La revue de l'AFL
Les
actes de lecture n°62
juin 1998
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Les écoles expérimentales ont 20 ans.
Un pari hier, un enjeu aujourd'hui.
Leurs contributions A la promotion collective.
L'ouverture de l'école, l'équipe élargie.
Hypothèses et réalisations
Le partage de l'acte éducatif a été choisi pour trois raisons :
tenir compte de la vie de l'enfant A l'école, dans la
famille et le quartier dans le souci de ne pas morceler son
éducation sans pour autant verrouiller les attitudes autour d'un
modèle éducatif unique,
- améliorer, par la réflexion pédagogique, la
formation des parents que leur passé n'a pas toujours
préparés A exercer leur rôle de formateur,
- alimenter une réflexion collective sur la fonction de
l'école pour qu'elle devienne un lieu de promotion collective.
Afin de questionner le système avec le maximum d'approches,
d'entendre les arguments et demandes de populations
généralement exclues, les équipes se sont ouvertes
A d'autres professionnels (animateurs, bibliothécaires,
parents, médecins…) : « la
rencontre avec des situations nouvelles, des milieux nouveaux, des
mœurs nouvelles, des univers sociaux différents et
propices A la prise de conscience par les agents du
caractère arbitraire du système de croyances et de
mœurs dont ils avaient jusque-lA la maîtrise
pratique. » (1)
Dans les écoles expérimentales l'architecture, A
quelques détails près, a constitué une fantastique
ouverture pour l'école : décloisonnement des classes et
des locaux, liaisons facilitées entre les diverses
structures…
Mais cette ouverture physique ne fut pas que symbolique pour les
enseignants décidés A prendre A bras le
corps (et en équipe !) l'ouverture pédagogique du
système éducatif. L'école ouverte devait accepter
d'abandonner ses prérogatives institutionnelles sur
l'éducation des enfants. Les parents qui, avant même que
n'existent les comités de parents, sont venus aider aux
activités décloisonnées, ont gardé
l'habitude d'être accueillis, consultés, entendus. Des
intervenants divers (du personnel de réadaptation en passant par
les moniteurs de sport, de musique, animateurs du centre de loisirs,
professionnels ou bénévoles du soutien…) ont
adopté les concertations pour améliorer les interventions
éducatives. Les enseignants, plutôt « Freinet
», ont tissé des collaborations solides avec
l'environnement : du comité des fêtes, en passant par des
jardiniers du parc sans oublier les équipements culturels
(théâtre, médiathèque…), la vie du
quartier est devenue une donnée éducative
irréversible. Des classes transplantées
auto-gérées complètent ce tableau historique et
toujours d'actualité. L'école capitalise ces apports :
une richesse culturelle et sociale qui s'offre au développement
des enfants. Et surtout, elle prend en compte l'environnement sous
toutes ses formes quelles que soient les catégories sociales.
Les enfants participent A la vie de ce milieu ouvert (lettres,
affiches, journaux de quartier, conseils
d'élèves…) faisant valoir leur point de vue, ayant
barre sur les transformations nécessaires et, opérant,
par cette implication, des apprentissages.
Limites
Des enfants en activité hors l'école, des intervenants en
action dans l'école, l'ensemble ne manqua pas d'engendrer de
l'hostilité de la part de l'institution et du large monde des
« traditionnalistes ». Les enseignants de ces écoles
furent vite considérés comme de joyeux irresponsables
faisant divaguer les élèves dans l'espace urbain. Si la
sécurité était mise en avant, les écoles
expérimentales se sont heurtées, avant tout, A des
conflits de pouvoir ou de définition des missions de
l'école (qui décide en dernier lieu de l'organisation de
l'école ?), A des ouvertures impossibles (l'école
attire « spontanément » les parents des classes
sociales supérieures, les autres ayant du mal A exprimer
leur malaise, pris dans le piège de devoir se conformer aux
choix sans moyens de les discuter ou même de les refuser :
« les
agents vivent ces choix comme l'expression même de leur
volonté personnelle et ils n'ont absolument pas conscience que
tout choix est en même temps une censure, un refoulement, la
négation de toutes les autres possibilités. »
(1) « A l'ignorer, on risque, en ne créant pas une
modification des conditions d'évolution du projet
éducatif, de limiter l'innovation A la zone du jeu
tolérable entre les éléments d'un système
et qui ne les modifie pas. » (2), A
des doutes sur la capacité des enseignants A garantir les
acquisitions scolaires prévues au programme. Pourtant rarement
équipe éducative n'a pensé aussi collectivement
les évaluations, n'a mis autant de moyens en place pour
rencontrer les parents individuellement sur les résultats de
leurs enfants.
Quant aux professionnels extérieurs au monde de
l'éducation nationale, qu'ils n'espèrent pas pouvoir
diriger quoi que ce soit car seul le maître est
compétent… Que le cuisinier du centre de nature n'imagine
pas pouvoir apprendre quelque chose aux enfants en les associant
A la préparation d'un gâteau car il n'a pas de
rôle éducatif A avoir !
Questions
Nombreuses sont les questions posées A l'ouverture de
l'école. Quel rôle attribuer aux familles ? Doivent-elles
absolument pénétrer l'espace scolaire pour agir sur
l'investissement de leurs enfants dans les apprentissages ? A force de
refuser des séparations nettes entre monde scolaire et monde
social ne risque-t-on pas de troubler les représentations :
quels savoirs ? comment les acquérir ? pourquoi ? Et enfin, n'y
a-t-il pas péril pour les enfants de milieux populaires de
perdre pied dans un monde aux références
brouillées ?
notes
(1) ACCARDO A., Initiation A la sociologie, L'illusionisme social, Le Mascaret, 1986
(2) FOUCAMBERT J., « L'élargissement de l'équipe éducative » INRP, 1975, document interne.