La revue de l'AFL
Les actes de lecture n°59 septembre 1997 ___________________
LES RAISONS, LES EFFETS ET LES LEÇONS D'UNE MANIFESTATION
SUR LA LECTURE... ET LA VITICULTURE Du flou d'une insatisfaction À la précision de perspectives
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Activités sociales La fête du livre et du vin. Sensibiliser les familles des gaziers-électriciens au rôle de l'écrit dans la défense de leur environnement mais aussi À la place de l'écrit dans l'art de vivre était donc le double objectif de cette manifestation qui devenait le point de rencontre de multiples intérêts. N'écrivions-nous pas en effet dans notre document d'orientation (2) " ...la lecture, action responsable de liberté et l'écriture, outil de pouvoir, auront l'attention toute particulière du Conseil d'Administration (de la CMCAS) pour que leur développement, sans lequel il ne peut y avoir de réelle démocratie, devienne réalité. " Les gaziers-électriciens et leur famille étaient donc conviés À participer À cet événement culturel qui réunissait aussi, le mercredi, des classes (du CE1 au CM2) de cinq écoles du département dont les élèves avaient conduit, tout au long de l'année, des projets sur les multiples facettes du travail de la vigne avec notre principal partenaire, la Fédération des Caves Coopératives de l'Hérault. Plusieurs journées À thème avaient été décidées : - le mercredi,
150 enfants (provenant des classes citées ci-dessus et des
centres de loisirs de notre CMCAS) rencontraient les viticulteurs "au
travail", s'initiaient aux goûts et aux parfums de la vigne et de
la garrigue. Concours d'étiquettes pour bouteilles de vin,
articles pour le journal de notre institution du Cap d'Agde, rencontres
sous diverses formes avec les livres et leurs auteurs dont Annie
Agopian (3) et Jacques Bonnet (4),
ainsi qu'avec des musiciens locaux entraînèrent les
enfants dans la création de récits et de refrains. Cette
journée fut sûrement la plus réussie du programme,
le public des enfants, captif et réceptif, présentant peu
d'inhibitions pour participer activement aux animations. Il en fut
autrement pour les adultes chez qui, le temps les séparant de
l'école, lieu de lecture obligé, avait déjA
déposé des traces de renoncement À ces formes de
relation À soi aux autres et aux choses que sont la lecture et
l'écriture.
- le jeudi,
le Conseil d'Administration de notre CMCAS tenait une de ses
réunions au Cap d'Agde où, parallèlement,
près de 200 retraités étaient reçus. Les
uns et les autres, dans leur majorité,
préférèrent le vin aux livres... - le vendredi, les organisations syndicales étaient conviées À une rencontre-débat avec Jean Foucambert, chercheur À l'INRP et très engagé, depuis plusieurs années, dans un travail avec nos institutions. (5) Pour sa part, la CGT d'EDF-GDF Hérault avait décidé de convoquer sur place sa commission exécutive "Ouvriers-Employés" et son bureau départemental "agents de maîtrise et cadres". Quelques militants de Force Ouvrière étaient présents ainsi qu'une délégation de l'UD CGT conduite par son secrétaire général. Plus de cinquante militants syndicaux étaient donc rassemblés pour participer À une rencontre qui sortait des sentiers battus en plaçant la réflexion dans des perspectives de lutte syndicale et politique. Nous avons, ce jour-lA, atteint une partie importante de notre but. - le samedi et le dimanche, furent consacrés À des animations musicales et théâtrales autour de Molière, un enfant de la région. Journées ouvertes À tous... mais, hélas, seule une cinquantaine de gaziers-électriciens se déplacèrent au Cap d'Agde. C'est en demi-teinte que se clôturait cette première initiative.
Difficultés relatives À la réussite de cette manifestation, et d'autres dans le même genre. La place de l'écrit dans les revendications syndicales en général Si nous tentons d'analyser les causes de ce demi-succès, plusieurs facteurs doivent être mis en relation qui dépendent tous de la façon dont, aujourd'hui, le mouvement syndical appréhende les questions relatives À l'écrit. Peu de syndicats, en effet, d'unions locales ou départementales, de fédérations, incluent dans leurs revendications les moyens indispensables pour qu'accède aux livres et À la lecture l'ensemble des salariés, dans l'entreprise d'abord - toujours lieu d’exploitation mais aussi de luttes et d'émancipation - puis dans le quartier et la ville. Il faut reconnaître le peu de demandes des salariés pour ce genre de revendications mais une des responsabilités de l'organisation syndicale n'est-elle pas d'aider À l'expression des besoins ? Afin que les militants eux-mêmes prennent conscience de ces besoins dont on les a longuement détournés, afin qu'ils en considèrent l'importance dans l'essor qualitatif de la vie syndicale certes, mais surtout de la vie de chaque salarié, nous devons multiplier les occasions de rencontres avec les usages de l'écrit À travers des pratiques concrètes et toujours associées À des débats sur les enjeux liés au développement ou À la confiscation d'un tel outil. Lire, écrire sont À la base de notre action syndicale et de son efficacité. Toutes les formes de cette affirmation doivent être explorées, obstinément, malgré les résistances culturellement et socialement acquises. Pour cette raison notamment, en 1990, la confédération CGT décidait de faire de cette année-lA "l'année CGT de la lecture" (6). Les nombreuses et diverses actions qui furent alors menées dans les entreprises ont produit des résultats toujours visibles, nuançant ainsi mes précédents propos. Il existe aujourd'hui quelques syndicats, de nombreux comités d'entreprise qui mènent avec succès des opérations lecture-écriture (auxquelles quelquefois l'AFL est associée). Mais ces opérations sont présentées bien souvent comme des activités culturelles au même titre que l'ensemble d'autres activités culturelles et sportives du CE ou équivalent, et non pas comme une expression humaine particulière permettant de mieux comprendre pour mieux agir. (7) La lecture n'est pourtant pas une forme de loisirs parmi d'autres, c'est une action transversale À tous les engagements humains, qu'ils soient intimes ou publics. Pour l'essentiel, nos succès relatifs, liés À certaines manifestations organisées dans ce domaine (et plus largement dans toute l'activité syndicale) proviennent de la non prise en compte collective par le mouvement ouvrier - tous niveaux de responsabilité confondus - de l'importance, de la place et de la fonction de l'écriture et de la lecture dans la manière d'être au monde. La sous-estimation de la nécessité de ces pratiques dans notre vie de citoyen et dans notre activité syndicale au quotidien porte en elle des difficultés d'analyse et de compréhension du réel qui sont néfastes et dangereuses pour l'exercice de la citoyenneté dans une démocratie qui reste À construire.
Observation des dysfonctionnements locaux Pour ce qui est de notre CMCAS, quelques erreurs et quelques freins ont aussi conduit À une faible participation À cet événement. L'erreur principale est au cœur de la programmation de telles journées. Quelques "copains", motivés, emportèrent la décision, prise "au sommet", (niveau départemental), décision qu'il fallut ensuite, difficilement, tenter de faire partager par nos structures de proximité afin que nos responsables locaux s'approprient cette fête et en fassent leur affaire. Mais aussi quelle place avons-nous laissée À nos divers partenaires dans l'organisation de cette fête ? Avons-nous saisi l'importance d'une réflexion collective avec la Fédération des Caves Coopératives, les structures locales de l'Education Nationale, la Drac où avons-nous juste su les associer À une manifestation déjA bouclée ?
Des freins étaient donc À prévoir, naturelles conséquences À la fois d'une priorité donnée À l'action et d'une situation qui, pour être quotidienne, n'en garde pas moins toute sa complexité nouant des phénomènes divers qui deviennent facilement des causes d'échec en pareilles circonstances. Parmi elles, trois peuvent être citées : -
Tout d'abord, l'attitude des Directions EDF-GDF qui s'opposent de
façon plus ou moins vive, plus ou moins frontale, À tout
ce qui est "activités sociales" dans l'entreprise. Du refus des
détachements aux pressions directes sur les individus, de la
non-coopération des cadres "communication" À la politique
générale de l'entreprise que "certains" veulent voir
privatiser, c'est une bataille de tous les jours qu'il faut mener pour
que vivent et se développent les activités syndicales,
sociales et culturelles. C'est sur ces trois points que nous devons travailler pour vaincre À l'extérieur de notre organisation syndicale, mais aussi À l'intérieur, des résistances qui nuisent À notre volonté de transformation du milieu physique et humain.
Des perspectives Car, heureusement, il y a du positif dans le bilan de ces journées. Des questions Par
leur présence ces journées ont, en effet, facilité
les échanges, enchaînant diverses interrogations qui, sans
cela, n'auraient pu avoir lieu. Encore la lecture et l'écriture
? Pourquoi une CMCAS se préoccupe-t-elle d'un domaine
généralement associé À l'école ou
alors relevant de choix personnels et donc privés quant il ne
s'agit pas d'en réserver l'usage À une élite
intellectuelle ? Est-ce bien le bon moment alors que tant de luttes
monopolisent depuis de longs mois nos forces ? Combien cela va-t-il
nous coûter au moment où les sources financières
diminuent ? Des mobilisations Nous
avons vu aussi, fait nouveau, se mobiliser des collègues - dont
quelques jeunes retraités - pour que vive cette Fête du
Livre et du Vin. Alain MAUSSIERE
(1) Il existe 100 CMCAS en France. (2) Document d'orientation adopté par le CA de la CMCAS en 1996. (3) Annie Agopian a notamment publié aux éditions du Rouergue : (6) Voir les articles du Peuple parus dans l'année 1990. (7) Voir le dossier sur la lecture et l'entreprise dans le n° 41 des actes de lecture.
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alain Maussière
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