Les actes de lecture n°52 décembre 1995
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note de lecture |
Histoires de la
lecture
Un bilan des recherches. Ss la direction de Roger Chartier IMEC. Ed. de la M.S.H. 1995 Ce livre rassemble les actes d'un colloque intitulé : Histoires de la lecture : un bilan des recherches qui s'est déroulé à Paris les 29 et 30 janvier 1993 avec le soutien des ministères de l'Education Nationale et de la Culture. Les éditeurs annoncent les "Premières rencontres nationales de la lecture et de l'écriture". Cette publicité aurait de quoi rendre méfiant compte tenu du nombre de colloques, de parutions, d'entretiens, de communications sur le sujet depuis une dizaine d'années. Au-delà de la prévention que l'on peut avoir pour l'accroche publicitaire, qui est somme toute de bonne guerre pour qui veut vendre un livre, le titre incite à la lecture du livre qui précisément s'intéresse à la lecture et à l'écriture. Malgré la qualité des intervenants, chercheurs-universitaires pour la plupart, venus de plusieurs pays d'Europe, le livre lui-même laisse sur sa faim. En effet pour savantes qu'elles soient, et partant porteuses d'informations et d'incitations à la réflexion, les communications subissent les limites de la structure "colloque". On se lasse à chercher à cette série de textes courts, sans homogénéité sauf celle donnée par l'éditeur et les responsables de la rencontre, une cohérence, fut-elle polémique, qui permette de s'approprier la problématique qui a réuni l'ensemble de ces chercheurs. Histoire de l'édition en France et en Europe, histoire de l'objet-livre en France et en Europe, histoire de la lecture orale et silencieuse, discussion du rapport entre la lecture et l'écriture font l'essentiel des 15 textes réunis dans ces 258 pages. Ce qui prévaut, ce sont les raccourcis qui ne trouvent pas leurs compléments dans le débat. Ainsi, que penser de la proposition de F. Barbier : "Prenons l'exemple, classique, supposé, entre lecture orale et lecture silencieuse. Si, effectivement, la lecture "à haute voix" semble plus nécessairement présente au sein des milieux plus défavorisés, elle ne caractérise pas, en tant que telle, un mode d'accès archaïque au texte imprimé (sans pour autant l'exclure). En fait, la lecture orale constitue plutôt le moyen de renforcer, au sein d'un groupe bien déterminé, des liens spécifiques de cohésion et de sociabilité, éventuellement une méthode d'apprentissage (on lit à haute voix dans le cadre de l'école). Faite de l'un à l'autre ou aux autres , elle peut s'analyser comme un don, et constitue, de la même manière que le cadeau de livres, une composante significative d'un système d'échanges sociaux." ? Que penser de tant d'affirmations, certes tout en nuances, mais combien contradictoires ? De la même façon, on reste sceptique face à la thèse de A.M. Christin qui affirme l'antériorité de la lecture sur l'écriture en prenant pour référence la peinture et les écritures non alphabétiques comme incitation à la lecture ; non point que la thèse soit en soi contestable mais précisément l'absence de contestation ne permet pas au lecteur de juger sur pièce. En somme "Histoires de la lecture" convoque des pratiques nouvelles de lecture que sont les actes de colloques où le lecteur est invité à trouver le "reader-digest" de recherches sérieuses dont les responsables ne peuvent rendre compte ni dans l'espace oral de la communication ni dans l'espace écrit du texte retranscrit. Plus encore "Histoires de la lecture" interroge ces colloques qui, sans prendre le risque de débats sur des questions en débat, instaurent de brefs soliloques où la prudence est plus de mise que la mise en commun de recherches vivantes. Enfin "Histoires de la lecture" appellerait une réflexion sur le passage de l'écrit à l'oral : comment rendre compte de longues années de travaux écrits (lecture/rédaction) en quelques minutes d'intervention orale ? comment traduire ces brèves interventions en un écrit qui ne trahisse pas l'acte d'écriture et de lecture ? Bref on peut se demander quelle finalité sociale est en jeu dans cette multiplication de colloques sur des questions graves : s'agit-il de permettre la rencontre et la confrontation de recherches et de chercheurs ? s'agit-il de faire le point sur les résultats obtenus ? ou s'agit-il d'entreprises de marketing autour de questions brûlantes au détriment et de la recherche et des chercheurs ? Quant aux publications des actes de colloque, s'adressent-elles à des lecteurs-chercheurs, sont-elles vulgarisations pour un vaste public, ou sont-elles titres éditoriaux pour rappeler qu'on s'intéresse à la question ? Cela engage l'écriture et la lecture. Jacques BERCHADSKI. |