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La revue de l'AFL
Lectures juvéniles Les actes de lecture n°58 juin 1997 ___________________ Vous êtes lecteur. L'étiez-vous quand vous étiez enfant ? Sans vouloir que soient retracés de classiques "itinéraires de lecture", notre revue sollicite les souvenirs de quelques personnes. À sa façon, cette suite de récits pourtant singuliers mais issus de générations différentes, témoigne de ce que des enfants ont pu lire depuis un demi-siècle.
Imaginez une petite maison dans un quartier de Dakar en 1970. Maison de quatre pièces où logeaient une dizaine de personnes, parents, enfants, oncles, grands-parents... Dans cette maison, pas de bibliothèque, pas de livres non plus. Mes parents n'en achetaient pas. Un jour pourtant, ma sœur et moi avons eu droit à deux livres de la série des "Martine" que nous lisions déjà à l'école. Ces livres nous plaisaient beaucoup, aussi avions-nous demandé à notre mère qu'elle nous en achète. C'est le seul souvenir que j'ai de livres introduits dans la maison, mais c'est plus nous qui n'en demandions pas que nos parents qui refusaient. La lecture, ce n'était pas une habitude familiale à part le quotidien Le Soleil que prenaient les adultes et les quelques romans que recevait une mère. Aujourd'hui, je suis bien incapable de dire si ma grand-mère savait lire. Peut-être savait-elle, mais je ne l'ai jamais vu lire. Les romans-photos, je me cachais pour les lire et ils m'ont valu quelques punitions. J'aimais beaucoup lire à l'école. C'était toujours un plaisir pour moi quand on me demandait de lire à voix haute. Scolarisée dans un établissement privé, catholique, accueillant aussi quelques filles de "coopérants", j'ai appris à lire au cours préparatoire en faisant des gestes pour chaque son. Nous trouvions cela amusant et je me rappelle encore aujourd'hui presque toutes les lettres, comment on faisait le "d" en se sciant le ventre avec la main ou le "i" en tirant le coin de la lèvre vers le bas avec l'index... Nous passions à tour de rôle, debout sur l'estrade, pour répéter les gestes devant les autres. Dans cette école, je n'ai jamais eu l'occasion de mettre les pieds dans un endroit qui ressemblait à une bibliothèque ; du reste, je crois qu'il n'y en avait pas. Je n'ai pas le souvenir qu'on m'ait jamais demandé de lire un livre en entier et aucun extrait étudié en classe ne me reste en mémoire. Pourtant, le frère d'une copine me prêtait des romans policiers écrits par Agatha Christie. Nous passions des après-midi pendant les vacances à les lire. À quatorze ans, je suis arrivée dans une banlieue de Marseille où je suis restée deux ans au collège et deux ans dans un LEP. Trou noir sur mes lectures et sur le reste. Qu'est-ce que je pense aujourd'hui de tout cela ? Ce n'est sûrement pas l'école qui m'a fait découvrir le plaisir de lire ou ce que la lecture peut m'apporter. Je sais que je lis lentement, ce qui m'empêche de lire autant que je voudrais. Et pourtant, je n'ai jamais entrepris de m'entraîner !
Les riches ont
évidemment beaucoup plus de mots que le commun des mortels car ils ont plus de choses à nommer. Len Deighton
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Jacqueline Diaz
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