La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°64  décembre 1998

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Ceux qu'on n'entend pas...

- Qu'on nous oublie et c'est la catastrophe !
Le renard, dans sa tanière, mange. Poulerousse...
Le renard dans sa tanière mange Poulerousse

- Qu'on nous ajoute et c'est le bazar !
Il ! ét-ait-une-fois. une pr[in]cesse ? qui sapp'el(a)it "C"en/dri, ll…o'n§

- Qu'on nous mélange et c'est la pagaïlle !
"Cuit ! Bouilli ! Fini le loup !" lit-on A la fin des Trois Petits Cochons.
Et si on avait écrit : "Cuit ? Bouilli ? Fini le loup ?" Aïe ! Aïe ! Aïe !

Nous sommes dans les histoires, dans les lettres et au milieu des affiches ; en colonnes dans les journaux, en lignes dans les poèmes, en paragraphes ou en chapitres dans les livres.
Nous sommes des points, des traits, des virgules ou des apostrophes, des parenthèses et des crochets, des guillemets.

Nous faisons parler les héros : "Haut les mains !"
Nous posons les questions les plus importantes : "Loup y es-tu ? Que fais-tu ?"
Nous poussons les cris les plus horribles : "OUAHH! ! ! !"Morts de peur.
Nous poussons les cris les plus drôles : "Ouh ! ! !" Morts de rire.

Avec nous, c'est clair :
- tous les points sont sur les i.
- tous les points mènent A la ligne.
Un point, c'est tout.

Nous apostrophons, nous nous chargeons des exclamations, des interrogations, nous mettons entre parenthèses, en suspension, nous sommes pointilleux, intraitables ; sans nous les lettres ne seraient que lettres mortes et, n'oublions pas que, même dans les histoires, c'est nous qui avons le dernier mot.

Yvanne Chenouf