Les actes de lecture n°55 septembre 1996
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GENÈSE DU TEXTE
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Du côté de la critique génétique, un mode nouveau de relation au texte ne cesse de se confirmer. Depuis sa fondation en 1976 par Louis Hay, l'ITEM travaille à la connaissance de l'écriture. Un très grand nombre de manuscrits d'auteurs, notes et carnets de travail, ont fait l'objet de classements, de recherches ; des outils d'analyse ont été mis au point. Du côté de la recherche pédagogique, des équipes INRP s'intéressent aux brouillons d'écoliers. Au CNRS, Claudine Fabre leur a consacré une thèse dont elle a tiré un livre (Les brouillons d'écoliers. Ceditel) L'analyse du texte fini apparaît de plus en plus limitée et suspecte comme moyen de connaître l'écriture. Elle n'est qu'un discours sur l'écrit. On en est aujourd'hui à vouloir observer, à chercher à comprendre ce qui s'est passé "avant", ce qui a fondé l'écriture. L'informatique a apporté à ces recherches une aide précieuse. L'ITEM publie, par exemple, depuis plusieurs années, des manuscrits d'auteurs accompagnés d'une disquette permettant de faire dans la genèse de l'oeuvre des parcours diversifiés et de multiplier les pistes d'investigation. Mais jusqu'à présent, ces travaux
avaient (c'est habituel) fort peu franchi les portes d'un cénacle
restreint ; en tout cas l'école en était fort peu informée.
C'est au point de rencontre de ces recherches que l'AFL, depuis longtemps
préoccupée par l'apprentissage de la lecture/écriture,
a produit Genèse du texte.
Genèse du texte, chacun des lecteurs des A.L. sait aujourd'hui ce que c'est : un logiciel de traitement de texte exceptionnellement doué de la capacité de garder en mémoire et d'analyser toutes les opérations effectuées par le scripteur qui l'utilise ainsi que leur durée et les moments de pause qui les séparent. Ainsi, le lecteur peut observer en temps réel, exactement ce que le scripteur a sous les yeux durant son temps d'écriture. Le scripteur, quant à lui, dispose de la possibilité de prendre à chaque instant de la distance et surtout de revenir sur ses choix, de les assurer et de les expliciter. Une sollicitation constante à opérer au coeur de la dynamique qui fonde l'acte d'écriture, un entraînement au travail sur l'origine et le déroulement de l'activité, c'est-à-dire le contraire de la contemplation plus ou moins satisfaite d'un texte fini. Pour cela, il est nécessaire de travailler sur ce qui s'oublie et se détruit le plus simplement du monde à l'école et ailleurs, c'est-à-dire le brouillon. Rien ne lui échappe, d'où les réticences,
parfois, des scripteurs à l'utiliser. En opposition à l'idée
tenace que seul le résultat est digne d'être exhibé,
Genèse s'intéresse précisément à ce
qui a fait qu'on en est arrivé là.
Au cours de l'année 1992, le logiciel Genèse
du texte a été introduit dans les classes, sur 33 sites,
dont 25 écoles primaires, 7 collèges, 1 lycée. Ce
dispositif a permis de recueillir plusieurs centaines de ce que nous appelons
genèses de textes d'apprenants. En réalité, le fait
d'avoir créé un observable du processus d'écriture
plaçait le groupe de recherche dans une situation délicate
(jusqu'à un certain point de cohérence, le propre du chercheur
étant de ne pas connaître ce qu'il va trouver...). Il fallait
à la fois inventer les modes d'approche d'un matériau jusqu'alors
inconnu, trouver les moyens d'en rendre compte et remettre sans cesse en
question les hypothèses retenues. C'est pourquoi parallèlement
au travail sur les textes d'élèves qui arrivaient peu à
peu, assortis des commentaires et des indications des enseignants, la recherche
s'est orientée vers l'étude des processus d'écrits
experts, non pas pour modéliser l'écriture, mais pour entrer
dans la connaissance de son labeur. Bien sûr, il a aussi fallu assurer
les supports théoriques du côté de la critique génétique.
L'ambition était vaste (et aéfélienne) de se proposer
à la fois des explorations pédagogiques et des investigations
des processus d'écriture... Les premières conclusions ont
abouti à un rapport en décembre 1995. Plusieurs extraits
en ont d'ailleurs déjA été publiés dans
les Actes (n°52, 54 et 55).
L'introduction de Genèse dans une classe
déclenche immédiatement de considérables bouleversements
dans la conduite d'une séance d'écriture. D'où les
difficultés rencontrées au début de la recherche.
Genèse n'est ni un guide, ni un réservoir de mots, ni une
savante configuration des structures syntaxiques dominantes correspondant
aux différents types de textes. Ce n'est pas une machine à
fabriquer de l'écrit d'imitation.
1. Genèse est un révélateur
- Du temps qu'il a pris pour régler tous ses choix, depuis l'ouverture de la machine, jusqu'au moment où il a décidé que cela suffisait. - De l'activité qu'il a déployée pendant tout ce temps, avec ses attentes, ses ralentissements ou accélérations. Tout cela, le lecteur comme le scripteur peuvent le voir à l'écran et l'analyser sur les graphiques. 2. Genèse c'est l'écrit qui fait
parler de l'écriture
- des apports d'informations - des moments de théorisation, d'activité réflexive et métacognitive. Mais dans la pratique, le troisième temps est souvent négligé, faute de pouvoir observer l'activité discrète dont relève la production d'un texte. Les moments de réflexion en commun sont remplacés par des conseils sur la manière d'écrire. Le métacognitif échappe. Or Genèse a pour but d'entraîner le scripteur sollicité à expliciter ses choix, à faire apparaître ses stratégies. Genèse fait aussi parler de l'écriture des autres apprenants, plus ou moins experts. 3. Genèse modifie le regard sur l'écriture
4. Genèse prend le temps...
En posant le temps comme condition première de l'écriture Genèse du texte peut ouvrir la conscience des apprenants à cette certitude que le seul moyen d'apprendre à écrire c'est... d'écrire ; évidence du forgeron, tant et tant de fois rabâchée, mais bizarrement négligée au profit de marathons d'imitation de modèles et schémas. Comme s'il existait une déité, une sorte de génie de l'écriture impossible à débusquer tant il a choisi soigneusement les endroits où se dissimuler. 5. Genèse incite à la réécriture
" En pointant ce qui dans le matériau
langagier lui-même, ouvre au texte des directions imprévisibles,
les enseignants permettent aux élèves de découvrir
l'opacité des mots qui peuvent être autre chose que simples
référents d'une idée préexistante. On les introduit
à la fois à la maîtrise du signifiant et à la
conception du texte comme outil de pensée. " (Geneviève Dautry.
A.L. n°52).
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Arlette LEROY
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