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La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°27  septembre 1989

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À PROPOS DE...

LES FRANÇAIS SONT-ILS NULS ?

Le point de départ du livre de Sylvestre HUET et Jean-Paul JOUARY, Les Français sont-ils nuls ? (Éd. Jonas), est une enquête de l'IFOP portant, sous forme de quatre questions très simples de type QCM, sur des domaines scientifiques connus et vulgarisés depuis longtemps, tels que la théorie de l'évolution, la nature de la lumière, les propriétés du noyau et la notion de relativité. On sait quelle ignorance révèlent ces sondages, « ignorance ou oubli des théories concernées (qui) provoquent dans tous les cas une démarche pré-scientifique », pour reprendre les termes de ces auteurs. (Une autre enquête, par exemple, avait montré que 30,5% des gens pensaient que le soleil tourne autour de la terre.)

Pour élucider les raisons de cette ignorance, et voir en particulier quel rôle l'enseignement pouvait jouer dans les réponses, S. HUET et J.-P. JOUARY ont eu l'idée de poser ces mêmes questions à des enfants de 7 et 8 ans, des collégiens de 10 et 11 ans, des étudiants en sciences et en philosophie. On se doute des résultats : mises à part celles des étudiants en sciences, les réponses ne diffèrent guère de celles de la population interrogée par l'IFOP, elles-mêmes très proches de celles des enfants. Conclusion de nos auteurs : l'école (et l'information scientifique en général) se contentent de divulguer les résultats de la science mais négligent souvent l'accès aux démarches et aux modes de raisonnements qui ont présidé à la découverte de ces résultats et qui ont permis de « discerner l'essence de l'apparence », de distinguer entre représentations abstraites et données immédiates. On enseigne des faits, on n'apprend pas à penser. Or, la connaissance scientifique, contrairement à l'expérience quotidienne, parce qu'elle repose sur une représentation abstraite de la réalité, forme l'esprit critique et permet d'échapper aux idées fausses et aux conceptions archaïques et irrationnelles. Imperfection du système ou volonté délibérée ? Les auteurs du livre ne répondent pas mais notent tout de même qu'ainsi « on cultive la passivité sociale et politique et (on).entretient l'idée d'un abîme infranchissable entre sciences et citoyens ».

Si nous faisons état de cette réflexion sur les problèmes de l'éducation scientifique, c'est parce qu'elle rejoint, à plus d'un titre, celle que nous menons sur la lecture et son apprentissage, sur le rôle de l'école (celui qu'elle a, celui qu'elle pourrait avoir), sur la fonction de l'écrit enfin. De L'école de Jules Ferry de Jean FOUCAMBERT au dossier sur les Villes-Lecture en passant par nos recherches sur les conditions de réels apprentissages, n'essayons-nous pas, dans le domaine qui nous occupe et à partir des mêmes constats, de trouver remède à la situation que S. HUET et J.-P. JOUARY déplorent ? « La lecture est l'outil qui permet de dépasser les apparences »* et la lecturisation est une réponse aux exigences démocratiques et aux développements technique et culturel de notre temps parce qu'elle est le moyen d'élargir « les bases sociales de ce qui s'exerce dans l'usage de l'écrit : la capacité de travailler la réalité avec un outil particulier pour en extraire des modèles de représentation et de transformation »*.

Michel Violet

* Dossier sur le projet de Fédération des Villes Lecture. AFL, mai 1989.