La revue de l'AFL
Les
actes de lecture n°62
juin 1998
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Les écoles expérimentales ont 20 ans.
Un pari hier, un enjeu aujourd'hui.
Leurs contributions A la promotion collective.
La gestion du groupe par la groupe
C'est A plusieurs qu'on apprend tout seul
De 1979 A 1998… En 1980 des
enseignants volontaires se sont regroupés autour d'une charte
A l'école d'Aizenay en mettant en place une
pédagogie axée sur la lutte contre l'échec
scolaire par le développement globale de lecture avec une
approche différente de son apprentissage, la création
d'une BCD et l'ouverture de l'école.
L'équipe d'enseignants, stable, a, au fil des années,
dans le cadre du projet d'école, développé une
pédagogie basée sur la personnalisation des
apprentissages et la participation réelle des enfants A
la gestion coopérative de l'école.
Dans le cadre de leur politique de la lecture et de l'écriture,
ces enseignants ont créé en 1987 "l'Echo du p'tit Buton",
journal bimensuel de l'école, et en développant la BCD
qui compte maintenant plus de 6000 livres et documents consultables
depuis les classes après son information et le câblage de
l'école.
Ils ont également développé une pédagogie
de la communication permettant aux enfants d'apprendre aussi souvent
que possible en situation vraie et A partir de documents
réels. Pour cela ils ont introduits par nécessité
les outils des nouvelles technologies (l'ordinateur depuis 1984, le
télécopieur depuis 1989, Internet depuis 1997).
L'implication des parents dans la vie de l'école est très
importante (animation de la BCD, animation d'ateliers…).
Le travail de l'école a fait l'objet de plusieurs publications
(film "Le goût de lire" en 1982, "Lire A l'école"
en 1992, "Les enfants d'abord" en 1996, "C'est A plusieurs que
l'on apprend tout seul" en 1997…) ou reconnaissance (3ème
prix national des journaux scolaires en 1989, 3ème prix au
tremplin national des jeunes écrivains en 1991…)
Hypothèses
On y apprend seul A plusieurs
La personnalisation des apprentissages ne se réduit pas A
l'individualisation de ceux-ci. Il est nécessaire de sortir de
l'opposition individualisation- socialisation. On personnalise mais on
travaille avec d'autres. Et pour devenir autonome, il est indispensable
d'être soi-même placé en situations
responsabilisantes. L'apprentissage et l'exercice de la
citoyenneté sont développés au travers des
structures de gestion coopérative de l'école auxquelles
les enfants participent ou sont associés de la maternelle
A la fin du cycle 3 :
- le conseil coopératif de classe : les enfants y
élaborent les lois de la classe, examinent les infractions au
sein du groupe, mettent au point leur plan collectif de travail,
gèrent les travaux d'ateliers ou de groupes, présentent
leur réalisation . La classe coopérative, lieu
institué, permet le respect de chacun au travers d'une vie
collective gérée par les enfants. C'est le lieu
d'exercice des responsabilités négociées. C'est un
lieu de citoyenneté, de convivialité
- le conseil de bibliothèque hebdomadaire, le conseil de cour de
récréation, le conseil de restaurant scolaire, le conseil
de garderie périscolaire, le Conseil d'Ecole (lieu
institutionnel officiel auquel des délégués de CM
sont associés). Il conviendrait d'ajouter le Conseil Municipal
Jeunes auquel participent les enfants de CM2
"L'enfant n'aime pas le travail de troupeau auquel
l'individu doit se plier. Il aime le travail individuel ou le travail
de groupe au sein d'une communauté coopérative." C. Freinet
La liberté d'expression et de participation est réelle au
travers des écrits des enfants (textes libres, ateliers
d'écriture, le journal de l'école…) ou A
l'oral (coin parole, entretien du matin, présentations,
communications, radio P'tit Loup - radio d'école- en
maternelle.)
L'école ouverte sur la vie stimule l'émergence des
projets. Les apprentissages prennent sens au travers des ces projets.
Les enfants se les approprient car ils en connaissent les buts, ils
savent que cela va servir A leurs pairs. A la BCD (lors des
recherches documentaires, des exposés, revue de presse, lecture
aux plus petits, échange sur des livres que l'on a aimé
et que l'on présente aux copains), grâce au servie
documentaire par Fax "Les enfants renseignent les enfants" lors
d'"Ecritique " des revues de presse , avec le journal scolaire, avec
les intervenants, les réseaux s'organisent , les interactions se
multiplient , les savoirs s'échangent.
"Je t'aide A comprendre, tu m'aides A apprendre"
Coopérer permet d'apprendre A s'organiser (ex: faire un
exposé), A dire, se dire, A présenter
(livres, poésies, textes…). Le savoir n'est pas
imposé mais la fonction du groupe reste fondamentale. Cela passe
aussi par les rencontres, le tutorat, le parrainage, l'analyse de
situations, le droit A l'erreur, l'apprentissage de
l'écoute. La qualité de l'écoute est liée
A la qualité du silence : c'est le respect de la parole
de l'autre, le respect de l'individu. Le parrainage permet la
distanciation, l'accompagnement. Il est inscrit dans la culture
scolaire des enfants, il est institutionnalisé.
Les enfants ne trichent pas car ils n'y a pas de concurrence, pas de
compétition, on a le droit A l'erreur et il n'est pas
tabou d'avoir des difficultés.
Le maître devient "un organisateur de situation "et un garant des institutions.
Les enfants accèdent aux savoirs sans la médiation
permanente et directe du maître. Celui-ci joue son rôle de
préparateur, d'accompagnateur de situations
d'apprentissage… L'enseignant n'est plus le médiateur
privilégié, celui par lequel le savoir passe
automatiquement , mais un organisateur de situations de formations.
Dans un travail de groupe il est en retrait, A la disposition
des élèves. La part du maître ne paraît ni
subjective (elle s'objective dans le matérialisme
pédagogique : outils, techniques), ni aliénante, car ce
n'est pas une médiation directe : elle passe par des
règles de vie des habitudes, des procédures qui peuvent
s'évaluer. Le maître reste le garant des règles de
vie élaborées collectivement et le garant des
institutions.
La cohérence et la cohésion d'une équipe
pédagogique, la coopération entre adultes, la
reconnaissance d'un statut A l'enfant, l'inscription du projet
dans la durée sont les atouts indispensables A la
réussite d'une telle entreprise.
Limites
La prise en compte des problèmes éducatifs par les
enfants pose question, celle notamment de leur autonomie de
pensée en cas de conflit ouvert ou larvé entre les
valeurs familiales et les valeurs scolaires. Mais dans cette «
société » d'enfants, qui décide des formes
de solidarité et envers qui ?
Non coupée de la société en général
et de ses enjeux, il est « indéniable » que la
gestion du groupe par lui-même « puise » aux formes
d'entraide existantes… Cette responsabilité
précoce aura-t-elle des effets dans la vie personnelle et
sociale des enfants ?
Questions
« La classe ancienne n'est que la juxtaposition fortuite
d'un certain nombre d'élèves, agissant tous de
façon identique, chacun étant individuellement
responsable devant le maître. S'occuper du voisin , c'est
bavarder ou tricher. La compétition elle même vise
uniquement A établir une hiérarchie entre les
élèves. Elle incite moins A l'émulation
naturelle qu'A la rivalité, elle exclut la
solidarité et l'échange. Il n'existe de vie collective
que pendant les récréations ou les moments de chahut, ce
qui est loin d'être négligeable et tient d'ailleurs une
large place dans les mémoires écolières.
Très souvent, certains enseignants croient opérer une
révolution en acceptant que tous les exercices ne soient pas
accomplis simultanément par les élèves. Certes
l'assouplissement des rythmes constitue un relatif progrès, mais
une simple individualisation des tâches obligatoires ne modifie
en rien la juxtaposition des élèves et peut même
renforcer leur isolement.(…)
La classe n'est plus la juxtaposition d'individus, tous soumis A
l'autorité qui les domine, et où chacun ne peut
réussir que par compétition contre ses semblables. Elle
devient la communauté d'êtres en quête d'autonomie
personnelle, participant A l'élaboration de leurs lois
pour trouver ensemble le maximum d'épanouissement. Et cette
communauté n'est pas close sur elle même mais relié
A beaucoup d'autres, tout comme au milieu ambiant.
Qui ne s'aperçoit pas que ces deux modes d'éducation
correspondent A des conceptions différentes de la vie
sociale et politique ?
» Freinet ne cessera de le rappeler aux enseignants
démocrates qui se satisfont du féodalisme scolaire. (*)
(*) Célestin Freinet : un éducateur pour notre temps : 1896-1936, les années fondatrices. Michel Barré - PEMF, 1995 - coll. Ressources pédagogiques, Tome 1, pp. 62-64.