La revue de l'AFL
Les actes de lecture n°59 septembre 1997 ___________________ Un BEATEP À l’horizon 98-99 Alors que la Direction régionale et départementale de la Jeunesse et des Sports de Paris Ile de France manifeste son accord de principe pour s’engager, avec l’AFL, dans une formation expérimentale de "coordinateurs de politiques de lecture", nous livrons ici la présentation du projet et la relation de son évolution au fil des mois, tant dans sa phase de préparation (d’ici À septembre 1998) que dans sa période de réalisation (À partir de septembre 1998). L'AFL se voit proposer la prise en charge d'un Brevet d’État d'Animateur Technicien de l'Education Populaire et de la Jeunesse. Le BEATEP " sanctionne une formation professionnelle de niveau IV dans le secteur d'intervention de la jeunesse et de l’éducation populaire ". Celui que l'AFL prendrait en charge entre dans le cadre du programme "médiateurs du livre" défini par le Ministère de la Culture (Directions régionales des affaires culturelles) qui lui attribue À la fois une fonction culturelle " qui vise À favoriser l'accès de nouveaux publics À la lecture et aux œuvres en allant À la rencontre des habitants dans les lieux où ils vivent " et une fonction sociale " qui contribue À l'intégration des jeunes en difficulté et de leurs familles dans la vie de la cité. " Le BEATEP comprend des unités de formation générale et un stage pratique au cours duquel interviennent " un tuteur dans la structure d'accueil " et " un conseiller hors de la structure d’accueil ". Cette formation actuellement dans sa phase d'élaboration - un pré-projet a déjA été présenté À la Direction régionale - correspondra À l'année scolaire 98-99. Elle prendra en charge une vingtaine de candidats. Ce projet croise des problématiques importantes et d'actualité pour l'AFL. - En 1989, l'association rédigeait la charte des Villes-Lecture incluant les "sept propositions" pour la mise en place d'une politique globale de lecture, désignant ainsi la commune comme l'unité territoriale la plus habilitée À prendre en charge la cohérence d'actions souvent éparses en faveur de l'écrit (1). - En 1994, l'association menait une étude commandée par la Délégation À la Formation Professionnelle sur le rôle de l'écrit dans la prise en charge de la formation par alternance de publics jeunes de bas niveau de qualification. Cette étude a permis une réflexion approfondie sur la façon de mener une formation théorique en lien étroit avec une formation pratique (2). - En 1995, l'association organisait À Bordeaux les Assises nationales de la lecture. Cette année se déroulera la prochaine édition du même nom. Cette manifestation accompagnée de deux jours de stage est aussi l'occasion de faire un bilan des actions menées ici et lA en matière de politique de lecture. L'analyse de ces actions montre que des partenariats existent bien au moment de la réalisation, mais rarement au moment d'élaborer les projets, de réfléchir et d'en faire le bilan. Si le partenariat, tellement nécessaire dans les villes aujourd'hui, ne saurait conduire chacun À prendre en charge toutes les composantes d'un projet, en revanche un projet conçu collectivement doit donner À chacun la possibilité d'en assumer des parties, sans confusion des rôles, dans l'affirmation de chaque spécificité. Une politique de lecture doit vraiment se construire par la capacité des acteurs À penser ensemble.
Le contenu du projet Dans ce contexte, la difficulté consiste souvent À trouver des acteurs, peu marqués institutionnellement, capables d'accompagner une politique de lecture À l'échelle d'un quartier ou de la commune. C'est lA qu'apparaît le besoin de mettre À disposition des collectivités locales (voire de partenaires comme les bibliothèques, les écoles, les centres sociaux, les associations ou d'autres unités locales telles que les ZEP, les DSQ), un type d'acteur dont le rôle rejoint celui que le Ministère de la Culture assigne au médiateur du livre : établir des relations suivies avec les différents partenaires, conduire des actions de proximité, intervenir dans tous les lieux de vie du quartier, intégrer le recours À l'écrit dans le mode ordinaire de gestion du quotidien. Cette formation par alternance de 600 heures théoriques et de 300 heures de stage se déroulera de la façon suivante : - des temps d’investissement de savoirs généraux (250 H), - des temps de préparation (80 H), - des temps d’alternance entre des lieux de pratiques et les moments de réflexion (420 heures, dont les 300 heures de stage), - des temps de théorisation générale et de mise en commun (150 heures).
Répartition L’ensemble de la formation peut être représenté de la façon suivante :
Contenus • Les temps d’investissement de savoirs généraux Ils concerneront d’une part les 7 domaines suivants pour un total de 130 heures : 1. Connaissance des institutions : Municipalités, Ministères, Éducation 2. Les filières de financement 15 h 3. L’historique des politiques culturelles, éducatives et d’éducation 4. Analyse sociologique des usages de l’écrit. 20 h 5. Connaissance des publics. 15 h 6. Remise À niveau et culture générale : connaissance de la littérature 7. La pratique d’un traitement de texte et de la PAO. 25 h Ils concerneront d’autre part 6 domaines liés aux savoir-faire propres À un travail de coordination inter-institutionnelle pour un total de 120 heures : 1. Une connaissance des "7 propositions pour une politique de lecture" et une réflexion approfondie À propos de chacune d’elle. 20 h 2. Une autonomie par rapport aux outils informatiques dans le domaine de l’apprentissage de la lecture, le perfectionnement en lecture et l’apprentissage de l’écriture (leur utilisation, leur philosophie, les aides À apporter). 25 h 3. Une information sur tous les aspects de la bibliothéconomie et sur les activités en bibliothèque municipale, CDI, BCD (service du prêt, fichier matière, rédaction de fiches de lecture, etc.) 15 h 4. La capacité de pratiquer des animations autour de l’écrit (présentations, clubs de discussions, expositions...) 15 h 5. La capacité de mettre en place des journaux dans divers contextes (quartier, entreprise, école, bibliothèque...) et l’habitude de réagir par l’écriture d’articles. 25 h 6. L’expérience de toutes les composantes d’un projet de production (venue d’un écrivain, atelier public d’écrivain, travail autour d’un thème) et de la collaboration avec tous les acteurs d’une politique de lecture (associations sportives, socioculturelles, instances de formation, d’animation de quartier, écoles...)20h
Ces 13 domaines feront l’objet de temps d’enseignement qui seront globalisés en permanence dans les différentes phases de la formation. Les 300 heures de stage pratique se dérouleront en deux périodes : d’une part des temps d’immersion sur des terrains où l’AFL met en place des politiques de lecture de fond satisfaisantes et d’autre part des temps en situation sur des terrains où est fortement ressentie la nécessité d’une mise en réseau des actions et des structures existantes. Ces terrains d’alternance seront :
Parallèlement aux stages, la formation par alternance consistera À mettre en commun tous les éléments rencontrés au cours de ces situations diverses (école, quartier, association, municipalité, entreprise, animation...). La théorisation se fera alors À partir de la pratique et des questions qu’elle aura fait naître. Il s’agit, À travers la mise en commun de deux expériences par stagiaire, d’accéder À une vision d’ensemble des différents partenaires d’une politique globale. Ce principe d’alternance collective permettra À chaque stagiaire de repositionner sa réflexion par rapport À l’ensemble du groupe et de confronter ses propres questionnements À ceux de ses co-stagiaires.
Les problématiques À ce stade du projet, on ne peut que dresser les
lignes générales des problématiques de formation
qui vont l’accompagner. La logique de formation par alternance
d'une part, et l'accompagnement suivi de politiques de lecture sur des
quartiers d’autre part, ont toutes les chances de mettre À
jour des pistes de travail et de réflexion inédites
À ce jour. Deuxième point : le travail de théorisation devra se faire simultanément sur deux entrées : . Le médiateur du livre élabore en direction de publics non-lecteurs des stratégies rénovées d’offre de lecture. Il compte sur une proximité socioculturelle avec le public visé pour "amener" celui-ci vers la lecture (au sens de la reproduction de pratiques culturelles dans les milieux lettrés). Jeu d’identification, d’espace intermédiaire À occuper (l’espace d’un temps apparemment oisif dans les quartiers vers lesquels le médiateur se dirige et où il se montre en tant que lecteur), agent de complément au travail des bibliothécaires qui n’est pas sans poser question sur la très forte segmentation – et clôture - des publics auprès desquels on intervient lorsqu’on est professionnel de la lecture publique. . Le chargé de mission lecture s’efforce, lui, d’intervenir auprès des professionnels de la lecture sur un territoire limité (la commune, un district intercommunal par exemple) : bibliothécaires, libraires, éditeurs, enseignants,¼ et intervient pour les aider À se rencontrer, se connaître et se reconnaître comme partenaires potentiels. Il a pour objectif de conduire ces professionnels À travailler ensemble au service d’une amélioration des conditions de l’offre, de la mise À disposition et de l’animation des ressources en lecture. . On voit alors la spécificité du coordinateur de politique de lecture : non seulement il aide les professionnels À travailler en partenariat, au service du développement de la lecture, mais en plus il choisit comme domaine d’intervention les projets d’action pour en faire des instruments par lesquels ces mêmes professionnels vont apprendre À transformer ensemble la nature des projets qu’ils conduisent. Et c’est précisément parce qu’ils apprendront À les concevoir ensemble qu’ils pourront véritablement les transformer. Ces projets sont aussi porteurs d’un développement de la lecture chez un public dit de "faibles lecteurs" mais on sait bien qu’il ne doit pas s’agir d’une reproduction de pratiques lettrées : ces projets-lA sont conçus pour transformer des représentations et élaborer de nouveaux écrits et les pratiques de lecture nouvelles qui les accompagnent. Troisième point : Les stagiaires seront accompagnés sur les terrains par les acteurs : enseignants, bibliothécaires, acteur de prévention, agent de communication, etc. Doit-on qualifier ces référents de tuteurs ? Oui, sans doute, si on accepte l’idée que ces différents professionnels seront eux-mêmes engagés dans une réflexion identique À celle des stagiaires en formation. Oui, si l’on admet qu’ils élaboreront ensemble une double cartographie : d’une part, la carte des compétences d’un enseignant, d’un bibliothécaire ou d’un animateur de quartier engagé dans le développement de politiques globales de lecture, et d’autre part, la carte des compétences de celui qui, en tant que coordinateur, les accompagne dans leur projet sans les en désaisir. Comme on peut le voir, c’est un authentique travail de recherche-action qui s’annonce : dans l’action et l’accompagnement de projet, les stagiaires seront au contact des réalités locales, des antagonismes personnels ou sectoriels qui freinent les partenariats, des relations d’amitié qui parfois les favorisent mais signent aussi leur fragilité puisqu’ils "tiennent" par la volonté de quelques personnes, etc. Chacun au contact d’une parcelle de cette réalité sera chargé de les porter au collectif et d’en analyser les fonctionnements. Se reconstituera alors par accumulation d’expériences, au sein du groupe de stagiaires coordonné par l’AFL, la totalité de cette réalité de terrain. La réalisation de cette formation par alternance représente un premier enjeu important. Le second est certainement la poursuite de ce travail de recherche-action par les terrains de ce travail. Ils aideront À spécifier l’apport du coordinateur de politique de lecture À leur action. Pour tous ceux qui sont concernés par les Villes lecture et les Assises nationales de la lecture, la conduite de ce projet BEATEP est un point d’ancrage supplémentaire et essentiel pour nous permettre de définir de plus en plus finement le projet de Ville lecture et la manière dont les acteurs peuvent les élaborer. |
Nathalie Bois - Hervé Moëlo
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