|
La revue de l'AFL
Les actes de lecture n°59 septembre 1997 ___________________ DESCOLARISER LA LECTURE Le Plan d’Aide À la Lecture (P.À.L.) mis en place en 1989 dans le département des Hauts de Seine par le Conseil Général sous la responsabilité organisationnelle et pédagogique de l’IUFM d’Antony est une vaste opération destinée À soutenir l’action de l’école et des autres lieux au sein desquels évoluent les enfants en difficulté dans leur apprentissage de l’écrit (Voir À.L. n°27, sept. 89 et n°53, mars 96). Nous publions ci-après, un extrait du rapport d’activité pour l’année 1996/97 dans lequel il est rendu compte de la manière dont les acteurs du PAL (enseignants, bibliothécaires, animateurs de quartier) ont répondu À un questionnaire leur permettant de définir leur rôle et leurs pratiques et par lA leur conception d’une action de soutien au sein d’une politique en faveur de la lecture. (*) (*) Le rapport d’activité est disponible À la coordination du PAL (Joël Roy. IUFM 92160 Antony).
DESCOLARISER LA LECTURE
Ce compte-rendu prend forme À partir de l'exploitation de 50 contributions
(sur 88 possibles) des sites et dont 47 seulement étaient accompagnées d'une exploitation de l'outil.
Déscolariser la lecture, quelle idée ? C'était l'occasion de ré-affirmer
dans quelle logique s'inscrit cette problématique : ni refus de
l'école, ni intention de procéder par inversion des
valeurs. Non seulement pour rassurer mais aussi pour s'engager.
Le Pal, une modalité de soutien scolaire ? Dans ce paragraphe, nous examinions les dérives possibles qui conduisent certains sites À refaire la classe après la classe, en limitant le changement À la prise en considération du petit nombre d'enfants présents dans les groupes. De ce point de vue, on utiliserait les moyens du Pal exclusivement À des reprises de ce qui est fait À l'école. Autrefois, on parlait de "la répétition du soir", notamment dans les internats et donc de répétiteurs. Le Pal serait alors un retour À une vieille pratique... Le Pal dans la joie ? Le texte suggérait que certains sites avaient une interprétation ludique de la déscolarisation de la lecture. À leurs yeux, l'effort devait porter sur la restauration de la lecture-plaisir. Il convenait de procéder À un renversement de la démarche dominante À l'école. La dérive socioculturelle C'est la conséquence de la position précédente elle s'observe toutes les fois où, par réaction au tout-scolaire, on développe des activités de loisir en caressant le rêve que, À faire "comme les riches", les "pauvres" apprendront aussi bien qu'eux. Vers des pratiques globales En quelques pages, les auteurs du rapport précédent essayaient de dire À quoi ressemblaient les activités de ce type quand elles sont appliquées dans cet esprit. Ils constataient alors que le projet se construisait dans un rapport d'alliances avec l'environnement et que l'action était commandée et contrôlée par son destinataire, celle-ci constituant le levier de l'action. Le principal indicateur d'une bonne compréhension de cette démarche revient À se demander si les élèves font semblant.
L'OUTIL
En 12 propositions (voir tableau ci-dessous) étaient présentées les principales options supposées en présence parmi les acteurs du dispositif. L'idée était d'en faire des inducteurs de débat pour armer la réflexion. L'objectif a été atteint pour une large part. En effet, non seulement cinq sites sur huit ont répondu À cet item mais il est apparu que ce travail a rendu possible un travail fructueux entre animateurs : " Au-delA des propositions retenues ou rejetées, ce qui nous a semblé très intéressant, c'est la discussion, les échanges de vues que nous avons eus À ce propos " conclut un rapport. Dans beaucoup de contributions, on s'est félicité de la possibilité ainsi offerte de s'interroger sur ce thème dont on voit qu'il préoccupe de manière de plus en plus authentique les animateurs. L'effet d'approfondissement en commun est réel quant À ce que recouvre la déscolarisation.
L’EXPLOITATION DES DONNEES
Dans la mesure où, pour chaque proposition, on avait le choix entre trois possibilités, il devenait intéressant de s'interroger sur la place accordée À chacune d'elles. L'a-t-on retenue pour figurer parmi les trois idées avec lesquelles on est le plus d'accord ? l'a-t-on rejetée ? ou bien l'a-t-on délaissée ? On a choisi de présenter les résultats en utilisant une présentation qui rend bien compte de la place occupée par chaque item dans les réponses.
Les trois propositions les plus retenues
Les deux propositions les plus souvent rejetées.
Une proposition vraiment délaissée
ET LE PLAISIR ? L'item qui a retenu le plus l'attention est celui qui porte sur la lecture-plaisir. Pas d'équivoque : sur 47 sites qui ont exploité ce thème, seuls 6 sites s'y déclarent indifférents, il n'est ni choisi ni écarté par eux. Non seulement tous les autres le retiennent comme significatif mais encore ils en font l'une des trois propositions avec lesquelles ils se déclarent le plus d'accord. " Il faut redonner sa place À la lecture-plaisir ". Ainsi commençait la question. Redonner : le préfixe est lA pour suggérer que le plaisir et la lecture ont fait équipe dans le passé, À l'école. On se dispensera ici d'évoquer plus avant cette question sinon pour rappeler que le thème du plaisir fonctionne de manière plutôt équivoque. Tantôt plaisir et école vont ensemble (notamment sur le versant de la nostalgie), tantôt on en fait des contraires (pour faire sérieux, l'école aurait besoin de brider le plaisir). Dans la suite de la formulation on a choisi de lever toute équivoque : il était clairement signifié qu'on voulait lever les inhibitions lA où la structure scolaire apparaissait comme contraignante. Il était difficile d'être plus précis : la lecture-plaisir était présentée comme l'antidote À l'école trop scolaire, façon de renvoyer À une conception de la déscolarisation qui nous semblait devoir être abandonnée par le plus grand nombre. Le renforcement suivant aurait pourtant pu être exploité : le fait de se retrouver en petit groupe À mener des activités sur un mode plus ludique ne peut être que bénéfique pour eux. Serait-ce le salut par le jeu?... On comprend la place importante accordée aux "fêtes du livre". Le bénéfice est alors triple : . Déscolarisation garantie ? On est obligé de se demander si malgré l'affichage, tous les termes de l'équation sont effectivement présents. Fort heureusement, des rapports de site donnent des détails qui rassurent, par exemple À Rueil Malmaison : " le projet, c'est la préparation de la fête ". Il devient sage alors de vérifier si le plaisir est cause ou conséquence. À l'évidence, le projet commande. Mais est-ce partout le cas ? Cette conception de la déscolarisation fait véritablement problème au sein du Pal. Il ne s'agit évidemment pas de faire du jeu l'obstacle À tout travail de qualité mais de bien mesurer que ce renversement de position (qu'on observe partout) n'est pas l'objectif recherché. L'évolution du sens du mot loisir en rend bien compte. Alors que le mot renvoie d'abord À une possibilité (j'ai le loisir de vous rencontrer), un glissement de sens l'a fait évoluer du côté de la vacuité (À certains égards, ce qu'on a appelé "civilisation du loisir" en est l'illustration. Ne parle-t-on pas de "temps libre" ?). Dans le premier sens, c'est de condition qu'il devrait être question (et déscolariser la lecture reviendrait À créer les conditions qui rendent possibles les apprentissages, qui laissent le loisir d'apprendre). Dans le second sens, c'est de gratuité qu'il est question. On le voit, l'enjeu est de taille. Il ne s'agit de rien de moins que de réfléchir au moteur de l'action. Est-il simplement question de se faire plaisir ? dans ce cas, c'est l'individu seul qui est en cause... ou bien s'agit-il d'agir À la demande des autres ? ici, au contraire, tout se construit dans des interactions avec l'environnement humain... ce qui n'est évidemment pas la même chose. La confusion transparaît dans cette formulation : " redonner À la lecture-plaisir sa place, c'est retrouver le plaisir d'écouter des histoires, de stimuler l'imaginaire... " ou dans cette autre : " il n'y a pas de méthode pour aimer ". Soit... Et de poursuivre : " rédiger une lettre ou un texte par envie de communiquer,parce qu'on a quelque chose À dire... toutes ces actions redonnent du sens À la lecture ". Tout est mêlé et le mot plaisir joue, de manière un peu magique, un rôle fédérateur. LA, comme très souvent, les conséquences sont prises pour des causes : loin d'être au principe de l'action, ce sentiment l'accompagne, et la deuxième partie de la phrase le montre bien. Elle dit bien que la rédaction de la lettre résulte du fait qu'on a quelque chose À dire (le connecteur parce que en témoigne).
AUTOUR DE L’ACTE LEXIQUE Trois propositions (1,2 et 4) ont joué
un rôle non négligeable dans la réflexion. Il
s'agissait de vérifier les conceptions en présence dans
le domaine de la lecture et, plus particulièrement, la place des
pratiques réputées scolaires dans les modules du Pal. La
proposition n°1 portait sur les mécanismes. Un rapport
l'affirme, " c'est le rôle de l'école ". Faire ce
constat, c'est en même temps poser le postulat suivant : le Pal
et l'école ont des missions différentes. D'où la
confirmation : " Nous, on tente autre chose, ce ne sont pas les
objectifs que nous nous fixons. Avant tout on cherche À donner
le goût du livre ". Retour À la case départ. Goût-dégoût.
Un autre rapport procède de la même manière : " les propositions 1 et 4 sont unanimement rejetées comme caricaturales d'un fonctionnement qui nous est étranger ". Les mots maîtrise (dans la proposition 1) et performance (dans la proposition 4) sont rejetés. Sommes-nous en présence d'un médiocre effet de connivence au sein d'un groupe où il serait de bon ton de récuser certains mots ?... Ou, au contraire, devons-nous y voir une proposition alternative pour inscrire la technique dans le projet ? Dans le premier cas, quatre sites seulement s'affirment d'accord pour la retenir et dans le second, ils ne sont que trois. La thèse selon laquelle il ne serait pas de bon ton d'utiliser un tel vocabulaire s'en trouve renforcée. Toutefois, un site n'hésite pas À faire le commentaire suivant : " il importe de créer pour ceux qui ne l'ont pas par ailleurs la nécessité de l'utilisation maîtrisée des outils techniques... " On souhaiterait lA des indications plus précises pour prononcer un avis... Une remarque, ailleurs, ne manque pas d'inquiéter : " trop de liberté dilue la nécessité de l'effort ". Elle nous renvoie À une alternative qu'on croyait pourtant dépassée, entre liberté et effort... La proposition n° 2 divise les rapporteurs : 11 accords face À 9 rejets. Cela se formule ainsi dans une contribution : " des divergences de vue (entre animateurs du même site) apparaissent par rapport À l'oralisation. " On y lit aussi ce constat : " les adeptes d'ELSA savent qu'un texte peut être lu et compris sans passer par l'oralisation, mais l'animatrice qui mène une activité théâtre dans son module pense qu'on ne doit pas minimiser les avantages de l'oralisation... ". Certes. Toutefois, le thème de l'oralisation était évoqué pour recueillir de l'information sur la manière d'approcher la question des démarches qui est au cœur d'une réflexion sur la déscolarisation. Les recherches actuelles relatives au traitement de l'information écrite autorisaient À y voir un indicateur utile : le mouvement des yeux est aujourd'hui si finement analysé par les spécialistes qu'on sait que le détour par l'oral est davantage un obstacle qu'une aide. L'affirmation était ainsi formulée (on ne doit pas minimiser les avantages de l'oralisation) afin que dans chaque site une occasion soit donnée de discuter de cette question sereinement. Plus que la divergence de vues signalée plus haut, le taux élevé de non-réponses révèle une sorte de gêne. La référence À ELSA, le nouveau logiciel d'Entraînement À la Lecture SAvante, n'est pas innocente : elle montre bien que l'engagement en faveur d'une politique de systématisation est possible. Encore faut-il se donner les moyens d'utiliser des outils qui constituent une réponse remarquablement adaptée À la situation. Pour le coup, l'oralisation n'est pas À proscrire. D'ailleurs, l'affirmation se concluait par ces mots : " mais on peut s'y prendre de façon non scolaire. " Quelques rapports n'ont pas manqué de saisir cette opportunité pour dire comment on s'y prend dans leurs sites pour dépasser l'obstacle : il ne s'agit pas de lire in extenso mais de sélectionner ce qu'il est nécessaire de communiquer aux autres lors d'un travail en projet où chacun est chargé de transmettre des informations... On est tout de même heureusement À grande distance de ces pratiques caricaturales où le travail sur le code empêche, en fait, de faire du sens.
MEDIATIONS ET MEDIATEURS Cinq propositions portent sur les médiations, d'une façon ou d'une autre. En une phrase, beaucoup est dit sur ce thème dans l'un des rapports : " l'adulte, disponible, a le temps de lire le livre au rythme de l'enfant demandeur... ". La disponibilité (de l'adulte) est la condition de l'activité (de l'enfant). Cela, on le conçoit aisément. L'école, pense-t-on, ne peut faire mieux que dispenser un enseignement collectif. Aussi, a contrario, le Pal constitue une forme de travail qui donne la possibilité de se mettre au rythme de l'enfant. Dans ces conditions, on peut véritablement parler de déscolarisation (Al'école, on ne peut que s'occuper de tous les élèves ensemble, au Pal on peut s'intéresser À chacun). La proposition n°7 est ainsi formulée : l'important, c'est la remédiation. Elle fait, en première analyse, l'accord des rapporteurs de site. Ils sont seize À l'avoir choisie parmi les trois propositions adoptées. L'un d'eux exprime fermement son adhésion : "évident !". Un autre rapport beaucoup plus explicite décrit dans le détail les évolutions qui ont conduit À faire fond sur les autres comme médiateurs : " après avoir pratiqué le Pal de façon assez sédentaire, il est apparu la nécessité d'une plus grande ouverture sur l'extérieur... ". Et ce rapport d'énoncer l'ensemble des rencontres, visites et réalisations au cours desquelles les partenaires sont devenus des médiateurs entre le monde et les enfants. De ces rapprochements sont nés des comportements fortement socialisés et, par-lA, valorisants : " il fallait voir avec quelle fiertéles enfants (...) " s'enorgueillit un rapport. Toutefois, comme sept sites rejettent cette proposition et que 24 autres ne l'adoptent ni la rejettent, on en vient À faire le constat que le thème de la (re)médiation culturelle n'est finalement pas une priorité au Pal. Ce qui ne manque pas d'étonner. En effet, s'il est vraiment question de déscolarisation, c'est bien quand " on emmène les enfants au musée, au spectacle... leur faire rencontrer des professionnels, des commerçants, des artisans... (pour) leur donner l'occasion avant tout de faire tout ce qu'ils n'ont pas l'occasion de faire À l'intérieur de leur milieu socioculturel " comme le suggère la proposition elle-même. La proposition n°9 procédait par renforcement. L'angle était le même : l'enfant doit être immergé dans un milieu le plus riche possible d'expériences À mener... On parlait aussi de "terrain d'aventures culturelles". Nulle équivoque n'était possible. Il s'agissait bien de procéder autrement qu'À l'école et de donner À vivre des expériences supposées aider l'enfant À développer son intelligence sociale. La réponse des sites est aussi claire que précédemment. Décidément le thème ne recueille qu'un petit nombre d'avis tranchés (la proposition n'est retenue que 12 fois et rejetée 5 fois). En revanche, elle n'est pas retenue comme significative (ni choisie ni retenue) par 30 sites. Seule la proposition n°4 (les performances) avait laissé indifférents davantage de sites (34 !). La 8ème proposition (changer la position de l'adulte ) avait fait l'objet d'une discussion au moment d'élaborer l'outil. Sa formulation risquait, nous semblait-il, d'appeler une réponse de connivence de la part des acteurs du Pal. On imaginait mal qu'on puisse rejeter une telle hypothèse (le Cahier des charges est explicite sur la nécessité de travailler À donner un statut d'acteur aux enfants) Aussi redoutait-on un oui massif qui aurait réduit la portée du questionnement. On n'en est que plus surpris de constater que 16 sites sur 47 seulement font de cette idée l'une des trois idées les plus attractives. La surprise se double d'un autre constat : on ne peut changer la position de l'adulte que parce que la taille du groupe est réduite. Réfléchir aux démarches de déscolarisation revient À se poser la question de savoir si, au Pal contrairement À l'école, c'est de l'enfant ou de l'élève qu'il s'agit. Et, le cas échéant, sur quel mode. Il était (presque) recommandé de "changer la position de l'adulte..." et nous allions même jusqu'À faire une suggestion : " il faut inventer un groupe À l'intérieur duquel adulte et enfants sont partenaires. " Les sites qui en font une priorité sont nombreux, mais ils ne sont pas majoritaires (et si 3 rejettent la proposition, 26 marquent leur indifférence...). Ceux qui marquent leur accord avec cette proposition argumentent dans des termes voisins de ceux-ci : le fait de se trouver en petit groupe permet À l'enfant d'avoir droit À la parole parmi ses camarades ; certains y trouvent même un pouvoir inconnu (jusque-lA)... les apprentissages sont (alors) mieux compris ou acceptés. Le rapport de force est moins grand. Il est possible de s'expliquer entre maître et élève(s) et de découvrir que la possession d'un savoir est un plaisir. Ce texte est tout entier organisé autour de l'idée tautologique À certains égards qu'À l'école on ne peut faire mieux... qu'À l'école : l'école (entendre : quand elle est organisée en grands groupes) est contrainte À une sur-scolarisation des pratiques de lecture. Alors que le Pal, au contraire... La question se pose de savoir si, au Pal, c’est de l’enfant ou de l’élève qu’il s’agit. L'obstacle est clairement identifié. Le maître-animateur fait clairement la différence de comportement : À l'école, il "fait" de l'école, au Pal il mène d'autres pratiques qui conduisent À changer les positions respectives et donc À découvrir et utiliser d'autres talents de l’adulte et de l’enfant que ceux de maître et d’élève... La proposition n°10 est reprise d'une affiche produite par l'AFL intitulée : " c’est À plusieurs qu'on apprend À lire tout seul. LA aussi le thème de la déscolarisation de la lecture est présent en filigrane. En effet, alors que l'enseignement collectif vise paradoxalement la réussite individuelle (l'école prime le meilleur), apprendre en situation de groupe permet À la fois la promotion de tous et le développement de chacun. Ainsi formulée, la proposition fait du travail en commun un moyen. Cette proposition a plu au point de capter l'attention de 17 sites qui l'ont faite figurer parmi les trois propositions retenues. Néanmoins, 30 sites ont adopté une autre attitude : si 4 seulement la rejettent, elle laisse indifférents 26 sites, ce qui est loin d'être négligeable. La 11ème proposition a opéré comme un chiffon rouge. Associer les parents ou les bibliothécaires ne suffit pas,
disions-nous. Non contents de laisser entendre que le minimum, c'est de
travailler avec ces partenaires-lA, nous évoquions
l'hypothèse d'un approfondissement de la relation.
Approfondissement qui devrait aller jusqu'À la
réalisation d'un produit vrai, sans faire semblant. Seuls deux sites pensent qu'effectivement cela ne suffit pas.
Entre les deux sites qui retiennent la proposition l'un s'exprime en ces termes : " associer les parents ou les bibliothécaires À l'action ne suffit pas ; c'est pourquoi nous voudrions élargir notre champ d'action en interchangeant des idées avec d'autres écoles travaillant sur le thème de l'éducation À la paix (À travers Internet éventuellement), et surtout en réussissant en fin de module À produire quelque chose : expo, livre... utilisable réellement par les enseignants, les enfants, les parents. "
PENSER LA PLUME À LA MAIN, ou encore en utilisant le clavier de l’ordinateur Suffisait-il de proclamer comme l'a fait un rapport, en réponse À la 12ème proposition, que : " nous sommes d'accord pour dire que la lecture-écriture est un outil pour penser et agir sur le monde " ? Certes non. Nous attendions davantage et notamment la description d'un nombre plus grand de pratiques. Cela aurait donné davantage de fondements À l'affirmation qui servait d'inducteur À la réflexion sur ce thème. On se contentera ici d'indiquer les obstacles qui s'opposent À la déscolarisation, et surtout ceux qui restent ancrés dans les mentalités. La proposition était ainsi formulée : La lecture est un outil pour penser et agir sur le monde. Cet outil permet À l'individu d'occuper une place dans la société... Certes la proposition est citée 24 fois (un site sur deux réponses) pour figurer parmi les trois propositions À retenir en priorité. À l'évidence, l'écriture a bonne presse, si on ose dire, au sein du Pal. Le contraire serait étonnant. En effet, dès l'origine, le Cahier des charges indiquait de la manière la plus catégorique que l'intention des promoteurs du Pal n'était pas de faire lire les enfants en simples consommateurs. Il s'agissait de promouvoir la lecture et l'écriture prises ensemble, comme moyen d'intégration. On aura observé qu'un
site seulement fait figurer cette proposition parmi les trois qui sont
À rejeter. Alors, la lecture-écriture serait vraiment
l'outil indispensable de développement que l'on souhaite ? Deux hypothèses s'offrent À nous pour interpréter la situation : Les pratiques scolaires d'écriture les plus stéréotypées (par exemple la rédaction À sujet imposé et au libellé conventionnel) sont de celles que le Pal a souhaité abandonner pour leur préférer des activités d'écriture inscrites dans un projet. Aller du programme vers l'actualité, ce serait donc cela déscolariser ? On ne voit ni sur quoi porte ce travail ni en quoi il s'agit d'activités de déscolarisation. On aurait souhaité disposer de davantage de précisions pour mieux comprendre la nature des tâches d'écriture réalisées. Il ne suffit pas d'affirmer, comme le fait un site, que " c'est en cela que nous ne ressemblons pas À l'école ", pour être totalement convaincant.
FAIRE AUTREMENT... les activités, le temps... La sixième proposition. L'adverbe autrement joue un rôle quasi magique. " Au
contraire ; l'idée est de trouver les moyens de valoriser les
enfants en difficulté autrement, en diversifiant les
activités. " Suivons le raisonnement :
La distinction maternelle-primaire constitue un excellent critère de différenciation. On est habitué À ces remarques qui font de la maternelle le temps privilégié du jeu (la gratuité) et de l'élémentaire, le temps du sérieux (l'exercice). Même si ce jugement est tempéré (on travaille aussi en maternelle, dit-on, et le jeu a sa place dans la "grande école"), cet avis est explicité dans un rapport : " prendre son temps, O.K pour les enfants en maternelle ; en primaire, nous n'en sommes pas persuadés. Avec les modules 2 et 3, le risque est de prendre son temps et... de le perdre. " L'idée qui a
présidé À l'introduction dans la réflexion
de l'indicateur temps est banale. Parler d'acculturation, c'est vouloir
travailler dans la durée. Il ne suffit pas que le maître
enseigne pour que l'enfant apprenne, dit-on pourtant, aujourd'hui. À l'opposé de cette position, un rapport note - au nom d'une logique qui domine À l'école - que le temps presse : " nous pensons que les situations dépendent de l'âge des enfants. Il est vrai que le Pal permet, en maternelle, de prendre son temps (avec) certains enfants qu'on oublie parfois en classe. en primaire, les enfants attendent de faire beaucoup trop d'activités pour que l'on puisse réellement perdre son temps. " Perdre son temps ! Tout le monde ne nourrit pas la même crainte : " À la bibliothèque, parents et animatrices (du prêt et Centre de quartier), enfants et adultes échangent autour du livre, prennent le temps de le choisir... " C'est cette idée que soutient, par exemple, ce site : " le fait de se retrouver en petit groupe permet À l'enfant d'avoir droit À la parole parmi ses camarades ; certains y trouvent même un pouvoir inconnu (jusque-lA) ".
LE TERME DE... DESCOLARISATION " Le terme de déscolarisation doit être employé avec prudence car il peut signifier deux choses différentes. Si déscolariser la lecture signifie lutter contre la tendance fondamentale qui caractérise l'école et fait qu'ainsi, sans le vouloir ni le savoir, elle met À distance de certains le savoir qu'elle est censée mettre À la portée de tous, on ne peut qu'être pour une telle déscolarisation. Au contraire, si l'on prend l'expression au premier degré, on en arrive alors À disqualifier l'école alors qu'elle est pour certains l'unique institution dispensatrice du savoir. De ce fait, il ne nous semble pas judicieux de risquer de discréditer l'école aux yeux de l'enfant en pratiquant des activités totalement différentes de celles de l'école. " Cette conclusion d'un des rapports nous paraît significative de l'attitude majoritaire dans le Pal. Elle est celle-lA, probablement parce que, majoritairement, (À hauteur des 3/4) les animateurs du Pal sont aussi des instituteurs. Mais le même rapport poursuit en ces termes : " nous essayons de socialiser au maximum les activités afin de leur donner un sens, de faire en sorte qu'elles aient le plus de rapport possible avec le réel afin qu'elles cessent d’être ennuyeuses pour l'enfant... " Dite positivement, cette dernière portion de phrase deviendrait : " qu'elles constituent une raison d'agir pour l'enfant... ". La remarque rassure : on est fondé À espérer une évolution des pratiques dans cette direction. Il reste À enrichir la palette des activités de ce type. D'où la nécessité d'organiser le groupe autour de projets... |
Jean Pierre Bénichou
|