La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°63  septembre 1998

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note de lecture

La maîtrise des langages A l'école et au collège.
Propositions issues de la journée du 13 décembre 1997

M.E.N. - Direction de l'Enseignement Scolaire.
Bibliothèque nationale de France


Ce document est la synthèse des 36 contributions écrites reçues en réponse au questionnaire distribué aux participants A la journée de réflexion sur « langues et langages » organisée A Paris par la Direction de l'Enseignement Scolaire le 13 décembre 1997 sous la présidence de Ségolène Royale. Le délai trop bref pour répondre explique sans doute en partie le petit nombre des retours représentant environ le tiers des réseaux académiques et départementaux « maîtrise des langues ». Des correspondants s'expriment en leur nom propre, d'autres rendent compte de consultations locales. Parmi les réponses émanant des secteurs non scolaires, on note celles des deux associations de parents d'enfants dyslexiques ( !) et de deux éditeurs d'ouvrages scolaires.

Le questionnaire comportait trois rubriques : pédagogie des langages (la majorité des questions portant sur l'oral et l'image), littérature de jeunesse (approches novatrices, pédagogie du « plaisir d'apprendre », bibliothèque...) et difficultés de lecture (repérage et remédiation). La plupart des considérations se limitent A l'école primaire (maternelle et élémentaire) et n'abordent que rarement le collège.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce document ne risque pas de bouleverser les idées et les pratiques. Plusieurs lignes de force reprises par les auteurs de ce document organisent les réponses. Y sont dénoncés les insuffisances des formations initiale et continue des enseignants, l'absence de concertation au sein du système éducatif, le manque d'ouverture de l'école aux partenaires extérieurs. On y préconise une continuité du travail tout au long de la scolarité, le partenariat avec les institutions locales et plus de souplesse dans la gestion des classes comme l'exige une pédagogie différenciée soucieuse des difficultés et du rythme de chaque enfant. Soit... Autre souhait : recentrer la pédagogie des langages sur l'oral, « base de tous les autres acquis et notamment ceux de la lecture ». Pour cela, il faut « promouvoir des activités autour du maniement de la langue orale ». Soit encore... mais rien qui ne soit déjA dans les directives et les instructions officielles.

Cette insistance sur l'importance et la primauté de l'oral a manifestement pour arrière plan l'idée de pré-requis et de support A l'enseignement de la lecture. On en veut pour preuve l'argumentation quasi unanimement développée dans le chapitre consacré A la lecture. Qu'il s'agisse de repérage précoce et de prévention (au cycle 1) ou de remédiation par la suite des difficultés d'apprentissage de la lecture, et comme il n'est même pas envisagé un enseignement qui prenne seulement quelque distance avec celui de la combinatoire, on devine que toute cette attention A l'égard de l'oral a pour principale préoccupation « le travail phonologique (j'entends, je discrimine, je prononce, j'articule...) » qui « est le parent pauvre de ces pratiques le plus souvent collectives. L'atelier d'écoute constitue un travail particulièrement complémentaire du travail d'approche de l'écrit pour préparer l'enfant au travail grapho-phonologique systématique qui lui sera proposé dès le CP. » comme l'affirme un IEN chargé de la mission lecture du Bas-Rhin. Passons sur les contributions des associations de parents d'enfants dyslexiques qui accusent la méthode globale de mettre en échec « les dyslexiques dyséidétiques » (diable, diable !) et qui n'imaginent pas qu'on puisse confier le soin de porter remède aux difficultés repérées par les batteries de tests qu'elles énumèrent A une personne qui ne soit pas « spécialiste ». Comme on se situe A l'intérieur d'une unique et indiscutable conception de l'enseignement de la lecture, on s'accorde pour dire que l'influence de la méthode est négligeable et pour insister sur « l'effet maître » et « une progression de l'apprentissage A l'aide d'un manuel précis en dosant une approche globale des mots et du sens avec une approche mécaniste, grapho-phonologique. » Et plus il y a de difficultés, selon l'inspecteur d'académie de Haute-Savoie, « plus le maître doit « serrer le jeu » sur des aspects mécaniques et des exercices de structuration. » On le voit, personne ne met en doute que l'écrit est un système de notation de l'oral et les vertus accordées aux activités de verbalisation pour découvrir les fonctions et les structures de la langue éliminent toute spécificité de l'écrit qui ferait de sa maîtrise le fruit d'un apprentissage linguistique au même titre que celle de l'oral.

Nous résistons A l'envie de pointer quelques perles notamment A propos des BCD et de l'informatique. Le mérite de ce document est sans doute de refléter l'état de l'opinion sur « la maîtrise des langages » d'un certain nombre de responsables au sein de l'Éducation nationale. A

Michel Violet