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La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°5  mars 1984

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LE CHOC DES IMAGES,

LES POIDS DES MESSAGES


Affiches difusées en France par le CRILJ

Illustration : Etienne DELESSERT, Design : Rita MARSHALL


Ces affiches exposées par nos soins lors des Journées BCD à SOISSONS devaient alerter les visiteurs sur le statut attribué aux lecteurs et sur celui réservé aux non-lecteurs.

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AUX LECTEURS

(souris malicieuse, douce princesse, volatile impertinent ou tendre hippopotame).

ON PRÈTE

La capacité

- de s'enrichir

- d'imaginer de savoir, coûte que coûte, se procurer du plaisir

- de communiquer.

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AUX NON-LECTEURS

Monstre et sorcière.

ON SUPPOSE

- pauvreté, manque, sous-développement

- esprit fermé

- rétrécissement du Plaisir

- solitude

(ce qu'aggravent encore les slogans reléguant les pauvres diables dans la catégorie des malfaisants, des laids et des égoïstes).


Loin de nous l'idée de prêter au CRILJ des intentions de rejet ou de mépris.

Son action prouve, au contraire, qu'il combat pour que la lecture soit le ''privilège du plus grand nombre".

Mettre en valeur les bienfaits de la lecture en les opposant aux méfaits de l'illettrisme: une tentative de se faire comprendre.

Est-on sûr cependant, que ce soit là, le meilleur moyen de se faire entendre de ceux que nous voulons convaincre ?

Quand leur refus de lire, s'apparente, pour nous, à un manque de communication, manque d'imagination, manque de richesse, manque de savoir, manque de plaisir, que pouvons-nous souhaiter d'autre que de les remplir et de bon coeur de surcroît, eux que nous croyons vides ?

Vides, les non-lecteurs ?

Ne se mêlent-ils jamais à ceux qui échangent à propos d'un jeu, d'une discussion, d'un spectacle ou d'un récit, ne participent-ils jamais aux décisions ? Si oui, comment les soupçonner d'incommunicabilité ? Comment, aussi, douter de leur imagination quand leur yeux, leurs sourires, toutes leurs expressions, trahissent à la moindre émotion, leur désir permanent de renvoyer toujours plus loin, toujours plus haut, les limites élastiques qu'ils accordent à leurs rêves ? Comment, enfin, les exclure du monde des bien-vivants, quand on sait l'explosion de questions, d'étonnements, de désirs d'en savoir plus, que provoque toute rencontre avec l'inconnu.

Et malgré cela, les échecs existent, vécus le plus souvent dans la douleur, la violence ou la honte.

Leur faire alors miroiter le plaisir de lire sans trop comprendre la nature de leur déplaisir ? Faire reculer le refus sans prendre même le temps de savoir où il se situe ? À Soissons, nous pensions susciter ce genre de questions.

Aller ensemble plus loin dans nos réflexions.

Mais nous n'en avons guère eu le temps, tant nous avons été occupés à nous justifier auprès des gens, qui, peu importent les textes, voulaient savoir à tout prix le coût et l'origine de ces affiches.

Elles étaient si belles ! La décoration de la BCD en dépendait.

Mais, le moral des non-lecteurs ? « Oh ! on enlèvera les deux mauvaises ».

''Quant à nous, nous sommes en maternelle. Les gosses ne savent pas lire".

Quand les BCD maternelle cesseront d'être uniquement des lieux de consultation de belles images, quand les BCD, en général, cesseront de vouloir protéger l'enfant des écrits qui le concernent, on pourra dire qu'elles assument vraiment leur rôle.

Un lieu de consultation de l'écrit mais aussi d'analyse.

Sinon, la consommation de produits même soigneusement choisis n'exclura pas l'indigestion.

Provoquant la diète.

Gare à l'écœurement d'une lecture trop ''riche'' !


Mais le suivi ? Le L de l'AFL a de l'importance. On ne se bat pas pour la lecture mais pour la lecturisation.


Pourtant, l'AFL est davantage sollicitée pour des problèmes de lecture...

Il faut aider les groupes locaux à préciser la différence au moyen de matériel (affiches aux slogans clairs) grâce à la conduite d'un travail théorique important.

Yvanne Chenouf