La revue de l'AFL
Les
actes de lecture n°63
septembre 1998
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"Qu'est-ce que lire au cycle 1 ?"
ou "Langages en formation"
La reproduction... élargie
A deux ans, l'apprentissage de la lecture continue ...
... écrivait Jean Foucambert en 1976 et, ce qui pouvait passer
pour de la provocation affirmait le caractère global de
l'apprentissage (on ne pré-apprend pas, on apprend) : « L'apprentissage
de la lecture est un processus dont l'origine est indépendante
de l'enseignement et qui se poursuivra lorsque l'enseignement aura
cessé. Il ne dépend pas de l'enseignement que
l'apprentissage existe ou non, l'enseignement peut simplement faire
qu'il existe dans de bonnes conditions. La question ne se pose pas de
savoir s'il vaudrait mieux attendre pour commencer un apprentissage
(…) La question qui se pose est de savoir si l'enfant lui, a
commencé son apprentissage de la lecture, si l'enfant a
vécu et vit des situations sociales dans lesquelles la lecture
est intégrée. » (1)
I. Le cycle 1 : quand saisi par les intuitions, on s'en saisit.
Apprendre et enseigner
En posant l'enseignement comme un soutien aux apprentissages,
Jean Foucambert donne priorité A l'action d'un sujet dans
son environnement, affirme l'importance d'aides
institutionnalisées pour interroger des processus socialement
construits, fondamentalement hétérogènes,
nécessairement singuliers, non exclusivement liés
A l'action scolaire même si celle-ci est
déterminante pour révéler, consolider, multiplier
les raisons de lire, faire découvrir et entraîner les
techniques liées aux projets et aux supports de lecture qui ne
trouveront jamais autant qu'A l'école les moyens de leur
déploiement, de leur comparaison, de leur élection :
« Une pédagogie de l'apprentissage de la lecture
A l'école maternelle s'oppose A tout enseignement
précoce ; elle réintroduit la lecture d'une
manière fonctionnelle dans les projets des enfants et s'assure
que chacun vit ces situations dans les meilleures conditions. A
cinq ans, tous les enfants sont ainsi mieux assurés dans leur
conquête des raisons de continuer d'apprendre ; ce qui
était jusqu'ici le plus grand facteur d'inégalités. » (2)
En reconnaissant l'existence d'une continuité
l'auteur pense que l'école doit en favoriser le
développement et s'organiser autour de cycles non fractionnables
de trois ans afin de réduire « les possibilités de bifurcation (redoublement, orientation vers des classes spéciales…) » et d' « absorber,
pour un même enfant, les effets de l'hétérochronie
de ses apprentissages qui s 'exprime par une avance inégale et
par des changements de rythme liés A son histoire
même. » (3)
En faisant de l'école le lieu de réorganisation
de ce qui a été commencé avant elle et se poursuit
autour d'elle, il refuse que la scolarisation soit synonyme de rupture,
passage irréversible de l'état d'enfant A celui
d'élève, autre manière d'acquérir des
savoirs, radicalement nouvelle pour les uns, relativement pour les
autres. Car, si A l'école, tous les enfants apprennent
autrement, ce mot n'a pas, pour tous, le même sens. Le cycle 1,
A nos yeux, a mieux A être qu'un lieu de retenue du
temps où les effets normalisateurs de la scolarisation seraient
différés. De sa place inaugurale A lui
d'interroger, en le pré-voyant, le sort d'une formation au long
cours.
Deux questions peuvent servir de point de départ :
- quelles sont les caractéristiques d'un enseignement collectif
qui ne dévalue ni ne nie les apprentissages individuellement et
socialement construits mais invente, A leur base, une
expérience intellectuelle commune que chacun exploitera
librement ?
- comment respecter les manières individuelles d'apprendre, les
densifier, en sachant qu'elles reposent sur des expériences
sociales inégalitaires ?
Sous le projet, le politique
Premier lieu organisé de formation, quelle image le cycle 1
va-t-il donner de l'école ? Va-t-il en faire un lieu de
séparation entre les savoirs ordinaires et les savoirs savants,
substituant les derniers aux premiers ? Va-t-il s'arroger
l'exclusivité des savoirs légitimes en prenant
brutalement le relais de la famille pour certains enfants, en
établissant de simples transitions pour d'autres ou en faisant
interagir, pour tous, les manières d'apprendre, sociales et
scolaires ? Peut-il prendre le risque d'invalider les
expériences ordinaires, les distinguer, les ignorer, postulant
que les savoirs, absolus, s'établissent et évoluent sous
la responsabilité de quelques-uns (les scientifiques) et qu'il
suffit A tous (élèves, professionnels, citoyens)
de se rendre disponibles pour les acquérir dans un même
lieu, distinct du lieu de vie et de production : le lieu de formation ?
Au cycle 1 a-t-on conscience d'institutionnaliser une formation sur une
population hétérogène aux représentations
multiples et contradictoires ? L'école peut-elle faire
l'économie d'une réflexion sur ce qui nécessite
socialement des savoirs pour des groupes sociaux aux
intérêts antagonistes ? Qu'est-ce que signifie apprendre
pour des enfants qui se sont déjA engagés dans ce
processus mais dans des circonstances sociales atypiques par rapport
aux situations scolaires proposées ?
Dans ce dossier « cycle 1 », nous
faisons le point sur la manière qu'un mouvement
pédagogique comme le nôtre, associé A un
institut de recherche (l'INRP) travaille la question de l'école.
Nos analyses, nos propositions n'envisagent pas la formation des jeunes
sans combattre la domination économique qui obtient et obtiendra
leur accord, comme elle obtient l'accord majoritaire des
dominés, pour imposer ses règles. En tant que
professionnels, notre tâche est de « former des êtres
aptes A se forger des aptitudes » (A
étudier, A produire, A aimer, A
exister...). On ne transmet pas des savoirs comme on transmet des biens
matériels ou des informations, on intègre aux formes de
vie existantes de nouvelles nécessités d'apprendre parce
que le collectif, en s'élargissant, fait se lever autrement
l'horizon ; on théorise les stratégies autonomes et
spontanées d'un groupe-classe pour les formaliser et interroger
l'hétérogénéité des manières
de penser, de produire et d'échanger. On ne dispense pas des
techniques mais on s'autorise A penser les savoir-faire vivant
dans chaque groupe d'appartenance, on compare, on comprend, on
apprécie des logiques de vie parce que c'est lA, parmi
les composantes sociales, qu'on travaillera A faire
évoluer les savoirs. Il n'est pas question de faire
accéder A des parties d'un tout jamais
complètement intégrable mais de conceptualiser les
questions sur lesquelles on doit disposer d'informations et se les
approprier, en sachant pourquoi, et s'entraîner A les
faire fonctionner, en sachant comment. Et trouver du plaisir A
penser le progrès, proche et lointain, A portée
d'hommes et trouver du plaisir A revenir sur les cheminements
intellectuels d'autrefois qui cherchaient, déjA pour
nous, les chemins de la liberté. C'est pourquoi nous sortons de
la classe, pour élaborer, avec d'autres, parents,
professionnels, élus, citoyens, et surtout avec nos
élèves, dès leur entrée A l'école,
des outils individuels et collectifs d'émancipation. La
formation est un projet politique. Les sujets ne seront pas
broyés.
Toute action de formation est idéologique même lorsqu'elle
place, au centre d'un système scolaire apparemment impartial, un
enfant mythique. En grandissant, les enfants n'évitent pas le
monde environnant : le développement de leur personnalité
est en prise directe avec l'ensemble des rapports sociaux, est pris
dans ces rapports. Mais « l'histoire sociale des hommes n'est jamais que l'histoire de leur développement individuel »
écrivait Marx. L'école fait partie des structures
objectives qui doivent créer les conditions des
développements subjectifs, la formation d'êtres libres
dans une communauté solidaire. L'accord, lA-dessus, ne
fait pas de doute. Pourtant, A l'entrée A
l'école, au seuil de la maternelle, un trouble s'installe qui
n'est pas uniformément analysé. Quelle va être la
fonction de ce lieu dans des processus d'apprentissage individuellement
et diversement engagés ? Sanctuaire paisible pour transmettre
honnêtement les savoirs d'une société
inégalitaire qui sévit A l'extérieur de
l'enceinte A la neutralité centenaire ? Lieu de
réconciliation quand chaque enfant porte en lui les traces des
faveurs ou des défaveurs sociales ?
Dès le cycle 1, les enseignants sentent
plus ou moins intuitivement la violence dont ils sont porteurs.
Violence symbolique de l'institution qu'ils font fonctionner. Grande
alors est la tentation de repousser les limites de l'imposition
culturelle. Urgente, pourtant, est la nécessité de
travailler cette intuition avec ceux qu'elle concerne.
Les articles qui suivent témoignent de tentatives
pédagogiques ambitieuses pour tous les enfants ; jamais pourtant
elles ne s'écartent de la réalité sociale : elles
gardent l'objectif de la transformer ; jamais l'enfant, en tant que
sujet qui apprend en s'appropriant la complexité de cette
réalité, ne disparaît derrière
l'élève : son développement individuel, insoumis
et créatif, est A l'image de la société
dans laquelle nous aimerions que les hommes vivent, que tous les hommes
vivent. Les remarques qui suivent vont donc essayer de montrer sur
quelles bases repose la volonté de former les enfants au coeur
de la cité, d'une cité qui ne peut former ses jeunes que
parce qu'elle les associe A ses propres transformations.
Au fil de la réflexion, des albums issus du fonds de
littérature jeunesse seront évoqués comme des
miroirs ou des supports idéologiques qui composent notre
patrimoine culturel et assistent notre dispositif éducatif. Car,
dans les récits, ces « mélangeurs de mondes
», nous véhiculons sûrement plus fortement qu'avec
des techniques, du sens, des valeurs, des opinions. Les livres sont
bons quand ils accompagnent les projets, quand ils privilégient
des formes formantes, quand ils balisent autrement le champ des
possibles.
II. Au cycle 1, lire autrement les faits, lier autrement les gens
Familles/école : des liens indéniables
La confrontation de l'enfant avec l'univers scolaire est souvent
présentée comme une épreuve au sens initiatique du
terme : « L'entrée
dans l'école est un épisode décisif dans
l'histoire de la constitution du sujet. Il y est séparé
de sa mère et interpelé, pour la première fois,
par son nom de famille et non plus par son seul prénom.
L'apprentissage et l'imposition de la loi se jouaient pour l'enfant au
foyer dans les stratégies du désir et des affects : il
est maintenant plongé dans un univers de règles
impersonnelles, qui valent pour lui comme elles valent pour d'autres.
Il s'assurait une présence parentale toujours d'avance acquise,
le voilA confronté A un monde élargi
où les relations interpersonnelles sont A établir,
appelant de sa part l'invention de conduites adéquates. » (4)
Nombreux sont les albums qui font de cette rupture la base de
l'intégration sociale. Claude Ponti, en tant
qu'auteur/illustrateur, interroge les pistes qui mènent A
la conquête de soi quand l'univers intérieur est envahi
par les autres.
Au sommet de son arbre, au centre des siens,
Hippollène vit dans un monde indifférencié et sa
vie fait corps avec ce (ceux) qui l'entoure(nt) dans l'apport
d'affection et de nourriture, le partage du temps et des jeux. (5)
« C'est plus simple au début, on est dans ce continent
sans vraies limites - et ce continent c'est vous, soi-même.
» (6) Et puis, dans la plénitude,
advient la rupture, la mort de l'aïeule, l'atteinte
générationnelle et la pause du deuil : chacun se
repositionne, poursuivant autrement la lignée amputée,
continuant autrement l'histoire familiale, s'inventant autre en portant
autrement le nom des siens : « Le nom peut devenir autre, il
devient toujours propre : Hippollène pense A son nouveau nom Hippollène la découvreuse. » (7)
Grandir consisterait ainsi A sauter par-dessus les
clôtures des sphères intimes, volontairement comme
Petit-Bleu glissant de l'intérieur familial vers
l'extérieur social (8),
de l'intériorité vers l'extériorité, comme
Max transformant sa chambre, décor de son enfermement, en
paysage aux sinueuses approches de soi (9), ou
involontairement comme tous ces héros mythiques jetés
dans les forêts du monde, blanches neiges et petits poucets ou
encore comme ce chien expulsé par la portière d'une
voiture sur la route des vacances et flairant son chemin (10)
; ou enfin, les deux A la fois, quand on fuit A force
d'être exclu, comme le célèbre diable des rochers,
sans pouvoir jamais désespérer ni de l'autre ni de soi. (11)
L'école fait de la rupture avec la famille
le socle fondateur d'une identité nouvelle quand elle transforme
le sujet affectif et social en sujet cognitif et culturel tenant
A l'enfant qui arrive un discours ambivalent : A lui
d'abandonner une position égocentrique et de s'adapter aux
règles de la vie collective, A lui d'intérioriser
des règles personnelles et d'obtenir des résultats.
Comment les familles, même quand elles sont des alliées
objectives, ne représenteraient-elles pas une menace dans cette
double entreprise de désimplication et d'engagement ? Trop
laxistes, trop fusionnelles, trop silencieuses, trop exigeantes elles
sont évidemment de trop. Grande est la tentation de garder la
maîtrise des formes de leur participation A la vie
scolaire. C'est compter sans le sens profondément social de
l'école qui outrepasse les murs de l'institution rabattant les
parents dans le rôle de partenaires officiels : « D'un
côté les évolutions de la vie urbaine, les
transformations internes de l'institution scolaire, l'allongement de la
scolarité qui la constitue en instance d'initiation A
l'âge adulte, tendent A faire de l'école un lieu
clos séparé de la famille comme du travail productif. En
même temps, la pression des nécessités (« de
nos jours, il faut un diplôme pour s'en tirer ») autant que
la perception de possibles provoquent la mobilisation d'un nombre
croissant de familles populaires : l'école envahit alors la
famille dont la vie quotidienne tend A se structurer
pratiquement sur le travail scolaire, A la bonne marche duquel
est suspendu le devenir de la lignée. La famille s'avoue ainsi
plus dépendante de l'enfant au moment où celui-ci est
A la fois plus séparé d'elle (se voyant
conférer une autonomie et une responsabilité accrue) et
plus dépendante d'elle (de sa capacité A soutenir
l'effort scolaire). » (12)
Parents/enfants des liens indénouables
Ce couple dépendance/séparation existe dans les albums qui font des parents d'inconditionnels alliés de leurs rejetons. Dans Une nuit, un chat (13),
Yvan Pommaux met en scène ce chaton qui s'aventure seul dans la
nuit caressante de la vie. Escapade magnifique, escapade réussie
grâce A la vigilance super discrète de monsieur
père qui, ça et lA, déplace sensiblement
les dangers (bouche ou rat d'égoût...), ne
réduisant en rien la gracile allure du novice.
Les enfants, eux aussi, tiennent bon le fil parental, tiennent A
la filiation même si le lien enchaîne : « L'enfant
de prolétaire, dans ces conditions, ne peut pas ne pas
découvrir assez vite qu'il joue son destin social dans son
expérience scolaire, mais cette découverte s'opère
sous l'efficace de tensions et d'attentes contradictoires. Tension dans
ses rapports A une institution tout entière
organisée autour de sa fonction de sélection, qui le
responsabilise comme sujet libre au moment où elle l'assigne
A l'échec par son origine sociale. Tension dans ses
rapports A ses parents. Répondre A leur demande,
c'est valider et investir une culture qui dévalorise et
contredit la langue maternelle, c'est « cracher dans la soupe
» : c'est jouer l'école contre l'univers parental, contre
une partie essentielle de soi-même donc. » (14)
École/société des liens indésirables ?
Différences pour
différences, les albums préfèrent celles qui
caractérisent les individus plutôt que leur classe
sociale. C'est ainsi qu'Elmer (15) a ouvert, de
manière œcuménique, la voie de l'acceptation de soi
quel que soit ce soi parmi les autres tout A fait autres. Longue
est sa descendance et la lignée de ceux qui acceptent leur sort
comme une simple différence est loin de s'éteindre. Les fonctionnements psychiques
garantissent le fonctionnement social quand chacun, mettant au service
de tous ses qualités, pourra, s'il est le meilleur, le plus
conforme au projet national, être sélectionné,
coopté, élu. Elle en rêve trop l'école de ce
filon pour ne pas l'exploiter : convaincre les enfants de milieu
populaire que les savoirs, ceux que le monde produit en produisant de
l'injustice, sont A leur portée : A eux,
séparément formés, de rétablir justice !
Intra-muros, on tient le ferment des beaux jours.
A certaines conditions tout de même et d'abord que
l'homogénéité sociale ne résiste pas
massivement au projet homogène de l'école. Quand par
malheur, c'est le cas, la zone géographique est classée
ZEP pour « contribuer
A corriger l'inégalité sociale par le renforcement
sélectif de l'action éducative dans les zones et les
milieux sociaux où le taux d'échec scolaire est le plus
élevé » (16) C'est
déjA admettre l'intime relation entre l'échec
d'une école et celui de sa société.
Mais comment renforcer l'action éducative ? Quelques 17 ans plus tard, les ZEP ne sont pas au rendez-vous (17)
et les enfants d'ouvriers (ou de chômeurs) auraient davantage de
chances de s'en sortir, scolarisés dans le centre des villes que
dans les périphéries où les effets
d'entraînement disparaissent. Rien n'absorbe plus les produits de
l'inégalité et les pauvres, en masse, défient
(parfois physiquement) l'éducation nationale de faire la preuve
de son efficacité sur des bases sociales qu'elle ignore quand
elle ne les combat pas.
Des malentendus seraient causes du dysfonctionnement. Face A la
concentration de problèmes, individuels et collectifs, le
système se serait déréglé, emballé.
Par excès d'humanisme, il aurait cherché A
réparer l'affront fait aux enfants et A leur famille et,
dans l'espoit d'une réhabilitation, privilégié la
vie communautaire sous ses formes banales. Fêtes,
réunions, valorisation de l'ordinaire avec l'espoir de tirer de
ces savoir-faire communs, de ces quotidiens marginaux, de quoi
atteindre les savoirs légitimes, en faire éclater
l'étanchéité, le pouvoir d'invalidation et
d'exclusion. Le système, en regardant autour de lui, en
spécifiant les enfants des quartiers populaires, en opacifiant
l'enseignement par des suites de projets aux effets scolaires
indécis, aurait dérivé. Ailleurs, les enfants
seraient scolairement conduits, en élèves et sans
états d'âme, vers des mondes universels. Rompre avec sa
condition et sans se retourner c'est ainsi qu'on se forgerait des
outils d'émancipation, ainsi qu'ils s'aiguiseraient.
Des liens solides vers des liens solidaires
On va vite en imaginant que l'école sait rompre avec les milieux
favorisés ; ces milieux-lA « dotent » leurs
enfants de biens symboliques et réalisent l'union avec un
système qui « en
ne donnant pas explicitement ce qu'il exige, (il) exige
uniformément de tous ceux qu'il accueille qu'ils aient ce qu'il
ne donne pas. » (18): Et cette alliance
garantit une telle complicité que certaines familles n'ont pas
besoin d'être présentes A l'école pour
être en phase avec elle comme il n'est pas nécessaire
qu'elles assistent leurs enfants pour qu'ils réussissent :
« même suivis moins régulièrement par
leurs parents, ceux-ci (les enfants de cadres), par une sorte de
naturel de classe, ont un rapport plus facile et plus
intéressé A l'école. » (19)
Quand, par effets d'entraînement, parce que les classes sont
hétérogènes, des enfants de milieu populaire
obtiennent de bons résultats, comment imaginer qu'ils
n'intériorisent pas, en même temps que des savoirs
légitimes, la légitimité d'un fonctionnement
social qui a permis leur réussite tout en continuant d'exclure
des individus, des familles, des quartiers ? Ce qui se fait A
l'école pose question au-delA des ZEP qui, parce qu'elles
résistent et « déçoivent », obligent
A reconsidérer ce que produit socialement la
réussite des enfants de milieu populaire capturés dans
des filets aux mailles toujours trop étroites.
Sans en rabattre sur les exigences, en refusant que l'école
devienne un distributeur de diplômes, comment, grâce
A un dispositif de formation jamais égalé (nombre
des individus rassemblés, durée des parcours,
étroitesse et qualité des liens avec la population),
engager A l'école un travail d'émancipation
individuel et collectif ? Suffit-il, comme au dernier congrès de
l'AGIEM, d'affirmer : « A 2 ans, déjA
élèves ! » sans questionner cette notion
d'élève : destinataire d'un enseignement programmé
ou interlocuteur d'un processus de formation qui remet d'aplomb ou qui
remet en cause le monde familier dans lequel chacun se perpétue
au sortir de l'école ? Que signifie s'approprier les savoirs par
les autres construits ?
III. Au cycle 1, croître dans l'ambition et grandir dans l'estime
Comment se perpétuent les humains ? En se reproduisant ? En s'auto-produisant ? En s'inter-produisant ?
Dans les albums, la descendance est objet de
continuité et de discontinuité. C'est ainsi que le
géant de Zéralda, ogre patenté, craque un jour
pour un tendre cordon bleu avec qui il concocte quelques rejetons.
A la dernière page, quand la famille goûte aux
plaisirs d'une nouvelle naissance, un des bambins, tout en
dévorant le bébé des yeux, dissimule, dans son
dos, un couteau et une fourchette. Futur ogre comme papa ou goinfre,
A sa mère attaché ? Au lecteur, seul destinataire
des couverts, de décider qui se cache dans le petit, de
l'ogrelet ou du gourmet. (20)
Dans Yakouba, les choses sont plus nettes pour le jeune africain qui,
dans les yeux d'un animal, choisit, en rejetant les lois tribales, sa
condition humaine : n'ayant pas souscrit au rite initiatique il
n'accèdera pas A la fonction de guerrier mais au rang
déqualifié de berger. Se tournant vers le lecteur,
l'interroge-t-il sur son choix ou sur la notion de choix ? (21)
Mais, dans la plupart des histoires, les héros négocient
leur position entre modèle familial et d'obscurs, de puissants
désirs intérieurs. C'est ainsi que Loulou, le loup qui ne
savait pas qu'il était loup, c'est-A-dire amateur de
lapin, signe avec son gibier d'ami, un pacte de non agression,
préférant les joies nouvelles de la pêche aux
traditions ancestrales de la chasse. Mais il aura fallu, au
préalable, introduire de nouvelles règles comme celle,
bien compréhensible, de ne plus jamais crier... au loup ! (22)
Accostant ces destins en formation qui attrapent dans le cours de leur
progression savoirs, regards, espoirs et renoncements et traînent
avec eux l'histoire des évolutions, l'école
reçoit, chaque année, classe par classe, dans chaque
individu, des éclats secrètement organisés d'une
société sous tensions. Vouloir rationnellement et
individuellement atteler tout le monde au même travail, sous la
protection de l'école, c'est penser pouvoir faire siennes les
résistances ou savoir en faire fi.
On se reproduit par habitus
Pierre Bourdieu a fait de cette vie de résistances et
d'alliances intérieures l'angle d'observation de ce qui, avec
constance, détermine stratégies, pratiques et
préférences. En nommant habitus les dispositions
acquises, les manières durables d'être et de faire qui
génèrent « des
stratégies pré-adaptées A leur
environnement, assurant l'adéquation spontanée des
espérances et du possible» (23) et conduisant A « choisir ce que l'on a plutôt que ce que l'on vous refuse» (24), le sociologue affirme que chacun, très tôt, intériorise ses chances
objectives et sait lire son avenir en anticipant (en provoquant) ce
qu'il « mérite ». Enclin A « refuser le
refusé et A vouloir l'inévitable » chaque
enfant franchirait le seuil de la classe avec armes et barrages,
inhibant ou libérant ses possibilités selon les
activités et les représentations dont elles sont
chargées (c'est pas pour moi !). Chacun s'ajusterait ainsi
A son destin.
Mais l'habitus qui n'est ni une habitude ni un destin, mais un art (au
sens fort de maîtrise pratique) d'inventer, une
spontanéité (irrationnelle et involontaire) n'exclut pas
« la
mise en oeuvre d'un calcul stratégique tendant A
réaliser sur le mode conscient l'opération que l'habitus
réalise sur un autre mode. » (25)
Calcul rentable quand l'habitus est en phase avec le champ qui l'a
secrété : « quand l'habitus entre en relation avec
un monde social dont il est le produit, il est comme un poisson dans
l'eau et le monde lui apparaît comme allant de soi. » (26)
Et les voilA nos 2/3 ans et quelques mois qu'on dit prêts
ou immatures, qu'on croit meubles ou immobiles, abritant dans leur
silence, leur docilité, leur retenue, des dispositions A
penser, A agir acquises de manière durable. Mais pas
immuable précise Pierre Bourdieu qui associe l'habitus A
un ressort attendant d'être déclenché, selon les
stimuli et la structure du champ, selon les circonstances. Avoir
quelque chance de devenir sujet, c'est, porté par la conscience,
empêcher le libre-jeu dans les dispositions. C'est, pour la
pédagogie, l'obligation de déterminer ses positions.
On s'auto-produit en groupe
C'est encore la conscience qu'on retrouve chez Jean-Paul Sartre qui
nomme acte libre la capacité de l'homme A s'assigner son
projet de vie : « L'essentiel n'est pas ce qu'on a fait de l'homme mais ce qu'il a fait de ce qu'on a fait de lui.
» Coup de force de la conscience donc qui n'agit qu'après
avoir réalisé l'ampleur et le poids des
déterminations sur l'existence (la vie commence après le
désespoir) et s'en libère en ouvrant, A l'avenir,
des chemins de liberté. Mais le champ des possibles n'est pas
vierge : fortement structuré par la réalité
sociale et historique, il lie, A leur insu, des individus qui ne
se connaissent pas dans un futur commun, dans un même destin.
C'est ainsi qu'avec l'illusion d'être libres, les hommes
consentiraient A des existences imposées, par
intériorisation des contraintes extérieures, allant
jusqu'A se satisfaire de leur sort, faisant de
nécessité vertu. S'inscrivant docilement dans le cours de
l'histoire, ils contribueraient, dans une praxis inerte, passive, une
« praxis sans auteur » A orienter le monde selon des
logiques par ailleurs et par d'autres voulues.
Autre peut être l'humanité, si les individus, arbitrairement réunis dans des collectifs,
savaient s'unir librement en groupes pour dépasser, en les
transformant, les exigences matérielles. Comment passe-t-on du collectif
(du statut d'hommes sériels) au groupe (au statut d'hommes
libres) ? La nécessité, élément moteur,
obligerait A rompre avec la routine, avec les façons
d'agir et de penser, faisant de « l'impossibilité de changer, l'impossibilité de vivre. » (27)
C'est donc sous la pression d'un besoin ou d'un danger que les hommes
migreraient d'une praxis passive A une praxis active, libre,
inventant « elle-même sa loi, dans l'unité absolue du projet. » (28).
Peu d'albums imaginent des héros soucieux d'agir sur ce qui les opprime collectivement. Dans Tiens bon Ninon,
pourtant, on s'intéresse A des singes passant et laissant
passer le temps, collectif régulièrement troublé
par Spanola et sa bande qui viennent rappeler les dures lois de
l'oppression. La chute d'une jeune singe dans un précipice
oblige la bande de primates A prendre son destin A bras
le corps. Quand Spanola revient, c'est un groupe qui lui fait front. Le
peuple singe ayant, dans l'action librement décidée, pris
conscience de sa force, résiste. » (29)
L'école, lieu d'inviduation
Retour A l'école où les questions déboîtent.
Devant chaque enfant, un champ de possibles ouvert et balisé
selon les structures objectives pré-déterminantes.
En chaque enfant des moteurs et des freins, secrets, puissants.
En perspective, des savoirs (disponibles et en devenir) dont la
maîtrise partagée pourrait agir sur les
déséquilibres sociaux.
Comme mission, l'inscription imprévisible de chacun dans un univers social évolutif.
Inconnue, espérée, la capacité de quiconque A forcer le destin.
Organiser un environnement pédagogique c'est « affirmer
avec Bourdieu le déterminisme social de la production des actes,
et interroger avec Sartre le processus d'auto-production des hommes et
de leurs activités. » (30) C'est
inventer les situations pédagogiques comme autant d'observables
de ce qui est déterminé, déterminant ; c'est
mettre l'école dans la nécessité de modifier la
donne sociale en créant les circonstances pour que chacun
accroche A sa ligne de possibles, autrement
dégagée, d'autres dispositions A faire et A
penser ; c'est imaginer le rapport entre monde extérieur et
monde intérieur en termes d'appropriation active d'un milieu
complexe, vivant, résistant par un sujet complexe, vivant,
résistant.
Nombreux sont les albums qui font d'un milieu donné le milieu et d'un individu particulier tous
les individus. C'est clair dans les séries qui décrivent
l'évolution individuelle au sein d'un milieu familial qui, pour
n'être jamais comparé A d'autres, est universel.
Petit Ours laisse ainsi, A la longue, imaginer des
stratégies enfantines prévisibles, assimilables par un
environnement monoforme prêt A intégrer (avec
variantes) tous les jeunes dans le meilleur des mondes,
simplifié, figé, indulgent. (31)
On retrouve ici une conception fixiste de l'interaction,
réductrice de la complexité des rapports sociaux, des
contradictions humaines. L'individu et le milieu étant
donnés (ici, Petit ours, ailleurs l'enfant, lA, la
maison, plus loin l'école) il resterait A être
attentif A l'action de l'un sur l'autre, l'adaptation
A..., l'accès A..., l'entrée dans... Mais
l'être humain ne s'adapte pas A un milieu naturel, il se
confronte A un univers historique et social dans un rapport
actif aux conditions d'existence qui le déterminent et qu'il
intériorise en s'hominisant : « Si
les capacités caractéristiques de l'humanité
historiquement développée sont devenues tout autres que
les aptitudes natives des vertébrés supérieurs et
de l'Homo Habilis des origines, c'est que ces savoirs-faire se
sont cumulés au fil des générations non plus
au-dedans de l'organisme, sur le rythme ultra-lent de
l'évolution biologique, (...) mais au-dehors, sur le rythme de
plus en plus rapide de l'histoire, dans un monde socialement produit
d'outils, de signes, de rapports sociaux en expansion illimitée,
débordant infiniment ce que chaque individu peut s'en approprier
au cours de son existence. » (32)
Prêtes A vivre, les espèces animales sont
rapidement opérationnelles tandis que c'est parce qu'il est,
A la naissance, incapable d'agir seul que le petit d'homme
apprend : « lA
où le comportement générique des espèces
caractérisait le comportement des individus (instincts),
désormais le comportement de l'espèce se
caractérise par les conduites sociales acquises de ses individus. » (33)
Le développement humain ne fait
pas les choux gras des albums. L'un d'eux, pourtant, remontant
l'évolution des espèces part en reconnaissance de son
lecteur : ébats océano-marins de poissons jusqu'A
l'apparition de la grenouille, mi-acquatique, mi-terrienne, sonnant le
glas de la pureté originelle ; giclées de batraciens
entre l'eau et ses bords jusqu'A l'irruption du lézard
déplorant, sous le soleil exactement, les existences
déviationnistes ; arabesques de lézards qui, sur la
roche, nient toute idée de futur jusqu'au singe qui, du haut de
son arbre, s'étonne encore de cet animal aux bras trop courts,
au corps si lisse, connaisseur et arpenteur de mondes matériels,
célestes, liquides, cet animal politique chaque fois unique dans ses vastes multitudes, chaque fois pluriel au tréfonds de lui-même. (34) Car :« seule l'espèce humaine, en tant qu'espèce sociale, spécifie ses individus en les individuant ». (35)
Et c'est bien d'individuation dont il va être
question dès l'école maternelle. Le jeune enfant y entre
en tant qu'être social marqué par un environnement qu'il
marque A son tour en intériorisant
l'extériorité, en extériorisant son
intériorité : « l'homme entretient un rapport toujours actif aux conditions d'existence qui le déterminent » écrit Jean-Pierre Terrail qui clôt ainsi : « c'est en faisant qu'il se fait au moment où il est fait. » (36)
L'école que nous voulons, que nous faisons, ne cherche pas
A interrompre (compromettre) ces mouvements en
désocialisant les activités scolaires par des
découpages de mondes intermédiaires, théâtre
d'ombres où l'expérience scolaire éclipse
l'expérience sociale. Apprendre A lire dans le cours
d'une oeuvre (p.), entrer dans un récit par l'univers de son
écriture (p.), relancer les histoires familiales que l'histoire
politique a immoblisées en les jetant aux
périphéries des villes (p.), intégrer l'ampleur de
sa jeune vie en trois lignes et quelques rythmes (p.), cela se fait
déjA et ce dossier ne prétend pas A
l'originalité. Ce qui diffère et change tout c'est le
projet dans lequel ces activités se lient et se lisent.
Dispositif central d'exercices, d'entraînements, de leçons
au sens bien compris, qui débouche sur des situations
recréatives ou dispositif central de projets d'action vers
lesquels convergent exercices, entraînements et leçons
comme autant d'outils aptes A porter A un niveau
conscient les logiques discrètes d'intériorisation et
d'extériorisation de la réalité sociale. Aux
activités rationnelles qui entendent agir, hors champ social,
sur les expériences antérieurement produites, nous
préférons les choix rationnels, dans le champ social,
lA où les habitus sont A l'oeuvre : «
les agents n'ont quelque chance de devenir quelque chose comme des
« sujets » que dans la mesure, et dans la mesure seulement,
où ils maîtrisent consciemment la relation qu'ils
entretiennent avec leurs dispositions (...) Mais ce travail de gestion
de ses propres dispositions n'est possible qu'au prix d'un travail
constant et méthodique d'explicitation. Faute d'une analyse de
ces déterminations subtiles (...) on se fait le complice de
l'action inconsciente des dispositions, qui est elle-même
complice du déterminisme. » (37)
Chez Claude Ponti, la vie est
mouvement, série, répétition, rythme, foule,
nombre, multitude... histoire : « Bref, j'aperçois dans la
répétition -Ponti un rythme-Ponti contre les
répétitions sans sujet et contre les identités
sans histoire, répétitions et identités trop
fréquentes en littérature de jeunesse, trop
prégnantes dans les répertoires de l'école. Ce
rythme-Ponti est une chance pour le jeune lecteur. Il l'introduit
A des lectures qui participent pleinement de son individuation
parce qu'il engage sa subjectivité dans le processus de
signification contrairement aux stratégies de la soumission de
certains livres, de certaines lectures, de certaines prescriptions, de
certaines pédagogies. » (38)
III. Au cycle 1, l'heure a sonné pour des choix associés
L'école, pour nous, est le lieu où les dispositions
acquises peuvent perdre de leur évidence en s'affrontant
A d'autres circonstances, en se soumettant A d'autres
nécessités, en se comparant A d'autres
manières de faire et d'agir, en s'analysant et se travaillant
sous toutes les formes, dans des projets gérés en groupes
hétérogènes. Dans l'activité sociale, avec
ses tensions, ses contradictions, ses limites et ses ouvertures, le
projet d'action sur
le milieu, assisté par un dispositif scolaire rigoureux, peut
faire naître d'autres regards sur l'histoire humaine, d'autres
appropriations. Prise de risque, de conscience, de pouvoir dans des
existences aux formes restrictives quand elles ne dépassent pas
le cadre familial et qui trouvent A l'école les moyens
d'être perçues autrement, de produire autrement les
réactions même si, et c'est une vraie question : «
la constitution de cette expérience en objet de réflexion
et de pensée, son élaboration en savoir ne vont pas de
soi, pas plus que la nécessaire distinction, tout A la
fois cognitive et langagière, entre ce que l'on pourrait appeler
le moi-je de l'expérience vécue et du rapport
pratique aux situations immédiates, et le je objectivé
d'un rapport réflexif A cette expérience, au monde
et A soi-même. » (39)
C'est pourquoi nous privilégions les formes collectives de
travail, groupes d'enfants, équipes d'enseignants, rencontres de
professionnels et les liaisons avec les familles où des
pourparlers doivent avoir lieu avant d'engager des actions, pendant et
après leur réalisation. Se parler entre adultes, autour
de l'expérience scolaire, c'est faire naître des
conversations dont on espère qu'elles se poursuivront entre les
enfants et leurs parents : « Les discussions avec au moins un
membre de la famille permettent de verbaliser une expérience
nouvelle, de ne pas la vivre seul, de ne pas porter seul une
expérience différente. » (40)
Arnold Lobel, au cours de courtes nouvelles, déplie
A l'extérieur des conversations intérieures,
déploie A l'intérieur les conversations
extérieures, entre sphère intime et sphère
publique, dans les rapports confiants avec un autre choisi, avec
soi-même, admis. Comment faire entrer l'extérieur «
qui frappe très fort A la porte »? Peut-être
en accueillant le vieil hiver mort de froid dans son intérieur
douillet, s'y perdre et puis se retrouver. Comment faire sortir, de son
for intérieur, les humeurs accumulées ? En pleurant sur
ses chagrins (chaise cassée, chanson oubliée, cuiller
perdue, livre déchiré) ses tristesses (ami disparu,
indifférence des autres, mal de vivre, manque d'énergie)
et boire, jusqu'A la lie, le « thé aux larmes
». (41) Comment prouver son affection si ce
n'est en s'engageant pour les autres, avec eux, autour d'eux A
travailler les incompréhensions, les imperfections, les
insatisfactions même si le sens, avant de s'établir, se
perd en non sens et contre sens ? (42) Comment
réagir aux problèmes insurmontables sans la
proximité d'un tiers, l'écoute, l'intérêt,
la relativisation, la mise A distance ? (43)
C'est ainsi, dans ces suites d'objectivations avec les autres et par des actes « personnels
médiés jusqu'en leur tréfonds par tout un monde
social et gorgés de sens par toute une biographie » que nous espérons rendre possible « une reproduction indéfiniment élargie des capacités humaines. » (44)
A
notes
(1) FOUCAMBERT J., La manière d'être lecteur, MDI, 1980, p. 60
(2) FOUCAMBERT J., déjA cité, p. 71
(3) FOUCAMBERT J., déjA cité, p. 56
(4) TERRAIL J-P., « Les vertus de la nécessité », Je, Sur l'individualité, Messidor/Éditions Sociales, 1987, p. 287
(5) PONTI C., L'arbre sans fin, École des Loisirs
(6) BOBIN C., Une petite robe de fête, Gallimard
(7) MARTIN S., « Le théâtre de Claude Ponti, de la répétition au rythme », Le Français Aujourd'hui n° 118, juin 1997, p. 110
(8) LEONNI L., Petit-Bleu, Petit Jaune, École des Loisirs
(9) SENDAK M., Max et les maximonstres, École des Loisirs
(10) MARTIN M., Un jour, un chien, Duculot
(11) SOLOTAREFF G., Le diable des rochers, École des Loisirs
(12) TERRAIL J-P., déjA cité, p. 266
(13) POMMAUX Y., Une nuit, un chat, École des oisirs
(14) TERRAIL J-P., « De quelques histoires de transfuges », Cahiers du LASA, n°2, université de Caen.
(15) Mac KEE David Elmer Kaléidoscope
(16) Circulaire instituant les ZEP, 1er juillet 1981
(17) Voir les contributions d'E. BAUTIER et de J.Y. ROCHEX dans La scolarisation de la France, livre dirigé par Jean-Pierre TERRAIL, La Dispute. Voir le rapport sur les ZEP de Catherine MOISAN et SIMON
(18) BOURDIEU P., PASSERON J-C., La reproduction. Eléments pour une théorie du système d'enseignement, Minuit, 1970
(19) TERRAIL J-P., La scolarisation de la France, déjA cité, p. 99
(20) UNGERER T., Le géant de Zéralda, École des Loisirs
(21) DEDIEU T., Yakouba, Seuil
(22) SOLOTAREFF G., Loulou, École des Loisirs
(23) TERRAIL J-P., « Les vertus de la nécessité » Je, sur l'individualité, Messidor/Éditions Sociales, p. 255
(24) GRIGNON C., dans Le savant et le populaire, Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Hautes Études, Gallimard/Le Seuil, p. 62
(25) BOURDIEU. P., Le sens pratique, Minuit, p. 89
(26) BOURDIEU P. Avec Loïc J.D. Wacquant, Réponses, Seuil, Libre examen, p. 103
(27) SARTRE J. P., Critique de la raison dialectique, Gallimard, p. 385.
(28) SARTRE J.P., ibidem, p. 541
(29) NADJA, Tiens bon Ninon, École des Loisirs
(30) TERRAIL J.P. « Les vertus de la nécessité », déjA cité, p. 261
(31) La série des Petit Ours est produite par les éditions Bayard
(32) SEVE L., « La personnalité en gestation », dans Je, sur l'individualité, déjA cité, p. 222
(33) BERCHADSKY J., « Interaction », Les Actes de Lecture n° 42, Juin 1993, p. 62/63
(34) LÉGER-CRESSON N. et GASTON-DREYFUS F.,En t'attendant, Le Rouergue
(35) BERCHADSKY J., Ididem, p.62
(36) TERRAIL J.P, « Les vertus de la nécessité », déjA cité, p. 262
(37) BOURDIEU P., Réponses, déjA cité, p. 111/112
(38) MARTIN S., « Le théâtre de Claude Ponti, de la répétition au rythme », déjA cité p. 109
(39) BAUTIER E., « Apprendre : des malentendus qui font la différence », dans La scolarisation de la France, déjA cité, p. 119
(40) LAHIRE B., Tableaux de famille, Gallimard/Le Seuil, p. 279
(41) LOBEL A., Hulul, École des Loisirs
(42) LOBEL A., Ranelot et Bufolet, École des Loisirs
(43) LOBEL A., Oncle éléphant, École des Loisirs
(44) SEVE L., « La personnalité en gestation », déjA cité, p. 222
Définitions :
Individualité : ce qui constitue l'individu.
Individuation : ce qui distingue un individu d'un autre