La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°62  juin 1998

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Les écoles expérimentales ont 20 ans.
Un pari hier, un enjeu aujourd'hui.
Leurs contributions A la promotion collective.
Individualisation
L'enseignement est une aide A un apprentissage qui se développe


Hypothèses :

Affirmer l'individualisation c'est se fixer pour but que chaque enfant suive un parcours personnel tout au long de son cursus scolaire, que son rythme d'acquisition soit respecté. Pour cela, l'organisation générale de l'établissement répond A l'axiome : « L'enseignement est une aide A un apprentissage qui se développe » et constitue une aide A l'existence d'une pédagogie individualisée.
Ainsi avant d'avoir une « leçon » en quelque domaine que ce soit, l'enfant est d'abord confronté A des situations de vie, situations problèmes, situations d'apprentissage. Les activités lors de celles-ci seront observées, quantifiées, qualifiées. Dès lors, en fonction de ce que sait l'enfant ou de ce qu'il ne sait pas et des notions programmées par les maîtres selon un échéancier de 6 semaines, il sera convoqué en leçon.

La diversification des parcours d'enseignement
Trois types de leçon existent :
- la leçon d'entraînement pour ceux qui auront abordé fautivement la notion A l'ordre du jour, ceci afin de réussir par la suite,
- la leçon de théorisation pour ceux qui ont abordé correctement la notion ; elle a pour but de leur faire acquérir une attitude réflexive (attitude « méta ») et leur permettre momentanément de dominer leur apprentissage et d'apporter une aide aux autres.,
- la leçon de découverte pour ceux qui n'ont jamais abordé la notion et doivent culturellement (âge, programme) la rencontrer.
Trois circuits d'acquisition sont donc possibles pour les enfants : le premier est le plus long (découverte, entraînement, théorisation) , le deuxième réduit A deux temps (entraînement, théorisation) et le troisième se limitant A la leçon de théorisation. La constitution et la fluctuation des groupes sous-jacentes A ce choix pédagogique sont illustrées ici par l'exemple de l'entraînement lecture au cycle 2 :

Un cycle 2 pour exemple…
Sur un cycle 2, il existera 4 A 6 groupes fluctuants, déterminés par l'observation du maître lors de ses séquences (enfants prenant souvent la parole ou non, possédant des stratégies d'exploration ou non, ayant pris conscience de celles-ci ou non, ayant ou non mémorisé un corpus, …) Des tests pratiqués toutes les 6 semaines confirmeront ou infirmeront la composition des groupes et permettront de les faire fluctuer selon la dominante de la séquence.

Chacun de ces groupes est ainsi composé :
A : enfants du cycle 1 (GS) ayant développé des comportements de lecteur en situation fonctionnelle et ne possédant qu'un corpus écrit restreint.
B : enfants ayant mémorisé un corpus supérieur A celui de la première année du cycle des apprentissages et ayant des difficultés dans la maîtrise d'une stratégie exploratoire du texte.
C : Le corpus de première année est acquis sémantiquement et syntaxiquement ; il s'agit de le compléter, de l'étendre et de développer plus particulièrement l'anticipation et l'empan de lecture.
D : Le corpus de deuxième année est acquis. L'entraînement portera sur l'accroissement des compétences techniques, la mise en place d'un système de sériations aléatoires des graphèmes et des phonèmes s'effectue, le recours momentané au « déchiffrement-anticipation » apparaît.
E : Le corpus de troisième année est pour ainsi dire acquis. Il s'agit de développer l'efficacité des différents types de lecture en fonction des écrits rencontrés, donc de varier ceux-ci, d'accroître la rapidité en lecture et corrélativement l'efficacité de cette dernière.
Ces groupes varieront sans cesse au vu de l'évolution de l'efficacité en lecture de leurs membres et des résultats aux tests. Les maîtres pourront par ailleurs se spécialiser dans l'entraînement de tel ou tel groupe.

Limites

L'organisation et les outils qui sont réunis ici depuis 20 ans sont clairement mis au service d'une efficacité des résultats des enfants. Bordé, en amont et en aval, par l'évaluation des savoirs, la connaissance des procédures d'apprentissage et celle du point d'avancement de l'élève dans son parcours, le travail des maîtres et des enfants s'orchestre dans une grande maîtrise collective et en toute sérénité. Mais le rôle du projet - au sens de projet de production ayant une valeur d'échange et prise dans un tissu de relations sociales complexes - dans cet ensemble interroge les équipes. Et si dans ces conditions, le projet n'était qu'un moyen stratégique pour les enseignants de « voir les savoirs scolaires A l'œuvre » pour les quantifier, les qualifier et les évaluer en vue de leur entraînement. Autrement dit, ce qui préoccupe ici c'est de ne pas aller vers un perfectionnement des situations de systématisation des savoirs scolaires mais de conduire l'individualisation des parcours en prenant en compte les situations sociales - et individuellement vécues - dans lesquelles les enfants ont convoqué et mobilisé des savoirs.

Questions

L'école se donne pour raison sociale d'aider les individus A acquérir des savoirs ; elle ne peut pour cela penser travailler sur la décontextualisation des savoirs que si elle s'assure que les savoirs ont préalablement été contextualisés. La pédagogie de projet est une des conditions de cette activité et impose qu'on revienne sur l'articulation entre technique et projet.

André Virengue
École Jacques Prévert - Villeneuve d'Ascq