La revue de l'AFL Les Actes de Lecture n°10 mars 1985 ___________________ BCD : CE QUI EST À Craindre
“CERTAINEMENT PAS, la B.C.D. est une mesure d’avant-garde qui sera introduite avec prudence ; mais cela peut avoir une influence certaine et faire évoluer des pratiques pédagogiques”. L’école fonctionne bien pour ce qu’elle se propose de faire. Changez la moindre chose dans son organisation, sans modifier ses objectifs, et les difficultés commencent. La B.C.D. est l’exemple même de ce qui peut “empêcher d’enseigner en rond”. L’expérience, en France et à l’étranger le montre. Si la B.C.D. n’est pas un moyen qu’une équipe se donne dans la mise en oeuvre d’une nouvelle politique d’apprentissage de la lecture... si elle n’est pas un projet concerté, réfléchi, de changement de l’organisation générale de l’école, de rupture avec des modes de fonctionnement... on va dépenser beaucoup d’argent et d’énergie pour se doter de quelque chose qui sera très rapidement délaissé, rejeté. Le retour aux bibliothèques de classe ne se fera pas attendre... et c’est normal. Il y a quelque temps, alors qu’on pouvait raisonnablement tirer les enseignements d’une expérimentation suffisamment longue et que s’amorçait une généralisation rapide et “spontanée”, nous ne cessions d’écrire et de dire que si des précautions n’étaient pas prises et des moyens d’information et de formation n’étaient pas mis en place, on risquait de voir les principes généraux à l’origine de l’expérience oubliés ou pervertis et de graves désillusions se produire. Qu’est-ce qui peut bien pousser cette école, dont nous publions le compte-rendu d’une réunion de concertation sur ce sujet, à vouloir une B.C.D. ? La mode ? Le fait qu’un texte paru au B.O.E.N. “officialise” ce type d’équipement ? Curieux, ce souci d’être une école “d’avant-garde” en se dotant d’une “nouveauté” mais en prenant soin de se prémunir contre tout ce qu’il peut y avoir de nouveau dans cette nouveauté. Car, non moins curieusement, ce qui frappe dans les propos rapportés (1), c’est que les personnes présentes sont toutes très informées des conséquences possibles de leur décision. (1) NB.: c’est nous qui, par des caractères gras ou des majuscules, avons distingué certains passages.
COMPTE-RENDU DE LA RÉUNION DE TRAVAIL
Objet : Implantation d’une BCD à l’école
Cette réunion a été placée sous la présidence du Directeur et du Directeur adjoint de l’École Normale Avec
la participation : Les
points suivants ont été
abordés : Accord de principe des maîtres.
Finalité de la B.C.D. L’objet de cette réunion n’a pas laissé les enseignants de l’école indifférents. Ils ont préalablement réfléchi en équipe à l’importance d’une telle création et aux conséquences au niveau de la classe et de la pratique pédagogique. C’est ainsi que, dès l’ouverture de la séance afin que les maîtres de l’école jugent de l’opportunité d’une B.C.D. à l’école, Madame la Directrice demande que les finalités soient précisées. Des informations apportées par la Directrice et par le professeur de I’E.N. il en ressort que :
- L’École Annexe se doit d’être une école “d’avant-garde” ouverte à toutes les techniques pédagogiques nouvelles. Il serait regrettable de rejeter un projet aussi intéressant. - La B.C.D. est un centre de documentation en relation avec les activités normales. - C’est une bibliothèque commune à l’ensemble classes de l’école qui offre aux maîtres et aux élèves (du CP au CM) des documents variés. C’est avant tout un centre d’information. - C’est un lieu actif qui incite à une collaboration riche entre divers intervenants. - La B.C.D. c’est encore un centre de ressources diversifiées qui, comme la bibliothèque de classe, a pour objectif d’apporter une motivation et un intérêt pour la lecture. - La B.C.D. est liée au projet pédagogique de l’école. - De plus, elle a pour objectif l’auto-forrnation des élèves. Un collègue ajoute : - “La B.C.D. est un projet intéressant qui apporterait une base solide de documentation, élargirait les possibilités des élèves et des maîtres et qui favoriserait la formation d’équipes pédagogiques. ” La diversité des fonctions que la B.C.D. est appelée à exercer apparaît ici avec une force par rapport aux bibliothèques de classes aux avantages plus limités. En contre partie, l’implantation d’une B.C.D. requiert certaines conditions pédagogiques qu’il est indispensable de préciser. À la question d’un collègue : “LA B.C.D. SERA-T-ELLE UN OUTIL POUR L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE ? ” Monsieur le Directeur répond : “CERTAINEMENT PAS, la B.C.D. est une mesure d’avant-garde qui sera introduite avec prudence; mais cela peut avoir une influence certaine et faire évoluer des pratiques pédagogiques.” Autre question concernant l’apprentissage de la lecture : “L’IMPLANTATION D’UNE B.C.D. IMPLIQUE-T-ELLE L’APPLICATION DE LA MÉTHODE PRECONISÉE PAR J. FOUCAMBERT ? ”. La réponse de Monsieur le Directeur a été franchement négative.
FONCTIONNEMENT DE LA B.C.D. La directrice en est responsable. Les intervenants extérieurs (P.E.N., Normaliens, Parents) devront s’y conformer. “En cas de problème” c’est la Directrice qui décide en dernier ressort.
La B.C.D. étant un lieu d’animation autour du livre on peut considérer, à certains moments - les après-midi par exemple dans le cadre des activités d’éveil - un décloisonnement des classes par niveaux. Ce serait une utopie, précise Monsieur le Directeur, de pratiquer un éclatement total des classes. L’accent a été mis lors des discussions sur la “LIBRE CIRCULATION DES ÉLÈVES” préconisée par FOUCAMBERT. Cette initiative qui suppose une modification des pratiques pédagogiques, des programmes, des horaires, inquiète fortement les maîtres. Il revient à l’EQUIPE PEDAGOGIQUE de déterminer les limites de la fréquentation de la B.C.D. par les élèves pendant le temps scolaire. Aucun bouleversement ne doit être apporté au niveau des objectifs de l’enseignement élémentaire. Par contre, certaines activités peuvent réunir les élèves par petits groupes - lecture, recherche d’information etc., sous la responsabilité d’un animateur (Parents, Maîtres, Elèves instituteurs, C.P.E.N.). Les diverses activités doivent être prévues figurer dans un planning établi après concertation avec les maîtres concernés.
La présence d’une personne à la B.C.D. pour guider et conseiller les élèves est obligatoire. La création d’un poste de documentaliste n’est pas souhaitable. Des solutions sont alors proposées : Participation des parents ; Encadrement par les C.P.E.N. qui peuvent dans cadre de leurs 6 heures consacrer une partie de cet horaire au fonctionnement de la B.C.D. Notons que les C.P.E.N. resteront toujours 18 heures avec leurs élèves et seront responsables de la pédagogie. L’idéal serait le fonctionnement de TROIS CPEN sur DEUX CLASSES. Les Normaliens. A ce propos Madame la Directrice précise que la B.C.D. ne doit pas servir de champs d’expériences pédagogiques aux normaliens sans l’accord des maîtres. Le professeur d’E.N. rappelle alors que le projet d’Ecole Normale n’est pas lié à notre projet d’école, mais qu’il y aura certainement des retombées pour les normaliens. D’autre part, les enfants amenés à se servir de la B.C.D. ne sont pas simplement consommateurs, il est important qu’ils participent eux aussi au fonctionnement de cette B.C.D. C’est donc à l’ÉQUIPE DE PILOTAGE qu’il revient de trouver le mode de fonctionnement qui conviendra le mieux. FINANCEMENT DE LA B.C.D. La B.C.D. sera financée, en ce qui concerne son installation et le renouvellement du fonds documentaire par le CONSEIL GENERAL indépendamment de crédits de fonctionnement alloués à l’école. Une somme de 60 0O0 FRANCS (SOIXANTE MILLE FRANCS) a été demandée au CONSEIL GENERAL pour l’achat du mobilier, des livres et des accessoires. Toutes les commandes passeront par l’Intendance de l’Ecole Normale.
INSTALLATION DE LA B.C.D. Un local de 50 m2 sera bientôt construit pour accueillir la B.C.D. qui aurait, en fait, nécessitait une surface de 100 m2 (projet non retenu faute de moyens du Conseil Général). En conséquence, le Directeur de l’E.N. propose malgré la réticence des maîtres, l’installation de la B.C.D. dans l’actuelle salle polyvalente de l’école (70 m2) en échange de la future salle de 50 m2. L’équipement et l’aménagement de la B.C.D. seront conçus et effectués par les Normaliens. GROUPE DE PILOTAGE Constitution de ce groupe: - La Directrice de l’École demeure le “Chef-pilote”. - Trois ou quatre maîtres motivés et intéressés par les questions d’organisation et d’ordre matériel - la C.P.A.I.D.E.N. - un ou deux P.E.N. invités à apporter leur aide technique - deux normaliens - des représentants de Parents. La Directrice devra sans tarder réunir les responsables des Parents d’Elèves avec le groupe de pilotage, après l’élaboration du projet interne, pour information. Il sera alors demandé aux Parents de participer activement au projet. CONCLUSION Les objectifs de la B.C.D. ayant été définis, le projet de son implantation a été adopté à l’unanimité, moins une abstention. Un projet pédagogique devra être mis en route le plus tôt possible. En définitive, la B.C.D. ne sera installée à l’École Annexe que lorsqu’elle aura reçu le “feu vert” de la Directrice. |