La revue de l'AFL Les actes de lecture n°27 septembre 1989 ___________________ UN SERVICE GÉNÉRAL Nous continuons, dans cette rubrique consacrée aux BCD et déjà composée de nombreux textes (cf. AL n°20 à 25), d’illustrer par des témoignages ce que nous entendons par « service général » et par « observatoire des écrits ». La BCD de l’École du Lac à la Villeneuve de Grenoble que nous présente Michel EYMARD est une « vieille » BCD puisqu’elle a fait partie des six premières BCD expérimentales. C’est dire qu’elle a beaucoup évolué jusqu’à devenir le support des actions les plus diverses de la lecture de l’école qu’on efforce d’intégrer de plus en plus dans le réseau des équipements disponibles.
Les lignes qui suivent ne constituent qu'une photographie, à un instant donné, de l'état de nos réflexions et de nos pratiques. Pratiques qui sont le résultat actuel de l'expérience accumulée au cours des années passées, le fruit de moments de crise et de remises en cause qui n'ont pas manqué de naître chaque fois que l'équipe a eu une conscience suffisante des limites de son action. Moments de crise et de remise en cause... Il s'agit là, sans doute, du prix à payer lorsqu'on fait sienne l'idée que c'est en entreprenant qu'on apprend. Comme le dit Régis DEBRAY, « en prenant le risque d'une cause, nous courons le seul qui vaille la peine, celui de se tromper... Seuls les combats sans risques balisent dans la lumière car leur enjeu n'est pas assez grave pour déranger vraiment. C'est une histoire immobile que celle où l'on se destine par avance au cadrage des caméras et à la connaissance des foules »1. Pratiques qui sont aussi à replacer dans le contexte d'un quartier que la première Municipalité DUBEDOUT (1965-1971) a voulu expérimental à tous points de vue, dès sa conception. La volonté, affichée dès le départ, de brassage social et culturel, d'intégration des équipements et des actions, de lutte contre les échecs de toute nature n'est pas étrangère à la dynamique qui s'est instaurée dans le quartier. Cela s'est traduit, pour ce qui nous concerne, par une grande vigilance à l'égard de nos pratiques, non seulement dans l'adéquation avec les objectifs poursuivis mais encore dans les effets qu'elles produisent. Alors, la B.C.D. ? Pour résumer, disons que le lieu a perdu de son « bouillonnement » au fur et à mesure que l'école a fait évoluer son organisation d'un fonctionnement prépondérant en groupes classes vers un fonctionnement plus centré sur des activités ou des projets prenant chacun en compte à sa manière, un nécessaire travail sur l'écrit (utilisation ou production). La B.C.D., en tant que lieu investi d'un rôle spécifique, a même, un temps, été délaissée. Ce n'est que peu à peu qu'est apparue la fonction originale de cet équipement : une fonction d'aide à des actions qui elles-mêmes s'insèrent dans une politique de lecture dans laquelle l'école est impliquée mais qui déborde largement ses murs. Concrètement, les choses se traduisent de la façon suivante : 1. Par rapport à l'information sur la nature et les enjeux de la lecture et à la formation des partenaires. La B.C.D. a pour tâche de : - Constituer progressivement des dossiers rassemblant : .
des éléments d'information issus d'ouvrages et de
revues ; - Mettre à disposition des expositions ou autres supports (montages diapos, cassettes vidéo...) ou donner des indications sur les moyens de se les procurer. -
Collectionner les journaux produits par l'école ou en
collaboration avec d'autres équipements proches et confus
comme organes au service d'une politique de lecture (« Lire,
Agir, Comprendre », « Trop petit pour
lire »)2.
Ceci pour faciliter le travail de préparation : -
des rencontres avec les parents (au niveau d'une classe, d'un cycle,
d'un groupe de travail, etc.) ;
-
des séquences de réflexion avec les enfants et pour
jouer le rôle de banque de données à laquelle on
peut avoir recours au moment de rédiger un article par
exemple. 2. Par rapport à la ré implication de chacun dans la responsabilité et le pouvoir sur les différents aspects de sa vie et à une autre lecture des écrits existants : Redonner aux enfants et aux adultes du pouvoir sur leur vie. Un souci constant mais aussi une tâche complexe dans laquelle on ne peut progresser que par réajustements successifs au fur et à mesure qu'on comprend mieux les limites de ce qu'on entreprend, les impasses dans lesquelles on s'est engagé. S'imposer de laisser des traces de ce que l'on fait, c'est à la fois se rendre service à soi-même, puisque c'est s'obliger à prendre le temps du recul, et rendre service à ceux avec qui on travaille puisque c'est donner information et matière à réflexion. C'est aussi s'imposer une contrainte à laquelle on ne sacrifie pas toujours s'il n'y a pas un dispositif exigeant par rapport à ça. D'où l'importance de la tâche de « mémoire du groupe » confiée à la B.C.D. : - Rassembler des textes relatant le travail fait avec les enfants dans les groupes en vue de les impliquer : .
dans la construction de leurs apprentissages (leur donner à
connaître les programmes et horaires officiels auxquels se
réfèrent les maîtres, les objectifs prioritaires
qu'ils retiennent et les modalités pratiques qu'ils
choisissent pour les atteindre) ; - Faciliter la prise en charge, par des groupes intégrant des « non-lecteurs », de manifestations « culturelles » destinées à un public hétérogène dans la ville (par exemple : interventions chez des libraires pour le conseil auprès des clients ; actions qui s'intègrent aux festivals qui jalonnent l'année scolaire ; festivals du polar du conte, de la bande dessinée, etc.). - Inciter à la réalisation de documents audio-visuels et écrits sur les actions conduites. - Impulser et coordonner les tentatives en matière d'autre lecture des écrits existants et d'exploitation des raisons de la non-lecture. -
Rassembler des textes relatifs aux pistes explorées. 3. Par rapport à la mise en réseau des équipements collectifs, à l'information sur les écrits et à la formation à l'utilisation des aides disponibles. La proximité de la Médiathèque municipale du quartier, la mise en place progressive d'un système informatique de gestion du prêt commun à toutes les bibliothèques de la ville et d'un système télématique de consultation des fichiers de toutes les bibliothèques, la richesse du C.R.D.P. proche en matière de documents audiovisuels, sont autant de facteurs qui influent sur les tâches qui incombent plus spécifiquement a la B.C.D. Il s'agit moins de prêter que : - d'informer sur les possibilités offertes par les équipements de la ville et en favoriser l'accès (en liaison avec les bibliothécaires du quartier) ; - d'informer et de permettre de s'informer sur la production en matière de presse et de littérature enfantines : présentations de livres, « clubs lecture », travail sur les catalogues, les revues spécialisées, visites chez des libraires, etc. ; - de mettre en réseau les écrits entre eux : présentations de livres, tables à thèmes ; - de travailler sur les accès spécifiques à chaque type d'écrit, sur l'utilisation des fichiers... Aussi
le fonds de la B.C.D. se caractérise-t-il moins par son
abondance que par une diversité nécessaire à une
utilisation des écrits en tant qu'objets d'étude. 4. Par rapport à la production d'écrits La
B.C.D. joue le rôle de banque de données (cf. point 1),
permet la réflexion sur les caractéristiques
« techniques » des écrits, suivant la
fonction assignée et le public visé, met à
disposition les informations nécessaires au fonctionnement
d'ateliers d'écriture (entraînement). 5. Par rapport à l'entraînement La B.C.D. s'efforce de mettre à disposition des responsables du suivi de l'entraînement sur ELMO les outils nécessaires à un réinvestissions sur papier, des compétences exercées sur micro-ordinateur. Que dire pour conclure, si ce n'est que vous venez de découvrir une photographie qui comme toutes les photographies rend compte de la réalité en même temps qu'elle la transforme. Une chose me semble certaine : écrire cet article m'aura permis de prendre de la distance par rapport aux pratiques quotidiennes. La B.C.D. de demain ne sera pas la même que celle aujourd'hui. Michel EYMARD 1. In Que vive la République, Éd. Odile Jacob. 2. Nous avons présenté ces productions de l'École du Lac lors de leurs premières parutions.
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