La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°55  septembre 1996

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SONDAGE 
 
 

Nous rappelons dans le texte introductif à cette série d'articles consacrée à la "bibliothèque" d'ELSA, qu'ELMO avait été conçu au moment où des BCD s'implantaient dans les écoles et que, dans l'esprit des auteurs du logiciel, les deux "équipements" étaient complémentaires et nécessairement associés dans une même pédagogie de la lecture... En ajoutant que les réticences de beaucoup d'enseignants à introduire les écrits "sociaux" à l'école et la méconnaissance par certains de la production jeunesse avaient rendu difficiles les actions conjuguant le logiciel et la BCD. 

Profiter de la refonte du logiciel pour concevoir une "bibliothèque" qui s'appuie entièrement sur la littérature pour la jeunesse et contribuer ainsi à introduire davantage cette dernière dans l'école et à la mieux faire connaître aux enseignants et aux enfants était-il toujours aussi nécessaire ? Les choses n'ont-elles pas changé en ce domaine ? 

C'est ce qu'on a cherché à savoir par un questionnaire envoyé à 141 enseignants de deux circonscriptions (l'une au Nord et l'autre au Sud de la France) exerçant en cycle 3, c'est-à-dire dans les classes élémentaires dans lesquelles ELSA pourra être utilisé. 
 

Le questionnaire.

Chaque instituteur ou institutrice a donc reçu la liste des livres dont sont extraits les textes d'ELSA, liste reproduite p. et de ce présent numéro (et dans laquelle ne figurent donc pas les magazines et autres périodiques). 

À propos de chaque ouvrage (dont on a indiqué le titre, l'auteur, l'éditeur et la collection), il fallait cocher la réponse aux questions suivantes : 
 
 
Je ne connais  pas je connais
je l'ai seulement lu il est la BCD je l'ai utilisé en classe
 
 

Les réponses. 

Faut-il préciser que les auteurs de ce "sondage" ne lui accordent pas plus de vertus qu'il n'en a ? L'importance de la "population" interrogée qu'on ne peut considérer comme un échantillon, la nature des questions, les modalités des réponses, la quantité des retours empêchent de lui prêter une quelconque scientificité, une quelconque représentativité ! Il s'agit d'une enquête ponctuelle et anecdotique dont on se gardera bien de tirer des conclusions générales et péremptoires. Ceci dit, nous avons reçu 36 réponses (31 sur 65 dans une circonscription, 5 sur 76 dans l'autre !). Ce faible taux est peut-être déjà une indication car le questionnaire était bien évidemment anonyme, facilement et rapidement rempli. Réticence à faire état d'une méconnaissance ou désintérêt pour le sujet ? La colonne "Il est à la BCD" de 11 questionnaires ne contient aucune réponse. Plutôt que d'imaginer des BCD n'ayant aucun des quelques 200 ouvrages cités, on peut supposer que 11 enseignants sur les 36 ayant répondu ne disposent pas d'une BCD dans leur école (sans qu'on puisse savoir de combien d'écoles il s'agit, puisque plusieurs questionnaires peuvent émaner du même établissement). Toujours à propos des BCD on note, même sur un aussi petit "échantillon", de grandes disparités. C'est ainsi que des questionnaires signalent que beaucoup de livres de la liste (entre 70 et 80) sont à la BCD alors que d'autres n'en pointent que 3 ou 4. Encore une fois, on ne sait pas l'importance relative de ces écoles mais on peut penser qu'on a affaire soit à des bibliothèques de classe soit à des BCD dont le fonds est assez démuni car dans la liste des ouvrages figurent bon nombre de "classiques" et de livres récents très connus. D'une manière générale, le fait d'avoir une BCD bien dotée n'implique pas qu'on utilise la littérature jeunesse en classe. Tel enseignant, par exemple, fait état d'une BCD avec un fonds vraisemblablement important (63 des livres de la liste sont à la BCD) alors que seulement 7 livres sont signalés comme "utilisés en classe" (sans qu'on sache bien ce qui est mis sous le terme "utilisé" quand il s'agit de Robinson Crusoë, de La gloire de mon père de Pagnol, de Crin Blanc de Lamorisse, de Poil de carotte de Jules Renard ou du Journal d'Anne Franck, dont des extraits sont d'incontournables piliers des "livres de lecture courante"). 

Pareillement, aucune relation entre la connaissance de la littérature enfantine et l'usage qu'on en fait en classe. Un(e) enseignant(e) (dans une école sans BCD) indique connaître pour les avoir lus plus d'une trentaine d'ouvrages et n'en avoir "utilisé" aucun. Il ou elle n'est pas seul(e) dans ce cas. 
 
 

Quelques chiffres 

1. Quels sont les livres étudiés en classe les plus cités ? 
 
 
 
Ouvrages nommbre de citations sur 36 réponses

La gloire de mon père 

Le petit prince 

Poil de carotte  

Vendredi ou la vie sauvage 

Les récrés du petit Nicolas 

Tout l'univers 

Robinson Crusoë 

C'est à lire CE2  

Les Contes pour enfants pas sages 

Les contes rouges du chat perché  

Crin Blanc 

Alice au pays des merveilles

 20 soit 56% 

 13 soit 36% 

  12 soit 33% 

 11 soit 31% 

 9 soit 25% 

8  soit 22% 

 7  soit 19% 

 7 soit 19% 

6 soit 17% 
 
 

 6 soit  17% 
 

 5 soit 14% 

4 soit  11%

viennent ensuite : Toufdepoil - Les malheurs de Sophie - Jonathan Livingstone le goéland - Recycler les déchets... 

On le voit - indépendamment du fait qu'on ne peut savoir exactement ce que chacun met sous le terme "étudié" - pénètrent dans les classes à des fins d'enseignement des classiques consacrés par le temps et l'institution et écrits par des auteurs connus et reconnus. Une littérature patrimoniale, abondamment utilisée et depuis longtemps par les manuels... ayant fait l'objet d'éditions multiples et connue aussi par des adaptations cinématographiques et télévisuelles. 
 
 

2. Les livres qui SONT À LA BCD les plus cités.  

Même remarque pour le fonds des BCD que pour les livres introduits dans les classes puisque ceux cités comme ayant été utilisés en classe sont les plus présents dans les BCD (La gloire de mon père cité 24 fois - Le petit prince, 19 fois - Poil de carotte, 18 fois - Vendredi ou la vie sauvage, 16 fois, etc.). Sont, en outre, cités : Les contes de Perrault Cité 11 fois  

 

L'histoire de la France (Le Moyen Age)  :11 fois

Pinocchio  : 10  fois

La vie privée des hommes au temps de Napoléon : 9  fois

Une nuit, un chat (Pommaux) : 6  fois

Cabot-Caboche (Pennac) : 6   fois

Pépé la boulange (Mauffret) :  6   fois

Rendez moi mes poux (Pef) : 6   fois

La sixième (Morgenstern)  : 6   fois

Un jour un loup (Solotareff) : 6  fois

Comment va la santé ? (Dolto) : 5   fois

Contes et histoires vraies de Russie (Tolstoï/Gay)  : 5  fois 

Même les princesses doivent aller à l'école (Morgenstern) : 5   fois

La notoriété de leurs auteurs expliquent sans doute la présence de certains livres dans les BCD. 53 ouvrages sont absents de toutes les BCD de l'échantillon, soit plus du quart de la sélection d'ELSA dont les spécialistes de la littérature enfantine s'accordent pour dire que malgré de nombreux manques, elle est assez représentative de l'édition destinée à cette tranche d'âge. 
 

3. Quels livres qui, malgré qu'ils ne soient pas utilisés dans les classes et qu'ils soient absents des BCD, sont les plus connus des enseignants parce que déclarés dans la colonne JE l'AI SEULEMENT LU ?

Nous n'en publions pas la liste dans la mesure où il suffit de se reporter à celles qui précèdent ! Alice au pays des merveilles vient largement en tête, suivi des Malheurs de Sophie, des Contes du lundi, de La gloire de mon père, de Robinson Crusoë, de Crin blanc, etc... 
S'agit-il uniquement des livres que déjà l'école donnait à connaître quand les enseignants interrogés étaient eux-mêmes élèves ? Et ces enseignants n'en auraient-ils pas lu d'autres, l'âge de lire les livres pour enfants étant passé ? Existerait-il un patrimoine scolaire, une "culture" en matière de littérature enfantine, minimale et quasi permanente de générations en générations ? Il convient toutefois d'ajouter à la liste de ces "classiques" les plus souvent cités, quelques livres plus "récents" comme le Journal d'Anne Franck (il ne fait pas partie, stricto sensu, de la littérature pour enfants), Les instits de Heitz (on comprend pourquoi), Un sac de billes de Joffo (connu par le cinéma ?)... 
 
 

On se gardera de conclure, de généraliser à partir d'une si modeste enquête, et surtout d'émettre un quelconque jugement. De même, on laissera à chacun le soin d'estimer la pertinence du double projet d'ELSA : être un outil efficace de perfectionnement des techniques de lecture, permettre que la production jeunesse soit mieux connue des enfants et des maîtres. 
 
 

 
? Michel VIOLET