA culturelle et intellectuelle
sur le monde entier s'accomplit depuis les deux grands pôles que
sont l'Europe et les USA. Cela participe du mouvement de la
pensée magique, comme un tout donné À recevoir.
Quelqu'un, quelque part, tient une vérité et cherche
À la faire partager À un public que l'on suppose avide
d'accéder À cette vérité, un public non
critique. La vérité n'est jamais présentée
comme une problématique mais comme un savoir indiscutable. Cette dimension descendante est condescendante.
Dans cette recherche de moyenne et de consensus, on évite les
extrêmes et «spontanément» on véhicule
les idées dominantes avec cette tendresse propre À ce
genre qui font que l'on n'est pas suspect. C'est probablement
lié À l'extraction sociale des producteurs
eux-mêmes : l'endroit d'où ils parlent conditionne
sûrement leur type de discours sur le monde.
La littérature jeunesse est non seulement un levier idéologique mais un levier qui s'habille de discrétion.
Mais face À un certain nombre de titres aux
représentations ignominieuses, personne ne monte au
créneau. L'appareil critique est bien modeste.
2. Dimension esthétique et résistance
Pour évoquer une première forme de résistance,
je me réfère À Bergougnoux qui, dans un colloque
sur le roman, indiquait que si la littérature était
impuissante face aux oppressions physiques et économiques, face
À l'oppression mentale il est possible qu'elle soit un vecteur
de résistance efficace. Quand on possède une
manière de nommer le réel suffisamment étendue,
souple et fine, il y a toute chance de comprendre sa position et de
pouvoir peser sur elle, soit individuellement soit collectivement.
C'est vrai pour la langue en général et pas seulement
pour la littérature.
Lorsqu'un point de vue autonome est développé dans l'acte
littéraire, on trace un chemin entre l'interdit et l'impossible.
Ce qui disqualifie une partie des livres pour l'enfance et la jeunesse
c'est justement qu'ils contournent ce qui relève de ces 2
notions.
Ça introduit un second type de résistance : les
figures de la langue, les productions graphiques et les processus
psychiques qui se mettent en branle autour de ça, ne
représentent pas la réalité mais permettent d'en
organiser l'expérience.
Je voudrais aborder d'autres types de résistance :
- La première est par rapport au flux du temps.
Bergougnoux indiquait la force de cette littérature lorsqu'elle
s'intéresse À l'instant passé, pour mieux le
comprendre, établissant un rapport exigeant À la
mémoire, appuyé sur l'effort de lucidité. Cette
littérature résiste au déferlement d'images, par
exemple. Je n'ai rien contre les images, j'en produis. Mais je suis
contre un discours tenu autour de l'image et qui est de l'ordre de
l'abondance, du gavage, de la non compréhension des enjeux. La
langue écrite, la littérature résiste face
À ce flot.
- Une autre chose me semble devoir être mise en évidence,
c'est ce que Leroi Gourhan appelait « le lent nivellement des
variations imaginatives individuelles ». Le livre reste un des
rares objets culturels reproductibles qui tient économiquement
quand on parvient À en vendre quelques grosses poignées
de centaines d'exemplaires. J'en veux beaucoup au tissu social, aux
artistes, aux producteurs de livres de mal profiter de cette chance
extraordinaire qui est qu'on peut encore faire des livres viables avec
quelques centaines de lecteurs. C'est miraculeux À la fin du
siècle, c'est la chance et la dignité de ce métier.
Bernard Noël faisait remarquer, aux États
Généraux de la Culture qu'un point Audimat
représentait alors 350 000 spectateurs. C'est extraordinaire :
350 000 personnes peuvent être quantité négligeable
! En littérature, quelques centaines d'acheteurs redeviennent
«quelqu'un». Ils rendent l'aventure littéraire
encore possible. Et j'en veux À un certain nombre de mes pairs
de faire fi de cette aventure littéraire au profit du profit.
- Une des grandes résistances romanesques en général et littéraire en particulier c'est encore la notion de personnage.
Quand il s'agit de l'enfance, le personnage a vraiment un rôle
structurant tout en sachant bien, comme le dit Kundera, que le
personnage n'est pas fait pour représenter la
réalité. C'est sûrement dans leurs livres que les
enfants trouvent des figures les moins réflexes, les moins
flagorneuses de personnages.
- Enfin, tout ce qui touche À l'écart avec la norme, la
complexité de la réalité participent de cette
résistance. Kundera l'évoque lorsqu'il explique qu'une
des fonctions du roman, - de la littérature -, réside
dans le fait d'expliquer que rien n'est simple ; À la limite,
tout ce qui est simple serait simpliste. Dans ce « quelque chose
qui devrait appeler À une prise de position critique face
À la vie », il y a une forme de résistance.
La dimension esthétique du support est difficilement dissociable
du contenu. Le rapport texte/image, par exemple, s'il est
considéré sous l'angle de la richesse du conflit entre
les deux, annule la gratuité de l'esthétisme. Imaginer
des livres avec des contrepoints noir/couleur, des types de mise en
page... c'est créer une machine À faire du sens plus
efficace que les juxtapositions bêtes et brutales ou bien 5
feuilles ronéotées et agrafées.
Il y a de beaux livres techniquement et qui sont d'une vacuité
telle que l'on pourrait les interroger sur leur esthétisme de
façade. Les effets de joliesse m'ennuient, ce n'est pas
ça qui m'intéresse, je n'ai pas envie de provoquer ce
genre de rapport À l'objet culturel .
- Un levier idéologique supplémentaire consiste À
faire comme si la fonction des images était de
représenter le réel . Il n'y a quasiment pas d'album non
figuratif. Par une opération cautionnée par l'ensemble du
tissu culturel, on dit aux enfants que les livres qui leur sont
destinés - et ils distinguent parfaitement ceux qui leur sont
destinés - ne comportent pas (ou presque pas) d'objets non
figuratifs. Après, il faut faire tout un travail de
rééducation artistique pour que les enfants ne soient pas
persuadés que Picasso était un charlatan.
3. La littérature et son pouvoir de transformation du monde
Le corps social ne veut pas de la transformation du monde. Le corps
social n'attribue pas À l'art cette fonction, il cloisonne les
arts, cherchant À nier que les cultures des individus puissent
être des leviers pour changer le monde, les renvoyant À
des formes stables, figées : on est dans l'ordre du
muséal. Cet enfermement des cultures dans les arts est assorti d'une idéologie de la consommation
comme si c'était dans un accroissement du capital culturel que
se jouait l'issue. Une issue en termes d'accumulation, de non
hiérarchie des valeurs, en termes d'interchangeabilité
des objets culturels. À force de laisser entendre qu'il y aurait
une interchangeabilité des objets culturels, on a construit des
ghettos pour ces objets culturels qui eux revendiquent malgré
tout d'être des intervenants dans l'ordre des choses, qui ne se
satisfont pas de l'ordre des choses. Il n'y a pas cette
volonté générale d'appréhension et
d'interprétation du monde dans l'essentiel de la pratique
artistique et lorsque certaines pratiques tentent de faire
réintervenir ces préoccupations elles sont
qualifiées d'engagées et aussitôt
marginalisées.
C'est le statut des artistes, leur fonction sociale qui doivent
être réinterrogés. Certaines coupures, certains
morcellements ne renvoient plus du tout À l'expression de
communautés. La littérature, qui a encore la chance de
pouvoir exister À dose homéopathique, avec des
microclimats de lecteurs, montre bien que c'est l'économie qui
règne en maîtresse mais je continue de croire que les artistes sont les producteurs du temps et de l'espace qui nous font défaut.
Ils doivent produire pour nous ce temps et cet espace. LA, un
hiatus s'est créé : ils ne le produisent plus pour nous.
4. La fonction des médiateurs
On a dit de nombreuses choses sur les ateliers d'écriture, dont
j'ai fait moi-même les choux gras, considérant qu'il y
avait des ateliers qui étaient liés À
l'expression, d'autres qui étaient strictement
«industrialo-centrés», pour produire des rapports,
etc. Une chose me préoccupe beaucoup - je vais un peu durcir le
trait - un
atelier d'écriture qui ne se pose pas la question du
destinataire de l'écrit n'est pas un atelier d'écriture.
Il y a lA un rôle pour les médiateurs. Il faut
absolument que la figure du lecteur potentiel, absent, vis À vis
duquel on n'a aucun phénomène de retour, et dont on ne
doit attendre aucune complaisance, il faut que ces trois conditions
soient réunies pour qu'on puisse qualifier un atelier d'atelier
d'écriture. Ne serait ce que parce que l'attente sociale,
liée À la figure du lecteur potentiel, me semble presque
plus importante que l'acte d'écrire lui même. L'acte
d'écrire est complètement lié À cette
absence de lecteur dont on est obligé de présupposer un
univers culturel, des systèmes de références, des
compétences lectorales et une empathie qui n'est pas
donnée, qu'il faut savoir générer. Il faut le
prendre au piège, il faut le séduire, ce lecteur
potentiel, le manipuler. Si ces conditions ne sont pas réunies,
on écrit entre soi, ça n'est pas du tout la même
chose. La question du lecteur potentiel ne peut pas être
réduite À ronéoter ou faire imprimer par la
municipalité ou l'école, l'objet qui sera vendu, comme je
vendais quand j'étais petit le calendrier des scouts. Ca c'est
du racket, ça n'a rien À voir avec de l'édition de
littérature. Les quelques ateliers que j'anime, et qui ne sont
pas du tout pour les enfants, prêtent cette
règle-lA comme étant presque plus importante : il faut comprendre comment ce que l'on est en train d'écrire risque d'être lu.
Cela veut dire que dans l'atelier d'écriture le travail
important, c'est ce travail de projection, de compréhension, de
ce qui peut se passer entre un lecteur et l'écrit que l'on est
en train de produire. Je n'ai jamais été choqué
par les procédures de réécriture. Au contraire, je
pense même que la réécriture, correctement
conduite, avec des objectifs, des évaluations, etc. est
peut-être le plus intéressant de l'atelier. Il ne faut pas
leurrer les candidats À l'écriture sur leurs
compétences «spontanées» et en même
temps il ne faut pas les prendre pour des pommes. Faisons toujours
apparaître prioritairement que, dans l'acte d'écrire, il
existe le fait que ce sera lu. Ce qui est extrêmement difficile
À faire admettre À des enseignants qui ont l'habitude que
l'on écrive pour eux, ou pour rien, ou pour satisfaire À
des contrôles de connaissance.
On ne se souvient pas vraiment d'avoir vu des livres changer le monde,
récemment. Mais en même temps comment ne peut-on pas avoir
cet objectif ?
5. Que dire À des médiateurs ?
Ce qui, À travers mes pratiques actuelles, me semble
le plus urgent vis À vis des médiateurs c'est davantage
de développer des ateliers de lecture que des ateliers
d'écriture. Prenons le genre que je connais le mieux : les
albums. La plupart des médiateurs, parmi ceux qui sont de bonne
volonté, ont tendance À croire que les livres pour la
jeunesse tombent dans l'univers culturel comme s'ils tombaient du ciel.
Or, À l'évidence, les textes et les images ont
été préparés dans la tête du lecteur
par des textes et des images déjA vus :
l'intertextualité, l'intericonicité, ce sont des choses
parfois connues théoriquement mais peu appliquées
À un objet aussi simple et aussi banal qu'un album. Il me semble
important de montrer ce qui fait œuvre, comment trois titres d'un
même auteur peuvent être examinés dans leur
continuité et comment cela est traversé par d'autres
champs que des champs strictement littéraires.
D'autre part, il me semble important de prendre un livre et d'en faire
une analyse poussée au niveau des codes esthétiques, des
codes pédagogiques, stylistiques, du type d'ancrage dans
l'histoire de la littérature. Pour
moi, l'atelier lecture ce serait de montrer qu'il se joue lA,
dans le bain de quelques livres, quelque chose de nodal au niveau
culturel.
Un atelier d'écriture devrait se préoccuper plus de
lecture que d'écriture par ce qu'on écrit pour devenir un
meilleur lecteur. Par rapport au médiateur il y a une phrase de
René Char que j'aime bien : " Quand on a mission
d'éveiller, on commence par faire sa toilette dans la
rivière. Le premier enchantement comme le premier saisissement
sont pour soi. "
La participation de l'éditeur aux villes-lecture
AFL : Dans un quartier lecture on imagine qu'un plus
grand nombre d'acteurs serait capable de participer À de la
production d'écrits par rapport À des enjeux de vie
quotidienne. L'idée est l'intensification de textes d'analyse du
réel dans une distance entre le récepteur et le
producteur. Les gens qui seraient concernés par ça
seraient évidemment confrontés aux lois de la production,
de la mise en page, de l'effet du texte sur le destinataire et
évidemment ça nécessiterait qu'une chaîne
globale de la production des écrits soit présente. Quelle
pourrait être la position d'un éditeur lA-dedans.
On ne l'a jamais évoqué ?
CB : L'éditeur dont vous parlez n'existe
pas. L'éditeur a presque tout le temps l'élégance
suspecte de s'effacer, comme s'il n'était pas partie prenante.
Souvent l'éditeur fait comme s'il n'était qu'un marchand.
Que fait un éditeur ? Il reçoit une partie de sa
production par la poste. Il y a des textes qui viennent par des
réseaux de recommandations, d'amitié... Et il y a des
textes qui sont commandés. L'éditeur se méfiera
comme de la peste d'un livre qui se situant hors collection risquera de
gêner sa pratique éditoriale et l'image qu'il en aura
répandue. Il se méfiera de ce qui n'entre pas dans les
lois habituelles de compétition et de rentabilité. Il
est certain que les pesanteurs du système
production/diffusion/distribution conduisent le milieu À
s'auto-protéger, À s'auto-reproduire et par
lA-même À reproduire l'ordre des choses. Il
faut pourtant que l'éditeur se préoccupe du fait que les
écrits qui manquent voient le jour. Les circuits-courts sont une
chose intéressante pour deux raisons :
- pour réduire la distance entre le producteur et l'objet culturel.
- les nouvelles techniques permettent de réduire des
coûts, de faire circuler les écrits de façon plus
rapide, plus efficace. Du même mouvement, s'inventent les
écrits qui manquent et les techniques de production et de
diffusion.
Il faut aménager les conditions de la diffusion comme on
aménage les conditions de la production et je crois que c'est
une des dignités de l'artiste que de se préoccuper de la
circulation des œuvres.
AFL : Un projet de monographies est actuellement en
cours À Bobigny qui essaie de produire des livres qui n'existent
pas et qui travaillent la présence de 25 nationalités
présentes dans l'école. L'idée est de faire venir,
dans la BCD, des livres qui parleraient aux enfants de l'histoire de
leurs parents, du lieu d'où ils viennent, en mettant À
plat et côte À côte des textes divers À
l'intérieur d'un même livre. L'intervention d'un
écrivain pour transformer la parole en texte nous semble
indispensable.
CB : Est-ce qu'il s'agit de transcrire de l'oral ?
AFL : Non. Le 1er problème c'est d'arriver
À produire ce travail avec le collège. Le 2ème
problème est la résistance de l'auteur À une
écriture d'accompagnement qui ne soit pas sa production
personnelle.
CB : C'est une idéologie commune chez les écrivains de croire que l'écriture est un don qui ne s'apprend pas.
AFL : Le 3ème problème est : comment ces textes peuvent-ils devenir des livres ?
CB : Dès lors que vous pensez que la voie royale
est la chose imprimée, cette décision doit être
liée À une autre décision de type théorique
et pratique : par quelle médiation y aura-t-il de vrais lecteurs
de ces vrais textes ? Si j'étais le Comorrien en question, je
serais davantage dans la complicité de ce qui se fait si je
voyais le processus, À son terme, fantasmé. À
partir du moment où on veut aller au bout de la démarche
il faut se demander comment cette démarche - parce qu'on la
croit légitime - peut être viable par des pratiques
homéopathiques et de transgression. Qu'est-ce qui fait qu'un
individu voudra s'approprier une production imprimée dont il
n'imaginait pas qu'il avait besoin sans que ce soit du messianisme ?
AFL : Est ce parce qu'on est convaincu de ne pas
produire quelque chose qui peut être accepté
universellement qu'on le contourne en mettant en place des circuits
privés de diffusion ?
CB : Il y a cela en un arrière-fond. C'est un
petit peu pour la même raison qu'on ne publie plus, et c'est
heureux, des livres faits avec des dessins d'enfants. Il y a une
rupture de type qualitatif qui est liée À des exigences
de marché mais aussi À des habitus qu'il faut
connaître. Si on passe outre, il faut trouver une forme qui
crée un habitus nouveau, différent, qui fait sens et qui
va se trouver copié, perverti, le champ s'élargissant
comme une tâche d'huile...
Quel type de mécanique doit-on mettre en route pour qu'il y ait
une attente sur ces textes qui soient suffisamment forte pour qu'une partie du tissu social se mobilise en avant de ces textes pour les générer
? C'est dans cette force de l'attente que ça se joue. Elle peut
venir du caractère inouï de la chose. C'est dans ce
caractère jamais vu, jamais lu, indispensable et novateur qu'est
l'intérêt de la chose. Pour être plus précis,
l'éditeur que je suis n'est pas en capacité de financer
quoi que ce soit, quoique... Un éditeur est sous contrat avec un
distributeur diffuseur, ce contrat est un contrat d'exclusivité
c'est-À-dire que toute production qui porte la marque de
l'éditeur va se retrouver nécessairement entré
dans la machine décrite plus haut comme lourde et
inadaptée. L'éditeur doit faire prendre en
considération par le tissu social demandeur ses
compétences professionnelles. Pas sous l'angle de sa pratique
quotidienne mais sous l'angle d'une pratique qui doit elle-même
être révolutionnée. Tout l'enjeu est dans la force
de l'attente. On a pris l'habitude de faire en sorte que ce soit l'offre qui crée la demande.
Pour une fois il faudrait se préoccuper de la demande. Je crois
que c'est une démarche saine de fantasmer cette demande, de la
faire naître.
Les nouvelles techniques, telles qu'elles se profilent, Internet par
exemple, sont autant de vraies mises en position. Il est possible
d'équiper des lieux avec des coûts inférieurs
À l'investissement et À la lourdeur de circulation de
choses imprimées, de créer un journal y compris sur un
petit secteur. Avec cette possibilité permanente d'ouvrir un
vrai site avec de vraies mises en question des enjeux, des
débats Cette dimension forum, mise en commun... est jouable.
C'est comme ça que le filet peut se tendre sur les attentes. À