La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°57  mars 1997

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B.C.D. EN MILIEU RURAL 



 Le Gers, département faiblement peuplé (176 000 habitants) possède un vaste réseau scolaire. Cet ensemble est composé d'écoles de chef-lieu de canton comportant quatre ou cinq classes élémentaires, et deux ou trois classes maternelles, de très nombreuses classes isolées, regroupées par 
trois, quatre ou cinq sur le plan pédagogique et de quelques structures urbaines n'excédant jamais la dizaine de classes. La dispersion géographique des écoles de campagne, l'éloignement des villes est une des caractéristiques du département. 

Depuis une douzaine d'années, la création de BCD a connu un grand élan. Dans les années 80, elle était l'œuvre des militants de mouvements pédagogiques, ou de membres d'associations visant le développement de la lecture. La BCD devrait permettre aux entrants de lire des livres de fiction et d'en éprouver beaucoup de bonheur. La liberté dans le choix des ouvrages et dans leur approche était également pointée. 

Quelques années plus tard, la maîtrise de la langue devint un objectif prioritaire de l'école. Une politique ministérielle axée sur l'élaboration de projets a intensifié le mouvement d'implantation des BCD ; les enseignants ont convaincu rapidement parents et municipalité de la nécessité d'agencer des lieux, accueillant une pluralité de documents écrits. L'extension des ressources devrait permettre de 
lire davantage tant la littérature enfantine que l'écrit social : presse, ouvrages contenant des informations. 

La transformation de salles de classe, d'appartements, d'anciennes mairies a suscité de nombreuses interrogations quant aux fonctions de la BCD. 
BCD : lieu de recherche documentaire ? 
BCD : lieu d'exposition ? BCD lieu de rencontre entre personnes extérieures à l'école et élèves ? 
BCD : lieu d'échanges entre enfants ? La nature des réponses, a pour partie influé sur l'aménagement de l'espace, le choix du mobilier, ainsi que sur son ouverture dans le temps. 

La résolution de problèmes matériels : classement de documents, organisation de fichiers (avec l'aide ou non de l'outil informatique a été longue, coûteuse en énergie et essentiellement assurée par les enseignants. L'implication des élèves dans la gestion de la BCD a été réduite au prêt de 
documents et au choix de nouvelles revues, ou de livres. 

Le partenariat avec les communes a été réel au moment de l'installation de la BCD, il s'est inégalement poursuivi. Les liens avec une bibliothèque, (centre départemental) soutenue 
financièrement par le Conseil Général se sont établis autour des dépôts périodiques de livres et du conseil technique. 

Une politique de formation, insufflée par les responsables départementaux de l'Education Nationale, dans les années 90, visait à accompagner les enseignants dans la conception, la réalisation et la mise en fonction de BCD. Maîtres formateurs, conseillers pédagogiques, animateurs en informatique, IEN ont cherché à répondre aux questions et à analyser problèmes et 
dysfonctionnements. Les BCD existaient comme lieux souvent les plus attrayants dans l'école, mais n'étaient pas perçues comme outils de travail au service des apprentissages. Les formateurs ont insisté sur les démarches conduisant au traitement de l'information, inséré dans des projets d'apprentissage. Le chemin est apparu souvent difficile (questionnement préalable, collecte de documents à partir de  mots-clés répertoriés dans un fichier, saisie de données à l'intérieur d'un document, élaboration de synthèse et formalisation de cette dernière en tenant compte du destinataire). 

Episodiquement, les enfants parcourent une partie du chemin. 

Actuellement, toute école de quatre classes ou plus dispose d'une BCD. Les ressources documentaires (500 à 3 000), s'étendent aux supports visuels, sonores. Dans les regroupements pédagogiques intercommunaux l'implantation d'une BCD est plus rare ; des solutions originales ont été imaginées pour permettre l'accès des élèves à l'information ; elles ne sont pas complètement satisfaisantes. Une des écoles accueille la BCD, les élèves des autres communes la fréquentent une 
fois par quinzaine ou une fois par mois. Les écoles, tour à tour, reçoivent pour un trimestre les documents. Le transport des enfants ou la circulation totale ou partielle des ouvrages, posent problèmes. Néanmoins, les élèves ruraux découvrent avec jubilation de nouveaux ouvrages, apprennent à effectuer de manière assez autonome des recherches. 

Dresser un bilan général des actions engagées autour des BCD est difficile. La consultation et l'emprunt de documents s'est intensifié au fil du temps. La découverte d'albums au 
cycle 2 conduit plus souvent qu'il y a vingt ans à saisir le sens d'une histoire et à connaître le fonctionnement du code écrit. Certaines pratiques s'inspirant d'une pédagogie du projet et reposant sur la résolution de problèmes intègrent la recherche d'informations en BCD. Ces pratiques se développent plus particulièrement au cycle 1. 

Concrètement, certaines BCD voulues seulement par le directeur 
ou inorganisées, sont peu fréquentées. D'autres accueillent épisodiquement les élèves d'une même classe qui préparent leur classe-découverte ou des groupes d'enfants qui viennent écouter entre 12 h et 14 h, un maître spécialisé, lire une histoire. D'autres sont investies par les enseignants qui en font un lieu de travail, de rencontre. D'autres enfin sont des lieux d'activités. 

Dans l'histoire récente des BCD du Gers, des évolutions se profilent. Conçues au départ comme moyens d'aiguiser le désir de lire... des œuvres de fiction, elles sont devenues 
progressivement modestes centres de documentation permettant recherche et traitement de l'information. Elles demeurent parfois lieux où s'élaborent projets d'écriture et consultation de textes de référence. 

Le clivage entre lecture "contrainte" à l'intérieur de la classe et lecture "divertissante", libre en BCD, existe mais tend à s'estomper. 

Les BCD s'inscrivent également dans une politique plus large d'accès à la culture dans laquelle entrent la participation à des salons du livre, la connaissance de la presse. 

Si les capacités d'innovation des écoles rurales qu'elles comportent deux ou trois classes, ou qu'elles soient structurées en regroupements pédagogiques intercommunaux (ou en bassins), se repèrent toujours aisément, leur volonté de faciliter l'accès à l'information des élèves rencontre de 
lourds obstacles : constitution d'un fonds documentaire, lieu d'implantation. L'acquisition d'outils multimédia, informatiques, est objet d'étude et pourrait répondre à ce besoin. 

L'idée de créer, d'accroître les capacités de fonctionnement des BCD, suscite toujours intérêt et mobilise toujours les énergies. Toutefois, soutenir les initiatives, avoir des perspectives, accorder des temps de formation s'avèrent indispensables pour que ne s'éteigne pas cette possibilité de voir les enfants accéder à la connaissance par diverses voies, et utiliser des outils dispensant l'information et 
s'ouvrir un peu plus à une culture littéraire, scientifique et artistique. L'aide de personnes extérieures à l'Education Nationale (emplois communaux à temps partiel), orientées sur la maintenance des documents apparaît nécessaire au bon fonctionnement des BCD. 

Marie Odile ADER