La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°61  mars 1998

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note de lecture

Pédagogie du français au collège
Un enjeu : le décloisonnement
Élisabeth Picard-Schneider
CRDP Rouen, 1997


La méthode exposée dans cet ouvrage s'appuie sur un constat négatif : l'organisation de la classe fait que le cours de Français apparaît aux élèves éclaté en différentes matières, ce qui explique leurs difficultés à réinvestir les apprentissages de base dans leurs activités de lecture et d'écriture.

Le décloisonnement bien conduit devrait permettre de donner une compétence globale de la langue en faisant prendre conscience aux élèves que les différents apprentissages s'imbriquent réellement les uns dans les autres. Mais décloisonnement rime souvent avec errements voire égarement, aussi est-il important d' ouvrir des pistes de réflexion sur une manière rigoureuse de construire des séquences décloisonnées. Professeur de Français en collège, animatrice de stages M.A.F.P.E.N, l'auteur "a expérimenté des outils d'évaluation et des méthodes visant à différencier les approches pour répondre aux besoins spécifiques des élèves".

D'abord, mettre entre leurs mains des outils, sur lesquels appuyer l'individualisation des apprentissages : essentiellement des fiches, fiche récapitulative d'évaluation établie à partir d'une typologie des erreurs récurrentes, qui permettra à chacun de rester attentif à ses progrès en orthographe, fiche d'auto-correction des devoirs écrits qui permettra d'orienter les exercices complémentaires, fiches de synthèse de lecture, d'acquisitions lexicales et grammaticales. La fiche semble être l'outil incontournable de la méthode et on se prend à espérer devant une telle abondance de fichage que les élèves ont été initiés au classement du fichier. Il est vrai que le classeur est présenté comme l'outil premier et qu'il existe même des fiches d'utilisation des fiches. Ce dispositif méthodologique, nous semble bien lourd. Et devant la teneur de certaines fiches grammaticales, on reste perplexe sur le temps passé à lister des notions par ailleurs présentées dans les manuels.

À la présentation des outils succède celle de séquences décloisonnées consacrées respectivement à la lecture d'oeuvres complètes, la pédagogie de projet et écriture longue, la presse écrite et l'argumentation au collège. Chacune de ces séquences est conduite rigoureusement affichant clairement ses objectifs et présentant un déroulement détaillé, sans jamais perdre de vue le programme. Chacune peut être reproduite telle quelle... Les activités d'écriture se situent dans le cadre d'un projet collectif d'écriture d'une nouvelle ou d'articles pour le journal du collège et le supplément d'un quotidien régional, avec le souci de prendre en compte un vrai destinataire . Les élèves y sont sollicités à réinvestir leurs apprentissages et invités à théoriser leurs pratiques. Ainsi la séquence lecture propose une séance réflexive inspirée du livre d'Y. Chenouf Des enfants, des écrits, la vie . D'ailleurs on note aussi une référence aux travaux de Foucambert et au logiciel ELMO dont on ne comprend toutefois pas bien à quoi il sert puisqu'il semble que, contrairement à un correcteur orthographique du nom de Hugo Plus, les élèves n'en font pas usage. De la même façon, si l'on voit bien que au cours de la séance de réécriture, les élèves peuvent saisir leurs brouillons sur ordinateur et les retravailler en groupe, on ne sait trop quelle fonction est attribuée au travail de réécriture. Il semble que le temps qui lui est consacré soit bien court, quant à l'écriture collective, nous nous permettons de douter qu'elle s'organise aussi simplement et soit si rapidement efficace sauf dans le cas où elle se définit plus comme support aux apprentissages programmés que comme activité réflexive. Resterait à savoir ce que les élèves échangent au cours des séances de réécriture quand ils comparent leurs productions.

Ce qui nous intéresse dans cette présentation, c'est qu'elle met en évidence à quel point il est fondamental d'entraîner les élèves à élaborer des stratégies d'apprentissage réinvestissables dans leurs différentes activités, à tous les niveaux du collège. Mais le dispositif est lourd, d'ailleurs l'auteur le note elle-même en conclusion de son livre, tout en ajoutant qu'il permet de faire gagner du temps aux enseignants comme aux élèves. Je n'ai pas très bien compris, mais j'ai toujours eu du mal avec le temps, sur quoi était gagné ce temps et ce que l'on avait fait du temps ainsi dégagé. Il est par ailleurs fortement modélisé, et n'échappe pas aux inconvénients du genre, à savoir d'être tellement verrouillé qu'on ne voit pas bien ce que l'on peut faire d'autre qu'y grappiller par-ci par-là des recettes et des trucs.
Arlette Leroy