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La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°5  mars 1984

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BCD – LE CONCEPT

Le concept de bibliothèque centre documentaire a été approfondi depuis quelques années par des écoles animées par l'ADACES, association regroupant des enseignants liés à I'INRP, des chercheurs et des bibliothécaires de la Joie par les Livres ou en relation avec elle... (1).

Dans l'École Française, les occasions de rencontres avec l'écrit non scolaire étaient rares, sinon inexistantes et le plus souvent, marginalisées. Les premiers efforts qui ont été faits pour porter remède à cette situation ont porté sur les bibliothèques de classe et le développement de coins-lecture...

Dès l'origine, le projet de bibliothèque centre documentaire a cherché à rompre avec cette perspective : La BCD est une bibliothèque centrale dans l'école où sont rassemblés les écrits les plus variés : fiction, documentaires, bandes dessinées, albums, journaux, productions écrites de l'école, du quartier...

- Tous les enfants de l'école peuvent y accéder pour se détendre, se distraire, y lire ou y travailler, pour y rencontrer d'autres enfants ou d'autres adultes... Les seules limites à ce libre accès sont les impératifs de la vie en commun et les conditions nécessaires au bon fonctionnement de la BCD elle-même.

- De nombreuses activités s'y déroulent pendant le temps scolaire. D'une certaine manière dans des conditions qui sont à définir en commun, ces activités sont ouvertes à tous et concurrentes de celles qui ont lieu dans les classes.

C'est le cas du prêt, de la consultation sur place, de la gestion des activités, du choix des ouvrages, mais aussi des animations (heure du conte, présentation de livres, club lecture...) et des projets liés à la connaissance de l'écrit.

La gestion de la bibliothèque relève de l'école entière, adultes et enfants. Dans la mesure du possible, un ou des adultes assurent un accueil permanent et participent à l'organisation et à la réalisation des différentes activités.

La Bibliothèque Centre documentaire est donc un lieu de travail et de détente, de plaisir et de découverte, de rencontres et d'échanges, de production et d'ex position. Un lieu de vie différent ouvert, où la diversité des intervenants (enseignants, parents, bibliothécaires...) et des rencontres (d'enfants d'âges différents) permet des activités nouvelles, dégagées du contexte des classes.

La BCD est une sorte de foyer permanent d'animation et de production autour de l'écrit : elle prend en charge, en les enrichissant, des activités autrefois dévolues aux classes et elle propose des activités nouvelles autrefois négligées…

En cela, elle est l'affirmation d'une politique commune. Elle est l'occasion pour une équipe éducative de se constituer et d'évaluer dans la mise en oeuvre d'un projet qui concerne chacun. Ce qu'on pourrait encore traduire autrement, en affirmant qu'une école qui s'équipe d'une bibliothèque centre documentaire, ne devrait pas rester la même école (qui serait enrichie de ressources nouvelles ou renforcée dans son fonctionnement) mais tendre à devenir une autre école. C'est-à-dire une école où seraient progressivement, mais profondément transformées les conditions de vie et d'apprentissage des enfants, et, en conséquence, la nature et les conditions des actes d'enseignement. Une école qui transformerait aussi ses rapports avec son milieu et qui tendrait à s'inscrire dans une politique communautaire en faveur de la lecture conduite avec ceux que la sélection actuelle dessaisit trop souvent de leurs responsabilités (parents, élus, responsables du livre et de la lecture...).

Tels étaient les caractères du projet initial de l'ADACES.


Les enjeux restent les mêmes aujourd'hui. Ils se sont seulement enrichis des acquis d'une expérience de plusieurs années...

La bibliothèque d'école ne marque pas toujours un progrès par rapport aux bibliothèques de classes et aux coins-lecture. Elle n’a d'intérêt - mais alors cet intérêt est considérable – que si elle ne reproduit pas le modèle en usage dans les centres de documentation et d’information de beaucoup de collèges et de lycées, que si elle devient un lieu pour des activités concurrentes; un lieu facilement accessible à tous et sur le fonctionnement et l’équipement duquel chacun a réellement prise…

Cette bibliothèque-là questionne l'école et interpelle le corps social... En faisant émerger des questions fondamentales sur le statut de la lecture et de son apprentissage, sur le statut de l'enfant, elle contribue à engager la réflexion de tous les coéducateurs vers l'essentiel.

C'est là aujourd'hui, un autre acquis d'importance capitale.

L'ouverture d'une bibliothèque centre documentaire à d'autres utilisateurs et aux interventions de non enseignants et son insertion dans le réseau des autres sources d'écrit social n'est pas une possibilité, parmi d'autres, pour enrichir son fonctionnement. C'est une condition de la réussite; au même titre que la présence permanente de personnes chargées d'assurer l'accueil des enfants et la conduite des différentes activités.


Une raison pour lire, ça ?

Pourquoi ne pourrait-on être lecteur que si on a un rapport positif à l’écrit ?

Rendre inconditionnelle la notion de plaisir limite l’appropriation de l’écrit à ceux qui ont toutes les raisons d’éprouver ce plaisir.


Plus on aura de livres, plus on trouvera sa raison de lire.

Oui, à condition qu'on ne se replie pas sur des écrits dont on est la cible. Il faut aussi apprendre à refuser, en connaissance de cause, l'écrit qui ne nous convient pas.



(1) L'ADACES a fusionné avec I'AFL au début de l'année 1983 et la revue ''BCD'' qu'elle publiait est remplacée par "Les Actes de Lecture".