Formation de base et travail. 
Ss la direction de Jean Paul Hautecoeur. 
Institut de l'UNESCO pour l'Education. 
Hambourg. Québec. 1996. 420 p. 
 

Alpha 96, quatrième publication de l'Institut de l'UNESCO pour l'Education rend compte sous la direction de J.Paul Hautecoeur et comme les précédentes (*) d'un programme biennal de recherches-actions coordonné par l'Institut de Hambourg. 

À la différence des publications antérieures consacrées aux stratégies d'alphabétisation dans les pays industrialisés, dans cette mouture 96 le terme d'alphabétisation précisément disparaît pour être remplacé par ceux de formation de base. C'est que, comme l'explique J.Paul Hautecoeur dans son introduction, les recherches-actions dont il est rendu compte ont porté " sur des pratiques sociales expérimentales ou marginales qui, volontairement ou non, se démarquent des pratiques dominantes " et dans lesquelles il est fait peu d'offres classiques d'alphabétisation. C'est aussi que, dans le vaste domaine de l'éducation des adultes - " capitalisme de marché à l'état pur " et " cohortes massives de disqualifiés et de déclassés " obligent - la priorité maintenant accordée au travail et à l'emploi fait que les préoccupations spécifiquement sociolinguistiques des actions d'alphabétisation deviennent minoritaires malgré " les stratégies des organisations centrales ". 

Qu'entend-on ici par formation de base ? Il ne s'agit pas de la conception courante, celle d'une formation mise en oeuvre sous forme de programmes par des établissements d'enseignement, des associations ou des entreprises, prescrite " d'une position centrale ou supérieure " dès qu'il y a " jugement de disqualification ou d'incompétence ", qui sous-entend " insertion professionnelle, employabilité, flexibilité... " et qui serait "de base" parce que minimale et première. Il s'agit de celle qui peut naître des échanges et de la transaction, au sein de groupes et de communautés " exclus de la compétence légitime " et susceptible de transformer en compétences adaptées aux exigences économiques des savoir-faire traditionnels. Les équipes des recherches-actions - coopératives sont-elles appelées - se sont donc intéressées à des initiatives locales de travail dans des lieux marginalisés et impliquées comme partenaires dans des solutions alternatives de développements communautaires. Ce faisant, elles se sont efforcées de définir et de proposer des politiques de formation de base et de créations d'emplois échappant " à la domination inconditionnelle du marché unique " dans des populations aux conditions de vie particulièrement difficiles. 

L'ouvrage regroupe 18 monographies de 20 chercheurs (sur les 30 de l'équipe initiale) de 12 pays (sur 17 au départ) d'Europe et d'Amérique du Nord. Remises en cause des pratiques habituelles d'alphabétisation en " ce qu'elles visent à détruire le savoir ordinaire " et présentations d'autres conceptions de la "médiation éducative" (passer de " l'apprendre pour savoir faire au faire en apprenant ")... chantiers de travail élaborés par des "ouvriers-apprenants"... stratégies nouvelles d'interventions dans 4 expériences de développements communautaires... nouvelles organisations socio-économiques et projets de résistance aux délocalisations... pratiques de formation dans des entreprises dite solidaires ou d'utilité sociale... tels sont, trop brièvement répertoriés, les sujets des 5 grandes parties d'Alpha 96. À remarquer encore en première partie, une longue analyse de Jean Paul Hautecoeur de " l'obsession d'alphabétisation ", de l'évolution et des fonctions idéologiques des discours sur ce sujet, qu'ils soient populaires ou des milieux dirigeants.  

On devine l'intérêt de ces travaux qui s'efforcent d'explorer, de décrire et de promouvoir des solutions à la pauvreté, à la destructuration, à la précarité qu'instaure dans des populations ou des zones entières des pays industrialisés " l'hégémonie mondialisée du marché unique ", solutions communautaires et coopératives qui ont le mérite, en faisant émerger des compétences utiles dans le nouveau contexte économique, de donner aux intéressés le choix et les moyens de leurs initiatives. 

M.V. 

(*) Voir A.L. n°42, juin 93, p.9 et n°50, juin 95, p.10.