La revue de l'AFL
Les
Actes de Lecture n°61
mars 1998
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novembre 1997
3èmes Assises nationales de la Lecture
les raisons de lire
Si je devais utiliser un seul mot pour rendre
compte de cet atelier, co-animé par Alain Maussière,
président de la CMCAS (1) des gaziers-électriciens de Montpellier et Nelly Déchery, responsable de la lecture au CCE (2) SNCF, j'emploierais celui de surprise (avec ou sans s à la fin).
Ma première surprise fut, en effet, de constater que dans ces
Assises où enseignants et bibliothécaires étaient
largement majoritaires (alors qu'on y a – comme toujours –
avancé les idées de déscolarisation et de ...
débibliothécarisation de la lecture), il pouvait y avoir
un atelier dont sept des onze participants étaient des
élus ou des salariés de comités d'entreprises
venus s'interroger sur ce que pouvaient être des actions de leurs
institutions portant sur la lecture mais sortant du prêt
d'ouvrages ou des activités tournant autour de ce seul aspect.
Je découvrais que ce Séminaire, où l'on aurait
souhaité une majorité d'élus municipaux ou de
techniciens communaux, mais auquel (et c'est heureux...) enseignants et
bibliothécaires s'étaient inscrits massivement, comptait
une catégorie d'autres
non négligeable et qui, comme par hasard, fréquentaient
le même atelier. Celui-ci, il est vrai, entrait dans le groupe
« autour de l'entreprise et de son environnement social »
qu'il était le seul à illustrer.
Ma deuxième surprise fut d'assister, non pas à une
présentation, mais à une critique acerbe de la semaine de
manifestations sur la lecture et la viticulture, organisée dans
l'Hérault, du 11 au 15 novembre 1996, par Alain Maussière
qui en avait été l'initiateur. En effet, pour ce dernier,
étaient insuffisantes à cette « fête du livre
et du vin » au Cap d'Agde, et la présence de 150 enfants
provenant de cinq écoles dont les élèves avaient
conduit tout au long de l'année des projets sur le travail de la
vigne, et celle de 200 retraités (même s'ils
préféraient majoritairement le vin aux livres...), et
celle des participants à une rencontre-débat avec Jean
Foucambert ou des personnes qui fréquentèrent les deux
journées d'animations musicales et théâtrales
autour de Molière. Or, télévision, radios et
presse écrite donnèrent à la manifestation
elle-même un retentissement médiatique qui dépasse
largement les seules présences recensées...
Ma troisième surprise fut l'importance attachée par Nelly
Déchery à la magnifique enquête
réalisée par Bernadette Seibel (3)
sur la relation des cheminots à l'écrit. En effet, si la
description et l'analyse de cette sociologue fournissent une
précieuse typologie des lecteurs, qui montre une étroite
concordance entre attitudes lexiques, emploi occupé et niveau
scolaire d'origine, en sort renforcée cette inéluctable
relation entre niveau de lecture/niveau scolaire/niveau d'emploi/types
de recours à la lecture, relation certes évidente mais
où il est hors de question d'accepter sans réagir
l'automaticité de la transformation d'un déterminisme
constaté en fatalité irrémédiable... Cette
présentation a au moins eu le mérite de provoquer une
réaction unanime des participants à l'atelier en faveur
de la promotion de projets destinés à casser ce qui
semble pourtant inévitable !
Ma quatrième et dernière surprise – et non des
moindres – est que les études de cas qui nous
étaient proposées (et qui portaient toutes sur des
actions plus ou moins partenariales centrées sur ce public
«captif» que constituent les alariés d'une
entreprise) ont conduit les membres de cet atelier – animateurs
comme participants – à constater que c'est le lieu – la commune – plus que l'institution
– le comité d'entreprise – qui est susceptible de
constituer le champ le plus efficace d'une politique de lecture. Et il
en est ainsi parce que c'est localement qu'il est le plus facile (le
plus légitime ? le plus logique ?) de mobiliser des personnes
sur un projet aussi authentiquement politique que celui du statut de
l'écrit. Parce que c'est tous les jours, dans la ville où
l'on vit, que les enjeux personnels, familiaux, citoyens, corporatifs,
professionnels, ludiques... de la lecture se manifestent. Et pour tous
les syndicalistes présents, dont le champ d'action et de
responsabilité est l'entreprise (et même la très
grande entreprise, dont l'emprise couvre au moins le territoire
national), il est finalement apparu que la mise en œuvre d'un
projet réellement efficace devait viser l'interprofession
(l'inter-citoyenneté ?), dans le cadre départemental ou
local, celui des Unions départementales ou des Unions locales.
De surprise en surprise, il semble bien que nous soyons parvenus
à conforter les conclusions de l'analyse qui a conduit l'AFL
à promouvoir le concept de ville-lecture. Il ne sera
probablement pas facile pour les syndicalistes dont le champ
prioritaire (exclusif ?) de la mission est limité au cadre de
l'entreprise, de convaincre ceux qui les ont élus comme les
élus qui les dirigent qu'ils doivent, pour être efficaces,
agir aussi (agir surtout ?) hors de l'entreprise ... Il est donc
indispensable qu'ils puissent compter sur les appuis, les partenariats,
les aides, les alliances que nous nous devons de leur offrir.
notes
(1) CMCAS : Caisse Mutuelle Complémentaire et d'Action Sociale.
(2) CCE : Comité Central d'Entreprise.
(3) voir A.L. n°53, mars 96, pp. 104 à 107.