La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°63  septembre 1998

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Arguments contre la conscience phonémique

L'article qui suit de Robert Scholes, PhD, professeur de communication orale et de linguistique A l'Université de Floride, s'insère dans notre rubrique Bonnes Pages composée de textes et de documents d'origines diverses qui, A propos de la lecture et de l'écriture et de leurs apprentissages, ont un intérêt documentaire et informatif certain parce qu'ils présentent des recherches et des expériences ou des pratiques peu connues ou parce qu'ils abordent des sujets pas ou peu traités dans notre revue ou encore parce qu'ils exposent une réflexion, une position, un point de vue originaux.
(Nous remercions le Professeur Scholes de son aimable autorisation de reproduire son article dont la version anglaise a été diffusée par Internet (http://www.class.ufl.edu/users/rscholes/psatext2.htm).



Ces dernières années, on a accordé beaucoup d'intérêt A l'étude de la conscience phonologique ainsi qu'A son rôle dans l'acquisition et l'utilisation des savoir-faire en lecture. Les savants sont divisés quant A la relation entre la conscience phonologique et la lecture ; quelques spécialistes soutiennent que la capacité d'analyser le discours en segments phoniques discrets est un signe précurseur - et même un facteur de réussite dans l'acquisition de la lecture, d'autres prétendent qu'elle résulte de l'habitude A considérer le langage comme un système d'écriture alphabétique.

Cet article présentera des preuves et des arguments montrant que la conscience phonologique a très peu de choses A voir, sinon rien, avec la lecture ou son apprentissage.

Avant de procéder A une évaluation du rôle de la conscience phonologique dans la lecture, il est nécessaire de partager une compréhension commune des termes employés - en particulier, la lecture et la conscience phonologique.

DÉFINITION 1 : LA LECTURE

Un néophyte serait certainement surpris d'apprendre que les chercheurs qui se spécialisent dans l'étude de la lecture ne partagent pas la même définition de ce concept mais c'est pourtant le cas. Quelques spécialistes définissent la lecture comme la capacité A oraliser des séries de lettres (y compris des séries qui n'ont aucun sens) ; d'autres se conforment A la notion plus commune selon laquelle la lecture implique la compréhension. Sally Shaywitz (Shaywitz, 1996) représente parfaitement ceux dont l'opinion est que la lecture est une activité de conversion grapho-phonologique (elle va encore plus loin en disant que l'oral et l'écrit sont tous deux « phonémiques »). Elle définit les troubles de la lecture, la dyslexie, comme « un déficit A l'intérieur du système du langage au niveau du module phonologique » qui « diminue la capacité [d'un enfant] A segmenter le mot écrit en ses composants phonologiques sous-jacents » (p. 100) et se conforme A l'égalité Bloomfieldienne (Bloomfield, 1927) entre l'écriture et la parole lorsqu'elle déclare, que « les phonèmes, ... fabriquent tous les mots écrits et parlés. » (p.98). Après cette définition de l'écriture comme étant de l'oral écrit, Shaywitz est amenée A dire « avant que les mots puissent être identifiés, compris, ... ils doivent être décomposés en leurs unités phonémiques. » (p.99)

Cependant, pour la plupart des gens, la lecture fait référence A la compréhension du langage écrit. L'homme de la rue, si on lui demandait s'il sait lire ani rotzeh lishtot tapuzim, répondrait sûrement, s'il ne connaît pas l'hébreu : « Non ». Ou bien il pourrait répondre : « Je peux le prononcer, mais je ne sais pas ce que cela signifie » - indiquant clairement la compréhension de la différence entre lire et oraliser. Cette notion de la lecture, pleine de « bon sens », est la définition de la lecture qui sera utilisée ici. Ce n'est pas seulement l'acception ordinaire du mot, mais aussi celle de spécialistes comme David Olson (Olson, 1977), Frank Smith (Smith, 1986), John Carroll (Carroll, 1972) et de nombreux autres.

Plus formellement, voici la définition des termes écriture et lecture tels qu'ils sont employés dans l'exposé qui suit :

L'écriture est une représentation graphique de constructions linguistiques.
Si une représentation graphique peut être comprise sans avoir connaissance d'un langage spécifique, cette représentation n'est pas de l'écrit, c'est un dessin.

Les entités linguistiques représentées dans l'écriture sont des constructions qui se rapportent au sens ou A la fonction, telles que le mot et le morphème. Voir Ranko Bugarski (Bugarski, 1970 ; 1993) pour davantage de détails sur ce point - plus particulièrement, au sujet de l'observation selon laquelle, dans sa représentation des constructions linguistiques, un système d'écriture peut être considéré comme une grammaire descriptive du langage qu'il encode.

La lecture est la conversion des constructions linguistiques écrites en sens.
En gardant A l'esprit ce sens du mot lecture, nous pouvons considérer des phénomènes comme la « lecture silencieuse » (de peu d'intérêt pour ceux qui considèrent que la lecture est une oralisation), et nous pouvons concentrer notre attention sur la recherche concernant les étapes et les processus par lesquels les enfants acquièrent la capacité de construire du sens A partir du texte ( d'aussi peu d'intérêt dans la théorie de l'oralisation).

DÉFINITION 2 : LA CONSCIENCE PHONOLOGIQUE

Il y a deux capacités très différentes connues sous le nom de conscience phonologique. L'une d'elles est la capacité d'isoler et d'oraliser des segments syllabiques du langage oral. Les unités syllabiques incluent les voyelles (V) et les combinaisons consonne-voyelle (CV, VC, CVC). Cette capacité pourrait être appelée Conscience Syllabique.

L'autre est la capacité d'isoler et de manipuler des phonèmes segmentaux (sub-syllabiques). Cette capacité est souvent appelée Conscience Phonémique. Il serait plus adéquat de l'appeler Conscience Phonétique car les phonèmes sont des constructions abstraites de la description linguistique et ne sont pas nécessairement audibles (Sapir, 1949). En général, les études concernent la manipulation de segments acoustiquement déterminés et pas la capacité des gens A conceptualiser la parole en terme de construction rationnelle. C'est A dire qu'on leur demande d'enlever le son [p] de "spin", mais qu'on ne leur demande pas de montrer qu'ils sont conscients de ce que le son [p] après -s est un allophone du phonème /p/ (même s'il sonne comme [b]) ; ou qu'on leur demande d'ajouter le son [k] A 'it', mais pas s'ils sont conscients que les sons [k] très distincts dans 'key', 'cup' et 'cop' sont tous allophones du phonème [k]. Pour éviter cette confusion terminologique, nous ferons référence A cette capacité de manipuler ces segments isolés de la parole en utilisant le terme Conscience du Segment Phonétique, ou CSP.

Bien qu'il existe de bonnes raisons de faire la différence entre la conscience syllabique et la conscience du segment phonétique, cette distinction n'aura aucune incidence sur les arguments présentés ici. Cependant, il peut être intéressant d'indiquer pourquoi la distinction est généralement vaine dans le contexte de la « conscience phonémique ». Un des tests les plus courants nécessite la présence d'un expérimentateur qui présente oralement un mot (quelquefois ce mot n'a aucun sens) et une consonne occlusive et demande au sujet quel résultat on obtient si la consonne est supprimée du mot - par exemple, qu'obtenez-vous si vous enlevez [p] de «plot »? Le problème avec cette façon de procéder est que les consonnes occlusives ne peuvent pas être articulées isolément. Une occlusive sourde signifie simplement qu'il n'y a aucun son, et dans le cas d'une occlusive sonore, il y a seulement un murmure très bref. Quand les sons du mot "cat"(chat) sont prononcés séparément, ce qui est nécessairement articulé est une suite de trois syllabes, A savoir [k] [ae] [t] . En conséquence, une grande partie de la recherche sur « la disparition du phonème » ne peut pas être distinguée des études sur la manipulation des syllabes. (Il existe une façon de surmonter ce problème, au moins chez des sujets adultes, et nous allons la présenter ci-dessous).

LECTURE ET CONSCIENCE PHONOLOGIQUE : LE DÉBAT ACTUEL

Les relations entre la lecture et la conscience phonologique ont longuement été débattues en termes de dichotomie impliquant la causalité : par exemple, qu'est-ce qui cause quoi ? Les deux aspects de ce débat sont :

1) La conscience phonologique précède le savoir-faire en lecture et contribue A la réussite de l'apprentissage de la lecture.

On retrouve cette idée novatrice par exemple dans les travaux de Tumner et de ses collègues (Tumner, Pratt et Harriman, 1984) et chez d'autres utilisant une épreuve de segmentation phonémique, où après avoir reçu une brève formation, on demande A des enfants de taper dans leurs mains le nombre de segments phonétiques dans un mot stimulus. Malgré des doutes concernant ce qui est exactement évalué (du fait que les phonèmes ne peuvent pas être physiquement isolés au fil du discours) Marilyn Adams (Adams, 1990) conclut que « ... la conscience phonémique évaluée par les épreuves de segmentation semble être A l'origine d'une compétence précoce en lecture... » (p.70).

2) La conscience phonologique est une conséquence de la maîtrise de l'écriture alphabétique.
Parmi les partisans de cette idée, on trouve Dale, Crain-Thoreson, et Robinson (1995) dont les études sur la capacité de lecture chez les enfants précoces sur le plan linguistique, disent-ils, « ont fortement conforté l'opinion selon laquelle la conscience phonémique est en grande partie le résultat de l'apprentissage de la lecture même A un âge avancé. » (p. 180-1). La critique de leurs propres recherches ainsi que de recherches similaires les amène A la conclusion que, « ... les savoir-faire en conscience phonémique, ... ne se développent généralement qu'en réponse A une expérience de l'alphabétisation que celle-ci ait eu lieu A l'école ou A la maison... » (p.183).

On trouve d'autres déclarations en faveur de l'idée de la conséquence dans les travaux d'Ignatius Mattingly et Bruce Derwing. Mattingly (1994), parlant des inventeurs grecs de l'alphabet occidental, déclare, « Il est sans aucun doute vrai que ces linguistes, comme la plupart des occidentaux cultivés, ont basé leur notion de segment phonémique sur la découverte d'une orthographe alphabétique. Ainsi, la conscience des segments est apparue chez les grecs pour la même raison qu'elle est apparue chez tous leurs successeurs : en tant que résultat de la découverte de ce qui s'est révélé être un système d'écriture segmenté. Il n'y a pas besoin de supposer qu'il existe chez n'importe qui une conscience segmentale antérieure, basée sur l'orthographe plutôt que sur la phonologie. » (p. 89). Derwing (Derwing, 1992) affirme de façon convaincante que la phonologie des gens qui savent lire, écrire et parler est lourdement influencée par leur expérience orthographique et que la lecture et l'écriture ne peuvent pas être réduites A de simples parasites de la parole et de l'écoute.

Cette opposition entre les deux points de vue est très joliment illustrée par les écrits de Marilyn J. Adams (Adams, 1990). Adams déclare (1990, p.306) que, « Assurément, notre système d'écriture alphabétique ne nous a pas amenés A inventer des phonèmes. Au contraire, c'est leur réalité psychologique antérieure qui nous a permis d'inventer l'alphabet.» Et, sur la même page, « La syllabe est psychologiquement analysable en phonèmes, et cette chose est évidente pour nous parce que (et peut-être seulement parce que) nous avons appris un système d'écriture alphabétique. » [ italiques par l'auteur].

Il existe une troisième position sur la conscience phonologique et la lecture qui pourrait être résumée ainsi:

3) La conscience phonologique et le savoir-faire en lecture n'ont aucun lien, ce sont des capacités indépendantes.
Ce point de vue pourrait être celui avancé par des lecteurs de systèmes d'écriture non-alphabétique (comme les Chinois) et pourrait s'appliquer A un phonéticien expérimenté et dans une certaine mesure (voir ci-dessous) A des lecteurs de systèmes d'écriture alphabétique.

LA CONSCIENCE PHONÉTIQUE ET L'ALPHABÉTISATION CHEZ LES ADULTES

De nombreuses études ont montré que les adultes non alphabétisés parlant leur langue maternelle ne sont pas capables de réaliser des épreuves étudiant la conscience du segment phonétique (habituellement la suppression de phonèmes) alors que les lecteurs de systèmes d'écriture alphabétique - dès le CE1 - sont capables d'effectuer de telles tâches. Bertelsen et de Gelder (1989), par exemple, présentent nombre d'études de sujets parlant le portugais, le belge, le japonais et le chinois qui démontrent l'absence de conscience du segment phonétique chez les adultes non-lecteurs ou lecteurs de systèmes d'écriture non-alphabétique, de même que sa présence chez des personnes qui ont appris A lire des systèmes d'écriture alphabétique A l'âge adulte. Scholes et Willis (1987 ; 1991) justifient l'absence de conscience du segment phonétique chez les non-lecteurs de langue maternelle anglaise de même que sa présence chez les enfants de CE1 qui réussissent leur apprentissage de la lecture.

De tels travaux démontrent clairement que la conscience du segment phonétique n'est pas un composant naturel de la conscience linguistique orale. Étant donné ce résultat, il s'ensuit que la conscience du segment phonétique n'est pas présente chez l'enfant pré-lecteur et donc, ne peut pas être considérée comme un signe précurseur de la réussite en lecture. Ces travaux ne disent pas, bien sûr, si la pratique de la conscience du segment phonétique pourrait ou non aider un enfant A apprendre A lire : cette question sera traitée ci-dessous.

Il est particulièrement instructif d'étudier la conscience du segment phonétique chez les adultes alphabétisés. Quand on demande aux anglophones adultes alphabétisés de réaliser des épreuves phonologiques, leurs réponses démontrent généralement qu'ils conceptualisent le discours en termes de forme écrite. Plusieurs chercheurs (Ehri et Wilce, 1986 ; Derwing, 1992 ; Scholes, 1993) ont montré cela de différentes manières. Des sujets utilisent une procédure basée sur l'orthographe en comptant les sons, par exemple, et jugent que des mots comme 'tempt' et 'limped' ont plus de sons que 'tent' et 'lint' ; que 'ditch' a plus de sons que 'rich', etc. Lorsqu'on leur demande de supprimer des sons, ils trouvent moins difficile le fait de supprimer le [t] de 'witch' (='wish') que de 'which' (= 'wish'). (1)

Lors d'une récente étude, j'ai demandé A des étudiants d'université (N=70) de supprimer des sons dans des mots et de rapporter les résultats par écrit. Pendant cette expérience, j'ai évité que les sujets se trouvent dans l'incapacité d'articuler des consonnes occlusives isolées en leur demandant d'enlever le Nième son (par exemple, le premier son, le deuxième son, ou le troisième son, etc.). Un essai se présentait sous la forme suivante : Quel mot obtenez-vous si vous supprimez le Nième son du mot X ; par exemple, Quel mot obtenez-vous si vous supprimez le 2ème son du mot 'frame' ? Dans quelques-uns des essais, le son A supprimer entretient une relation univoque avec une lettre dans l'orthographe du mot. Les sujets ont très bien réussi ces stimuli (Tableau 1, Série 1). Dans d'autres cas, le son A supprimer ne correspond pas A une lettre dans l'orthographe des mots. Les sujets n'ont pas très bien réussi ces stimuli (Tableau 1, Série II).

Tableau 1

Pourcentage de réponses correctes dans une tâche de suppression de phonèmes
70 réponses pour chaque stimulus


Série 1 : Le son = la lettre 90%

Supprimer 1er son de 'grow' ([gro] - [g] - [ro], 'row') 93%

Supprimer le 2ème son de 'frame' ([frem] - [r] = [fem] 'fame') 97%

Supprimer le 1er son de 'stable' ([stebl] -[s] = [tebl] 'table') 83%

Supprimer le 4ème son de 'stable' ([stebl) -[b] = [stel] 'stale') 86%

Série II : Le Son n'est pas la lettre 12%

Supprimer le 4ème son de 'placed' ([plest] - [s] = [plet] 'plate') 16%

Supprimer le 3ème son de 'faxed' ([faekst] - [k] = [faest] 'fast') 11%

Supprimer le 4ème son de 'faxed' ([faekst] - [s] = [fekt] 'fact') 6%

Supprimer le 3ème son de 'liked' ([laiikt] - [k] = [lait] 'light') 19%


Si la conscience du segment phonétique précédait ou était indépendante de la maîtrise de l'écriture alphabétique, les exemples de la série II ne devraient pas être plus difficiles que ceux de la série I. Or ils le sont de façon significative. Qui plus est, ces études montrent que la conscience du segment phonétique est une conséquence très limitée de la maîtrise du système alphabétique dans la mesure où les gens qui sont alphabétisés sont conscients des segments phonétiques seulement quand ces segments ont une correspondance univoque avec les lettres écrites. Autrement dit, quand on demande A des personnes de réaliser des analyses phonétiques, elles font en réalité des analyses de lettres, - les résultats démontreront apparemment la conscience du segment phonétique alors qu'en fait ils démontrent seulement la conscience des lettres. Ainsi, lorsqu'on demande de supprimer le [k] (ou troisième son) de 'liked', on obtient 'lied' (suppression de la lettre) plus souvent que 'light' (suppression du son) (dans l'étude qui figure dans le Tableau 1, 'light' était la réponse de 19 % des sujets).

Il faut noter ici que la capacité de détecter la rime n'est pas une bonne mesure de la conscience du segment phonétique. Les sujets auxquels Scholes et Willis (1978) font référence ont fait la preuve qu'ils étaient capables de distinguer des syllabes sur la base de différences phonétiques relativement subtiles, mais n'étaient pas capables d'isoler les segments phonétiques impliqués dans la distinction. Ils pouvaient, par exemple, distinguer 'flagrant' de 'fragrant' dans un test de paires minimales, mais ne pouvaient pas supprimer le [r] de 'grow'. Il n'en résulte donc pas que, quelqu'un qui peut identifier les rimes peut isoler le ou les segment(s) phonétique(s) qui composent la rime.

On doit également remarquer que la conscience syllabique, aussi opposée qu'elle soit A la capacité d'isoler et de manipuler des phonèmes segmentaux, paraît appartenir A la conscience linguistique de tous ceux qui parlent. (Peters, 1985). On pourrait s'attendre A cela en partant du raisonnement selon lequel les syllabes existent acoustiquement A l'inverse des phonèmes.

CONSCIENCE PHONOLOGIQUE ET ACQUISITION DE LA LECTURE

Alors qu'il est tout A fait clair que la conscience phonologique est un résultat très limité de l'acquisition de l'alphabétisation, on pourra toujours affirmer que l'enseignement de la conscience phonologique facilite l'apprentissage de la lecture. Bertelsen et de Gelder (1989), par exemple, remarquent qu'on pourrait concevoir que la lecture phonologique soit importante voire nécessaire A une certaine étape de l'apprentissage de la lecture. En revanche, il est sûr que la conscience phonologique n'est pas requise pour savoir lire et écrire. Eric Lenneberg (Lenneberg, 1962) a rapporté le cas d'une personne incapable de parler depuis la naissance (dysarthrie congénitale) et d'individus atteints de graves déficiences auditives congénitales qui ont atteint un assez bon niveau en lecture et en écriture (voir, aussi, Campbell et Butterworth, 1985). Bien que les savoir-faire en lecture des sourds soient habituellement faibles (en moyenne le niveau de lecture du CE1 pour les lycéens), ceci est le résultat d'une limitation générale concernant l'acquisition du langage plutôt qu'une déficience de lecture en soi. (Scholey, Cohen et Brumfield,1978 ; Russell, Quigley, et Power, 1976).

En ce qui concerne les enfants normaux, cependant, il y a de nombreuses affirmations selon lesquelles la conscience phonologique est liée de façon positive A l'apprentissage de la lecture. Torgensen et al (1997), par exemple, ont trouvé dans leurs études auprès d'enfants du CP au CM1 que « ... la conscience phonologique émergeait en tant qu'unique facteur prédictif de l'acquisition de la lecture. » (p.163)

Alors que des études auprès d'adultes lecteurs et non-lecteurs apportent des preuves accablantes de ce que la conscience phonologique est une conséquence (très limitée) de la maîtrise de l'écriture alphabétique, quelles preuves ou quels processus pourraient amener A conclure qu'elle est un facteur prédictif de la réussite de l'apprentissage de la lecture ? On pourrait supposer que, comme la parole précède l'écriture A la fois phylogénétiquement et ontogénétiquement, l'écriture alphabétique repose sur une conscience phonique (antérieure) (voir l'affirmation d'Adams ci-dessus). S'il en était ainsi, l'orthographe devrait refléter la parole ; ce qui veut dire qu'il devrait y avoir correspondance entre les lettres et les sons. L'orthographe de l'anglais devrait être une sorte de transcription phonétique - pour chaque lettre il y aurait un et un seul son et pour chaque son une et une seule lettre (le principe de bi-unicité). Cependant, même les partisans les plus dévoués de la conscience phonologique en tant que facteur prédictif de la lecture, se rendent compte que l'orthographe anglaise est loin de remplir cette condition. Par conséquent, des études sur les correspondances grapho-phonologiques (par exemple, Gentile, Kamil, & Blanchard, 1983, p.113 passim) ont traditionnellement reconnu l'absence de règles précises et logiques (c'est-A-dire le genre de règles invariables et automatiques qui pourraient être formulées A la manière d'un programme d'ordinateur pour lire A haute voix) et se sont concentrés sur l'élaboration de « généralisations ». Ce sont en général des règles de correspondance entre des lettres (ou des groupes de lettres) et des sons qui s'appliquent dans un certain pourcentage de cas. Par exemple, la règle 44 de Clymer (Clymer, 1963) « Quand il y a un e dans un mot qui finit par une consonne, le e a habituellement un son court » s'applique dans 76% des cas dans le corpus de mots (sur lequel a porté la recherche) comportant seulement un e et se terminant par une consonne (il considère le mot « blew » comme une exception). Comme le remarque Clymer, la plupart des généralisations qu'il a étudiées nécessitent que le lecteur ait déjA une bonne connaissance de la prononciation d'un mot avant de pouvoir appliquer la généralisation - par exemple plusieurs des généralisations utilisent l'accentuation tonique, exigeant que le lecteur sache déjA quelle syllabe est accentuée (et aussi où sont les syllabes). Ce qu'il ne souligne pas, c'est que la plupart des règles nécessitent de la part du lecteur d'autres connaissances que l'accentuation et la syllabisation. Par exemple, si l'on considère les généralisations 1 et 2 :

1. Quand il y a deux voyelles côte A côte, le son long de la première est entendu et la seconde est habituellement muette.

2. Quand une voyelle est au centre d'un mot monosyllabique, la voyelle est courte ; c'est-A-dire quand la voyelle est

a) la lettre centrale
b) une des deux lettres du milieu dans un mot de quatre lettres
c) une voyelle A l'intérieur d'un mot de plus quatre lettres.

Les règles 1 et 2 nécessitent une connaissance antérieure de :

Que sont les voyelles ? Cela peut évidemment être enseigné mais on ne peut pas considérer qu'il s'agit d'un acquis chez n'importe quel lecteur (par exemple, a, e, i, o, et u sont des voyelles, mais l'on rencontre des difficultés avec w et y ; ainsi qu'avec des voyelles comme i dans -tion et u dans -qu).

Qu'est-ce qu'un son long ? De nouveau, cela peut être enseigné, mais ne peut pas être présumé déjA acquis par n'importe quel lecteur.

Quand un mot est-il monosyllabique ? Comparez 'flower' et 'flour', 'quiet' et 'quite', 'diet' et 'died', etc. Qu'est-ce qui constitue le « centre » ? Alors qu'une telle notion peut paraître triviale, des études sur des mots exprimant la localisation chez les enfants (par exemple, Mao & Zhu, 1992) montrent que la connaissance du concept « milieu/centre » est acquise assez tard dans le développement et beaucoup plus tard que des concepts spatiaux comme dessus et dessous.

De plus, même si le sujet sait quelles lettres sont des voyelles, ce qu'est le son long de chaque voyelle, comment déterminer le nombre de syllabes dans un mot (avant sa prononciation), et ce qui constitue le milieu d'une suite de lettres, ces généralisations ont une applicabilité limitée (la généralisation 1 s'est appliquée A 45% des cas potentiels - Cf. 'bead' vs.'chief '; 2a s'est appliquée dans juste 62% des cas - cf. 'dress' vs. 'scold' ; 2b dans 59% - cf. 'rest' vs 'told' ; et 2c dans 46% - cf. 'splash' vs 'fight'.

Il peut être instructif d'étudier certains résultats de lecteurs qui essaient d'appliquer des généralisations grapho-phonologiques, sans bien comprendre toutes les exceptions et les nuances. Dans son étude des erreurs commises par des mauvais lecteurs lisant A voix haute des mots isolés, Jane Holmes (Holmes, 1978) a remarqué qu'ils appliquaient de façon erronée la généralisation du g ('beggar' prononcé 'badger', 'logic' prononcé comme 'loggy' ou 'logos', 'strength' prononcé comme 'strange') et du c ('cactus', lu comme 'kastus', 'delicious' prononcé 'delikus', 'certain' lu comme 'carton' ), et trouvé des cas où les lecteurs ont attribué des valeurs phonétiques aux consonnes «muettes» (comme dans 'bristle' lu 'bristol', 'calm' lu comme 'column', et 'debt' lu comme 'debit' - un cas on ne peut plus intéressant, le b rappelant l'étymologie commune des deux mots. Les données de Holmes montrent ce qui se passe quand quelqu'un essaie d'appliquer les correspondances grapho-phonologiques : ça ne marche pas. Le fait est que les règles de la prononciation s'appliquent aux mots mais pas aux lettres ou aux groupes de lettres. La lecture A haute voix est faite en sachant (ou quand quelqu'un vous dit) comment chaque mot d'un texte doit être articulé. Dans ce sens (au sens de la lecture comme traitement d'un langage pour l'œil) il n'y a pas beaucoup de différences entre la lecture d'une langue alphabétique comme l'anglais et d'une langue idéographique comme le chinois classique - un fait souligné il y a de nombreuses années par John Carroll (Carroll, 1972).

Une manière d'aborder le problème de la relation causale entre la lecture et la conscience phonologique est de définir « la lecture » d'une façon telle qu'on soit sûr que la conscience phonologique y joue un rôle. C'est l'essence de la notion de décodage. Dans de telles études, le chercheur montre habituellement que la capacité d'un enfant A oraliser des séries de lettres ( mots ou même non-mots) est améliorée par l'entraînement de la conscience phonologique Mais cette habileté A décoder n'a rien A voir avec la lecture au sens usuel de ce mot (comme défini ci-dessus). Ceci étant, personne, A ma connaissance, n'a montré que la conscience phonologique (enseignée ou non) améliore/accroît/prévoit la capacité d'un enfant A comprendre un texte écrit.

Au cas où la distinction entre décodage (« oralisation ») et lecture A haute voix ne serait pas claire, permettez-moi de procéder A une illustration.

Décoder est la capacité A traiter des séries de lettres comme une transcription phonétique. C'est A dire attribuer A chaque lettre une valeur phonétique, comme dans l'exemple où on « oralise » SUMETHONKILD comme [sumnkld] ou AKEADDOBEN comme [kejdobn] (qui est la manière dont mes étudiants de licence ont prononcé ces séries). Lire A haute voix, au contraire est le processus qui permet de retrouver un mot A partir de données graphiques et ensuite de prononcer la forme orale de ce mot comme cela est illustré en prononçant SOMETHINGOLD comme "something old"(quelque chose de vieux) ou "some thin gold"(de l'or fin) ou bien AREALLOVER comme "a real lover"(un vrai amant) ou "are all over"(sont fini(e)s). C'est A dire que la lecture A haute voix nécessite une identification antérieure des constructions linguistiques (des mots, dans ce cas) avant de pouvoir les prononcer.

Cependant il existe une forme d'écriture dans laquelle la prononciation doit précéder la compréhension. Cela est connu sous le nom d'« oral-écrit » et se rencontre dans les plaisanteries des gens linguistiquement raffinés, comme ce souhait de la Saint-Valentin, BEAM EYE BALE AND TINE BE COURSE ISLE OF EWE (Be my valentine because I love you) ou dans les erreurs d'écriture des gens moins instruits, par exemple, 'intense of purpose', 'his a good athlete', 'firstable', 'she would of', 'you're a good person', 'their nice', (2) etc. La conscience phonologique peut alors très bien correspondre A la capacité d'oralisation des mots ou des non-mots des enfants (pourvu que leur orthographe remplisse les conditions de correspondance grapho-phonologique comme dans les exemples présentés ci-dessus). Cela n'a, cependant, aucune relation démontrable avec la compréhension d'un texte écrit.

La conception de l'orthographe comme étant de l'oral-écrit est la conséquence, d'après moi, de l'enseignement initial de la lecture, où on apprend aux enfants de plusieurs manières que Bloomfield avait raison, que pour comprendre l'écrit, il faut d'abord le transformer en oral. Mais les enfants sont plus intelligents que ça ; en relativement peu de temps, la plupart d'entre eux réalise que l'écrit n'est pas de l'oral. Une des meilleures illustrations de cette prise de conscience est une étude de Doctor et Coltheart (1980) concernant la capacité des enfants A détecter des mots qui ne veulent rien dire dans des phrases imprimées. On a demandé A des enfants âgés de six A dix ans de dire si les séquences imprimées avaient un sens ou non. Dans quelques-unes de ces séquences, la forme écrite est absurde, mais si elle est prononcée, il en résulte une expression sensée. C'est le cas pour : "he ran threw the streets."(3) Doctor et Coltheart ont montré que de telles expressions correctes phonologiquement / incorrectes graphiquement étaient jugées comme dépourvues de sens de façon croissante avec l'âge ; par exemple, A l'âge de six ans, 70% des enfants acceptaient de telles orthographes alors qu'A l'âge de dix ans 21% seulement pensaient qu'elles avaient un sens.

Ces résultats montrent deux choses : premièrement qu'apprendre aux enfants A traiter l'écrit comme si c'était de l'oral échoue en grande partie - les enfants développant leurs savoir-faire en lecture ils deviennent moins bien disposés A utiliser des données phonologiques pour traiter l'écrit (notez bien : si les enfants apprenaient en fait A traiter l'écrit en l'oralisant avant de le comprendre, leur acceptation du sens de telles phrases devrait augmenter et non diminuer avec l'âge ; après tout, "he ran threw the streets" est une façon parfaitement correcte de l'écrire si on doit se fier A la prononciation.)

Les auteurs en ont conclu que les très jeunes lecteurs se fient énormément au décodage phonologique quand ils lisent pour le sens ; mais, quand ils deviennent plus grands, la confiance en la compréhension visuelle directe devient progressivement plus importante (parce que, bien sûr, ils se rendent compte que la stratégie de « phonologisation » ne fonctionne pas). Deuxièmement, le fait que la courbe de développement s'infléchisse A l'âge de neuf-dix ans montre que tous les enfants ne prennent pas conscience que l'oral et l'écrit sont des façons fondamentalement distinctes de représenter le langage. Les 20 A 30% d'enfants âgés de neuf-dix ans qui continuent A considérer "threw" comme une façon parfaitement correcte d'écrire "through" est entièrement cohérent avec le pourcentage d'adultes anglais qui savent lire et écrire mais qui continuent d'identifier l'écrit A l'oral (Scholey et Willis, 1990) et écrivent immanquablement des choses comme 'she would of', 'their no good', 'his a goog guy' (4) etc.

RÉSUME ET CONCLUSION

Le fait est que l'anglais écrit et l'anglais oral ont peu de choses en commun en ce qui concerne leurs constructions linguistiques (Scholey, 1997).
Alors que la parole n'est pas segmentée, est éphémère et séquentielle, l'écriture anglaise est segmentée A plusieurs niveaux, non-séquentielle au sens où elle peut être parcourue dans toutes les directions, et est permanente. L'écriture utilise plusieurs manières de marquer le sens et la fonction qui n'ont pas d'équivalents A l'oral. Les espaces qui séparent les mots, l'orthographe, l'utilisation des lettres minuscules et majuscules, et des signes comme les virgules et les apostrophes n'ont aucun équivalent oral (Bradley, 1913).

Il n'existe pas de règles grapho-phonologiques qui puissent transformer "she would have done it if she could have"(elle l'aurait fait si elle avait pu) en [id cd cntfikd c]. Des représentations si disparates ne sont liées qu'au niveau sémantique et c'est seulement leur identité de sens qui les rend toutes les deux anglaises.

Il n'existe pas de systèmes d'écriture vraiment phonétiques, et d'ailleurs il ne devrait pas en exister. Le but d'une orthographe est très différent de celui d'un système phonétique. Les orthographes sont faites pour véhiculer du sens, et elles y réussissent en ignorant les variations des dialectes ou des langages idiosyncrasiques. L'anglais écrit est standard pour l'orthographe et la ponctuation, alors que l'anglais parlé varie énormément d'un groupe A l'autre et d'un individu A l'autre. En conséquence, l'orthographe ne favorise aucun dialecte régional, ethnique ou économique, et inversement, ne crée aucune inégalité dans l'accès A la langue écrite.

Si quelqu'un souhaite montrer que la conscience phonologique rend plus facile ou est A l'origine de l'acquisition de la lecture (dans le sens où la lecture est entendue ici - lire pour le sens), il sera nécessaire de montrer que la capacité d'un enfant A conceptualiser la parole comme une suite de segments phoniques discrets (qu'ils soient enseignés ou non, syllabiques ou sub-syllabiques) facilite l'acquisition de la lecture experte. Avant qu'une telle étude soit entreprise, il serait important de réfléchir A cette question : parmi les milliers de gens qui ont reçu une formation en analyse et en transcription phonétiques, en connaît-on un seul que cela ait rendu meilleur lecteur ? A

notes
(1) "rich" et "which" se prononcent "ritch" et "whitch" NDLT
(2) 'his a good athlete' au lieu de 'he's a good athlete', même prononciation NDLT
'their nice' au lieu de 'they're nice' NDLT
(3) "he ran threw the streets."( "threw" =lancé A la place de"through"=A travers) NDLT
(4) 'their no good' au lieu de 'they're no good'
'his a goog guy' au lieu de he's a good guy



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Robert J.Scholes
(Traduction : Léna Coïc, Denis Foucambert, Aline Espéret)