La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°64  décembre 1998

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Lire au cycle 2
Au tout début de la voie directe


Regard sur les écoles engagées dans le recherche sur la voie directe en 1994
Depuis 1982, des enseignants sont engagés dans une recherche INRP sur l'apprentissage de la lecture chez les enfants de 5 A 8 ans. Alors que cette recherche s'achève et aboutit A un ouvrage collectif (*), nous avons fait "le tour des sites" : manière de plonger dans les préoccupations d'enseignants ordinairement engagés dans la recherche de pratiques pédagogiques nouvelles

Retour sur les conditions pédagogiques de participation A la recherche : hétérogénéité des élèves, pédagogie de projet, utilisation d'une BCD, intégration de l'informatique comme outil pédagogique, pratiques d'exploration et de production de textes. Cet ensemble hérité des écoles expérimentales sur l'organisation générale de l'école ainsi que de la recherche sur l'apprentissage de la lecture par la voie directe a contribué A élaborer une pratique d'enseignement de la lecture : la leçon de lecture.
Même avec des enseignants engagés dans la transformation de l'école et porteurs (A des degrés divers) des thèses de l'AFL, ces caractéristiques n'existent, de manière concomitante et corrélative, dans aucun des sites au moment où cette recherche démarre, en 1994.
Même quand la volonté d'agir semble claire, des obstacles se dressent tandis que des phénomènes, perçus au départ comme perturbateurs de l'équilibre de la classe, pénètrent tranquillement le fonctionnement quotidien.
En faisant le tour des sites, en interrogeant ce que disent les professionnels de leurs initiatives, en mettant A jour leurs résistances, on obtient une image de la réalité des terrains engagés dans ce travail. Elle est proche de celle de ces lieux scolaires "ordinaires" qu'une énergie positive sensibilise au changement sans parvenir A les sortir d'un fonctionnement prudent.
Ce livre a l'ambition de montrer que des transformations d'envergure sont possibles dans de nombreuses classes sans attendre que soit réuni l'ensemble des conditions supposées favorables A ces transformations.

Hétérogénéité
Au moment d'entreprendre cette nouvelle recherche, en 1994, les écoles de la Villeneuve de Grenoble disposent de classes multi-âges avec, A l'école du Lac, 5 groupes hétérogènes, les groupes ne dépassant pas un effectif de 25 élèves issus de milieux sociaux hétérogènes tandis qu'A l'école des Charmes on trouve 4 groupes hétérogènes aux caractéristiques proches.
A Nanterre, le cycle 2 a, lui aussi, réuni ces trois cours, mais l'intégration des GS dans de telles classes a été obtenue avec difficultés et repose sur un accord fragile, les maîtresses du cycle 1 craignant que les enfants de grande section ne soient trop tôt "primarisés".
A Vence, comme A Charleville-Mézières, les classes ne comportent qu'un seul niveau avec la possibilité de suivre les élèves du CP au CE1 et, particulièrement A Vence, quelques ouvertures, du côté de la grande section de maternelle, facilitées par la proximité des deux écoles.
A Marseille, l'école est maternelle et n'a engagé dans la recherche que les grandes sections, issues de cinq classes hétérogènes, hétérogénéité retrouvée A mi-temps, par le jeu de sept ateliers ouverts A toute l'école.
A Nice, les cas de figure sont aussi nombreux que les enseignants représentés, aussi variés que les années qui se suivent et ne se ressemblent pas mais, souvent, les classes sont homogènes, sans suivi, même si, dans des cas particuliers, les Contrat d'Aménagement du Temps Scolaire, par exemple, des activités lecture sont organisées pour des groupes hétérogènes (GS/CP/CE1).
A Auxerre, on trouve deux niveaux par classe (CP/CE1) avec suivi des enfants, d'un cours A l'autre, et régularité dans le travail en équipe des deux maîtres qui ont engagé leurs classes.

Les obstacles au fonctionnement hétérogène sont multiples, parfois unis dans les mêmes explications.
Ils peuvent être de nature institutionnelle :
- A Marseille, par exemple, les deux postes de GS sont les seuls réservés A des maîtres-formateurs. Briser l'homogénéité du groupe, comme suivre les élèves en primaire, ferait courir le risque de perdre le statut d'école d'application.
- A Grenoble, le fonctionnement en cycles hétérogènes qui donne satisfaction, depuis 1976, aux enseignants comme aux parents, est remis en cause par l'IEN parce qu'il apparaît "légal" que les GS travaillent exclusivement dans les locaux maternelle. La lutte syndicale pour conserver l'organisation pédagogique ampute considérablement la disponibilité professionnelle.

Ils naissent souvent des représentations sur le développement psychologique des jeunes enfants :
- "La maternelle craint pour la primarisation des petits", déclare-t-on A Nice comme A Nanterre.

Mais, le plus souvent, les obstacles sont pédagogiques, liés au manque de formation : "Il n'y a pas de modèle de référence : on sait ce que c'est qu'une classe A plusieurs cours, on ne sait pas ce que c'est qu'une classe multi-âges. Comment, par exemple, donner un texte commun A tous les cours ?" déclare-t-on A Vence où on aimerait voir fonctionner de telles classes. A Charleville-Mézières, c'est aussi la gestion quotidienne qui questionne : "Dans des groupes hétérogènes, on doit voir des CP qui deviennent plus performants que des CE1, ça doit être dur A vivre pour les plus grands. Et puis, les petits ne savent pas toujours utiliser les grands, les grands ne savent pas aider autrement qu'en donnant tout de suite la réponse. C'est compliqué d'expliquer parce qu'il faut abstraire et, même en CE1, on reste encore très près des choses. Pourtant quand on les habitue, les enfants savent se mettre au courant les uns les autres. Ils corrigent ensemble. Il faut, pour cela, une organisation rigoureuse qui favorise A la fois le travail individuel, en petits et en grands groupes."
Tous les enseignants reconnaissent que l'hétérogénéité est constitutive de tout groupe humain, qu'elle existe de toute façon dans une classe A un seul cours, que les différences doivent être officiellement prises en compte : "Le suivi sur deux ans c'est intéressant, on gagne du temps : la deuxième année, la méthode est intégrée, les élèves sont capables de faire du travail seuls, face A un texte. Mais, tous les deux ans, il faut tout réinstaller." Sans compter que, comme le font remarquer les enseignants de Nice : "Lorsqu'on n'a qu'un CP, il y a une telle pression que les enfants n'ont pas le temps d'apprendre, les parents et les enseignants n'ont pas le temps de se former pour faire face, ensemble, A cet apprentissage. Il faut parfois six mois pour qu'enfants, parents, enseignants se connaissent. Un an, c'est alors trop court."
L'hétérogénéité a été souhaitée, dans cette recherche, parce qu'elle permet A la fois le suivi des élèves et le renouvellement par tiers des effectifs d'une classe : on peut s'appuyer sur deux tiers d'enfants, familiarisés au fonctionnement scolaire, pour intégrer les nouveaux qui peuvent, eux, questionner "naïvement" l'organisation, l'empêchant alors de se scléroser. Mais l'hétérogénéité ne se décrète pas, elle ne s'installe pas indépendamment d'autres paramètres. Elle entre dans la définition d'une nouvelle organisation scolaire, cohérente avec une autre façon d'enseigner, elle est un élément d'une complexité dont chaque élément peut être distingué, difficilement dissocié du tout. Ne considérer qu'une condition éducative, c'est n'en avoir que les inconvénients et condamner le reste du dispositif A l'immuabilité.

Pédagogie de projet
Une classe multi-âges ce n'est pas une classe A plusieurs cours. On ne dirige pas, parallèlement, plusieurs niveaux d'âge, on se "sert" de ces différences de niveaux pour favoriser des échanges, construire des savoirs au coeur d'interactions. Mais l'aventure n'est pas sans embûches. Projets, situations d'apprentissage, thèmes d'études, les notions varient selon qu'on évolue entre les quatre murs de sa classe, dans l'espace scolaire ou en ouverture sur le quartier. Les définitions du projet pédagogique n'étant certainement pas suffisamment claires pour les acteurs de la recherche, ceux-ci, au moment de s'engager, se prononcent moins sur l'état de leurs fonctionnements qu'ils n'en évaluent les instabilités.
C'est A l'école du Lac que les choses s'énoncent le plus globalement, une école où la pédagogie de projet est une pratique ancienne : " La nécessité de donner des repères aux jeunes enfants nous pousse parfois A privilégier des projets internes A la classe, enfermant le groupe dans un ronronnement sécurisant mais sans grand élan ; en revanche, le dynamisme des projets ouverts sur l'extérieur fait courir le risque de perdre des élèves en route. " Nombreux sont, au démarrage de cette recherche, les enseignants méfiants par rapport A ce qu'ils appellent les projets "A haute dimension" comme l'organisation de spectacles, la préparation de voyages... entreprises qui fixent tellement l'attention sur leur conduite A terme qu'elles peuvent détourner des états d'avancée de chaque enfant : "L'objectif de l'école c'est d'enseigner, l'école n'est pas un centre aéré" affirme-t-on A Vence tout en regrettant le manque d'ouverture sur l'extérieur. Tous les enseignants concernés reconnaissent l'importance du projet social, importance qu'ils résument ainsi :
- le projet confronte A des situations souvent plus riches que celles rencontrées dans le milieu familial, A des textes souvent plus nourrissants
- les savoirs apparaissent avec leurs contradictions et cette tension est riche pour les enfants d'origines diverses,
- le projet permet de prévoir, classer, comparer, faire la différence entre réel et imaginaire... entraîner les activités abstraites,
- le projet aide A approfondir questions et réponses. Il ne s'agit pas de répondre oui ou non ou de n'entrevoir qu'une seule solution. Il faut organiser ses recherches, sélectionner dans un tout" et élaborer une réponse au cas particulier en faisant des synthèses.
Ces enseignants s'interrogent sur les manières de séparer les savoirs de l'action pour qu'ils puissent être transférables A d'autres situations. C'est ce qu'on appelle, ici, la décontextualisation.

En contexte scolaire, les sollicitations A l'abstraction sont effectives :
- "Peu de parents, au moment de choisir un abonnement de magazine, font un travail aussi approfondi qu'on peut le faire en classe où on compare les revues, on se pose des questions autour de ce choix. A la maison, les enfants sont rarement invités A réfléchir A leurs projets.
- Même si, dans les usages domestiques, il y a productions d'écrits, jamais ces traces (listes, mots échangés...) ne sont inscrites de la même manière qu'en classe où l'on sait qu'elles ne vont pas seulement servir A l'action mais aussi A la réflexion : la plupart des textes va avoir une autre fonction que celle dans laquelle il a été rencontré (information, mémorisation, action...), il va servir de support A l'étude de la langue, il va devenir une référence pour l'écriture."

Pour les jeunes enfants, des indices matériels distinguent les temps de l'action de ceux de la réflexion, comme A Marseille : "Nous sommes attentives A bien séparer les choses : les enfants savent qu'A un lieu géographique donné correspond une activité pédagogique donnée. Dans l'atelier, on ne fait pas les mêmes choses qu'en classe, ni avec les mêmes personnes, ni dans le même groupe. En classe, on travaille sur ce qu'on a produit ; dans l'atelier, on réfléchit, on s'entraîne. Dans la variété des situations, les référents restent précis aussi bien au niveau des fonctions des gens qu'au niveau des objectifs des actions."
Quand la vie déborde en tentations sociales et affectives, ces enseignants disent vouloir garder le cap scolaire : au cycle 2, on apprend A lire, on se construit un projet personnel de lecture, au-delA de l'action immédiate, de la jouissance des découvertes, le projet doit faire acquérir des méthodes de pensée grâce A la mise en relation, dans le groupe, des manières d'apprendre.
Pour toutes ces raisons, les enseignants ne peuvent pas se laisser porter par l'action et préparer leur classe au jour le jour. Ils doivent anticiper les activités scolaires, pré-méditer les actions d'enseignement. C'est pourquoi tous les projets ne se valent pas. (Projet de vie et projet d'apprentissage)

La Bibliothèque Centre Documentaire
La mise A disposition d'écrits divers, pour la consultation et l'observation, est, au point de départ de cette recherche un élément acquis, indispensable A la mise A distance de l'expérience, A la mise en réseau des référents culturels.
A Marseille, par exemple, ce lieu, central géographiquement, est "le plus beau, le plus grand", il est aussi central pédagogiquement, moteur du projet d'école et des changements qui en découlent, central encore financièrement puisque c'est une priorité budgétaire.
L'intérêt pour cette structure se confirme dans les quantités annoncées de livres qui oscillent entre 2 000 et 3 000, avec des suppléments fournis par les bibliothécaires municipaux qui sont, de Marseille A Charleville-Mézières en passant par Grenoble, les partenaires préférés des enseignants dans la mesure où ils représentent un pôle d'information et, souvent, les seules personnes coopérantes et compétentes pour assurer une formation sur la littérature jeunesse, un domaine encore trop négligé par les IUFM.
Cependant, peu de normes calibrent le fonctionnement des BCD qui vivent au rythme des options et des moyens pédagogiques. Si le lieu est majoritairement ouvert, favorable aux stationnements longs et studieux que les simples passages respectent, son utilisation reste le plus souvent optionnelle, voire facultative pour l'ensemble du groupe scolaire. A Charleville-Mézières, par exemple, si la BCD, qui est entre la classe de CP et de CE1, est régulièrement utilisée par ces deux cours, elle n'est pas très fréquentée par les autres classes qui ont leurs propres livres. La proximité du lieu permet de surveiller les déplacements des enfants, obligation de super-vision qui pousse A trouver des solutions pour assurer la présence permanente d'un adulte. Et lA, c'est le système D, l'administration n'étant que d'un faible recours : Contrats Emplois Solidarité, parents, offrent bien sûr l'avantage d'accuser réception des demandes des enfants, de les orienter, de garder l'espace accessible grâce aux fonctions de surveillance et de rangement mais, dans l'ensemble, les enseignants ne sont pas favorables A la spécialisation comme on le précise A Nice : "même si nous pensons qu'il faut un enseignant engagé A la BCD, ce poste doit être tournant pour éviter tout risque de monopole."
A Grenoble, A l'école du Lac, après une dizaine d'années de fonctionnement en lieu ouvert, aux animations programmées et aux libres consultations, une autre structure a pris place : "Notre BCD fonctionne sur un mode particulier puisque les livres ne sont pas rangés sur des rayons mais accessibles A tous selon une organisation par thèmes, auteurs, collections, maisons d'édition. Ce travail nous semble structurant pour les enseignants qui s'approprient aisément la production grâce A un quadrillage méthodique, acquérant une culture de l'écrit en relation avec leurs objectifs pédagogiques."

Parmi les activités récurrentes de ces BCD, il y a la présentation de livres sous forme de séances structurées ou d'expositions, le prêt d'ouvrages lié A l'objectif d'autonomiser les pratiques individuelles. Les efforts se concentrent sur des activités de sélection, achats, recherches de documents, observations... générant des classements, des regroupements, des élections...
Mais, au-delA des gestes et des mots de bibliophiles, c'est tout un réseau que les enseignants cherchent A tisser pour chaque enfant, un filet susceptible de capter la singularité d'une découverte, de transformer les hasards en rencontres, ce qui prend nom de culture de l'écrit comme A Vence où on insiste sur l'importance de repères dans tous les genres, fiction et documentaires, tandis qu'A Grenoble on parle de construire des curiosités : "Le but n'est pas que les enfants sachent trouver le livre sur l'écureuil mais qu'ils relient leurs activités avec l'ordre des livres. L'objectif est que les consultations bibliographiques confrontent deux systèmes organisés : le monde des lecteurs et celui des livres."
Mais des difficultés persistent pour intégrer les familles et associer tous les membres d'une équipe quelque peu inquiets de la masse de travail imaginée : "Quand on parle de BCD avec les collègues, ils ont l'impression qu'on complexifie les choses au lieu de les simplifier."

Usage de l'informatique
La participation A cette recherche allait de pair avec l'utilisation du logiciel ELMO International qui offre la possibilité d'entrer tout texte travaillé en classe et de disposer, A partir de cette simple action, d'un menu d'exercices pré-programmés, individualisés, sur lesquels l'enseignant peut cependant agir A son gré. Issu d'un long travail de réflexion mené en collaboration étroite entre chercheurs et enseignants, ce matériel présente l'avantage de pouvoir extraire les éléments linguistiques du contexte textuel dans lequel ils sont pris pour les étudier séparément et en généraliser l'usage. Alors que de nombreux travaux insistent sur l'importance de cette décontextualisation et que ce logiciel la génère presque automatiquement, élève par élève, texte par texte, l'informatique reste sous-employé pour les raisons suivantes :
- l'inadaptation du matériel, quand les ordinateurs sont vieux, quand l'imprimante est un matériel de récupération et que les pannes nombreuses, interrompant les progressions des élèves, créant le découragement ; inadaptation quand le logiciel est peu attractif et demande une précision dans les gestes (avec la souris) que les jeunes enfants ne maîtrisent pas encore.
- le manque de moyens, quand on considère qu'il faut, au minimum, un ordinateur pour une classe. En maternelle on pense qu'il faut aussi des moyens humains pour accompagner les manipulations, expliciter les tâches.
- les résistances des adultes, quand ils ne sont pas convaincus de l'intérêt du logiciel et qu'ils craignent la surestimation des capacités des jeunes élèves.

Malgré ces difficultés ou plutôt avec elles, les classes ont intégré l'outil informatique dans des fonctionnements divers :
- rythme
Au début de la recherche, on a du mal A trouver un rythme. Même si l'entraînement quotidien est le point d'horizon de tous, l'utilisation de l'ordinateur oscille entre deux fois par jour A l'incapacité d'organiser un entraînement, selon les lieux, selon les jours.
- contenu
Les enchaînements d'exercices sont privilégiés, suite de 2 A 4 exercices qui comportent la plupart du temps mots-flash, remise en ordre de phrases ou de paragraphes, recherche d'un mot, mots-outils, orthographe, exercices A trous et, ça et lA, travail sur la vitesse, plus difficile A organiser avec les plus jeunes enfants comme en témoignent ceux de Marseille qui s'étonnent, qui s'inquiètent : "L'ordinateur, il nous mange l'oeil." Intercalés entre ces travaux sur l'écran, il existe des exercices sur papier.
- organisation
Pour les plus jeunes, on évoque globalement l'importance de l'entraide entre enfants : intervention d'un plus âgé ou d'un plus expérimenté et lA, l'hétérogénéité de la classe est un atout.
Tout le monde s'accorde pour dire qu'un bon entraînement doit être organisé, rapide. Alors, les enfants y prennent plaisir, progressent, surtout les plus faibles. Les enseignants veillent A la théorisation des résultats.
- préparation
Une fois maîtrisé, l'outil n'est consommateur ni de temps, ni d'énergie : "La manipulation n'est pas lourde pour l'enseignant, ça va vite ; le fait de taper le texte permet d'apprendre des choses sur lui. Après ce travail de préparation on a une dizaine de jours de tranquillité."

Circuits-courts
Le circuit-court est une situation de production d'écrits qui présente la caractéristique d'établir un retour réflexif sur la vie de la classe, ses relations, sa manière d'apprendre, ses résultats, ses projets : c'est le groupe qui écrit pour le groupe A partir de sa vie de groupe, en ouvrant, en approfondissant et en confrontant les points de vue. L'écriture veille alors A consolider les savoirs acquis, A s'appuyer sur eux pour introduire de nouvelles notions que cela concerne le lexique, la syntaxe, l'organisation d'un texte ou les références culturelles. Les enfants doivent devenir rapidement auteurs de tels écrits (journaux, billets, chroniques...) même si les adultes sont les premiers producteurs, écrivant ce que les enfants souhaiteraient lire, les initiant A la réécriture, considérée, dans ce groupe de recherche, comme la forme inaugurale de l'écriture personnelle.

Conditions d'écriture
Bénéficier d'une situation, disposer d'un support pour recueillir les écritures sont des nécessités pour les maîtres qui placent le journal interne au premier plan, suivi de l'atelier d'écriture qui ne donne pas entière satisfaction mais nous y reviendrons.

Obstacles A l'écriture
Du côté des élèves
"On sent que les enfants, au moment de réaliser un texte, manquent d'outils, manquent de mots. Ils disent d'ailleurs ne pas trouver leurs mots même s'ils réinvestissent aisément les tournures qui leur ont plu." La réécriture, A laquelle on essaie d'associer les enfants, les laisse encore sur le côté. Ils voient bien qu'un autre texte est né du précédent mais ils ne saisissent pas les techniques qui ont permis la transformation. Ils sont, en général, d'accord sur le nouveau résultat : "Pour eux le nouveau texte et l'ancien sont les mêmes puisque ce sont les mêmes idées."

Du côté des enseignants
Conscients de ces difficultés, les enseignants évoquent un autre manque qui les concerne, leur formation : "On ne devient pas intelligent comme ça, sur commande. On ne sait pas suffisamment ce qu'on veut, comment vouloir en savoir davantage ? Tout se passe comme si on se débarrassait des vieilles techniques sans savoir par quoi les remplacer. Il y a bien des petits bouts de pratiques qui nécessiteraient d'être mis ensemble pour faire émerger une cohérence. Mais on ne sait pas ce qu'on devrait savoir faire. Il manque de la théorie, de la pensée, pour que des actions, autrement, puissent naître. Comment apprendre le besoin d'écrire ? Comment se servir de l'écriture ? Nous devons engager davantage nos travaux sur ces sujets."

Un sens, une logique, des techniques, un cadre de travail, c'est ce que tout le monde a trouvé dans le dispositif de la leçon de lecture encore balbutiant au début de cette recherche puisque cette proposition n'était alors qu'une hypothèse. Véritable espace de recherche-action, croisement possible entre la pression théorique des stages et la pression quotidienne de la classe, le module de la leçon de lecture a unanimement concentré les efforts, produit les désirs de s'investir dans la recherche et la classe.

La leçon de lecture
Ce que ce groupe a appelé "leçon de lecture", c'est un module se dépliant, A partir d'un texte choisi, sur plusieurs séances :
- élaboration d'une ou plusieurs questions que des lecteurs peuvent se poser par rapport au fonctionnement d'un texte,
- exploration du texte et prise de notes matérialisant les étapes du questionnement et les produits résultant des échanges,
- reprise, dans une séance ultérieure, des notes pour un travail d'observation, de tri, de classement avec repérages de régularités dans le fonctionnement de la langue écrite, de modes d'écriture, ce qui prend le nom de théorisation
- utilisation des résultats de ce classement pour un programme d'exercices individuels, sur plusieurs jours,
- production d'un texte qui soit une réécriture du texte de départ, A partir de consignes précises, collectivement et individuellement employées.
- Et, accompagnant ces diverses étapes, présentation de livres, de documents proches des problèmes rencontrés tant sur le thème que sur son écriture, son auteur que son lieu de production.

Au début de cette recherche, les difficultés étaient encore nombreuses.
De la qualité de lecture des enseignants, de leur capacité A sentir les ressorts cachés d'une écriture, de l'énergie et de l'inventivité A injecter dans la préparation et le suivi du travail allait dépendre la pertinence d'un module qui met en alerte toutes les intelligences d'une classe, son hétérogénéité, de l'élève le plus jeune A celui qui a le plus de difficultés, en passant par l'enseignant : "D'avoir préparé la leçon, d'avoir procédé soi-même A une lecture experte, ça permet d'envisager mais aussi de recadrer les interventions des enfants. Aussi méticuleuse que soit la préparation, il faut savoir rester A l'écoute, au moment du travail, de ce qui est imprévisible."
Se préparer méticuleusement A rester A l'écoute de l'imprévisible c'est, semble-t-il, le dénominateur commun de ces enseignants qui, en acceptant de s'investir dans cette recherche, s'engagent sur la base de leurs pratiques et de leur volonté de développer massivement la maîtrise de l'écrit, pour trois ans de réflexion. A


(*) la leçon de lecture au cycle 2. A paraître, AFL

Yvanne Chenouf