La revue de l'AFL Les actes de lecture n°27 septembre 1989 ___________________ À
PROPOS DE... POLÉMIQUE On sait que Bernard TORESSE (« qui n'est plus à présenter » comme il est écrit dans le texte que nous reproduisons ci-après) abreuve tout le monde (et notamment les instituteurs et les IDEN) de notes, de lettres et autres circulaires pour présenter son manuel de pédagogie pratique, échauffé qu'il est par ce que lui ont dit des « spécialistes du cerveau » (sic) et ce que peuvent, par ailleurs, dire de la lecture et de son apprentissage des malfaisants de l'idéovisuel. Banal et qui ne vaut pas qu'on en parle. Même pour noter notre étonnement que la revue de L'École Émancipée, sous la plume de Jean MOUROT, en son numéro de février-mars 1989, se félicite qu'enfin, grâce à Bernard TORESSE, on revienne à de sains principes et que le « terrorisme » cesse. Dans le département de... paraît une « Lettre » mensuelle que l'Inspecteur d'Académie destine aux IDEN et aux Conseillers Pédagogiques. On peut y lire dans un récent numéro, le texte suivant : « Un combat d'idées est toujours beau quand il est loyal. Bernard TORESSE, qui n'est plus à présenter, déterre la hache de guerre et publie chez Hachette « Comment apprendre à lire aux enfants de 6/7 ans » où il envoie quelques flèches empoisonnées au grand manitou des lecturologues, Jean FOUCAMBERT, dont il épingle en neuf erreurs « la procédure idéovisuelle » : « ... Je recourrai à des spécialistes du cerveau pour savoir, d'une part, s'il faut interdire à l'enfant de 6 ans la pratique de l'oralisation et si, d'autre part, l'écolier doit être placé dans des situations de même nature que celles du lecteur expérimenté, afin d'effectuer les mêmes opérations intellectuelles que ce dernier. » Les seconds couteaux ne sont pas épargnés non plus, ils répliqueront sans doute rapidement, ce qui nous promet de belles joutes si nos deux grands débardeurs - Pivot et Polac - offrent leur tribune aux uns et aux autres. Mais le but de Bernard TORESSE n'est pas d'attaquer, il est généreux : rassurer les maîtres de CP, les armer et les amener tous à une réussite de 90% en fin de CP. Pour cela, l'auteur décortique, classe et présente les méthodes de lecture après leur avoir fait une petite toilette. Il les expose toutes en long et en large, afin que chacun puisse les maîtriser et en choisir une en fonction de ses options personnelles et de son expérience. Nul ne niera la valeur de ce travail dans un domaine qui nous préoccupe au plus haut point, et certains IDEN inciteront les maîtres de CP à lire l'ouvrage, même si son aspect polémique doit faire frémir d'horreur quelques inconditionnels. Mais le cas échéant, ne devons-nous pas, comme nous y engage M. l'Inspecteur d'Académie, « savoir écouter l'autre pour s'enrichir de ses différences ? » Un IDEN, sans doute destinataire de la « Lettre » en question, a rédigé la réponse suivante : « À propos de la présentation de l'ouvrage de Bernard TORESSE, le problème est bien lA : il faut évoluer... et faire évoluer. Au niveau des IDEN et des équipes d'animation de circonscriptions, est-il opportun et important de relancer ou d'alimenter des polémiques stériles ? Certainement pas. Nous avons autre chose à faire. Il s'agit pour nous d'améliorer la réussite scolaire. Nous savons que malgré les constats d'échec et l'évolution des sciences (cf. le guide « Pour une meilleure réussite scolaire » publié par le GPLI), la pratique moyenne reste profondément conservatrice. Nous savons que le nombre d'enseignants ayant rénové leur pratiques en profondeur peut être évalué, selon I'INRP, à 10 ou 20%, que le nombre d'instituteurs appliquant les théories les plus extrémistes, parfois caricaturées, est voisin de 5 pour 1000... Il s'agit donc de faire changer les choses dans la perspective des 80% de bacheliers et dans la perspective d'une authentique maîtrise de la lecture (et non du déchiffrement) sous toutes ses formes. Nous ne réussirons pas ce pari en confortant les pratiques qui ont fait la preuve de leur inefficacité. Il faut ouvrir des perspectives, provoquer des pratiques plus intelligentes, encourager les efforts, l'innovation, caprice en compte des réalités. L'ouvrage de B. TORESSE ne nous y aidera certainement pas. S'il est vrai qu'il faut savoir écouter l'autre pour s'enrichir de ses différences, il faut aussi, pour les IDEN, éviter de contribuer à la résistance au changement et à la recherche d'alibis qui lui est liée. Un combat d'idées n'est vraiment beau que s'il n'est pas dominé par la démagogie et s'il permet de faire progresser les idées et les hommes. » Michel Violet |