La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°65  mars 1999

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Note de lecture  

Partenariat et bibliothèques.
Domaines culturel et international

Marie Dinclaux - Jean Pierre Vosgin (ss la dir.)
P.U. de Bordeaux - Coll. Lecteurs Bibliothèques Usages nouveaux
 
 

                  96% des bibliothèques publiques (BM et BDP) et 88% des bibliothèques A public spécifique (bibliothèques universitaires, de Comités d'Entreprise, CDI...) disent pratiquer des activités de partenariat. Si pour ces dernières, le partenariat se limite souvent A une mise en commun de leurs ressources afin de mieux satisfaire les attentes de leurs publics, pour les bibliothèques publiques il dépasse souvent ce stade de la simple coopération et vise A promouvoir le livre, A développer la lecture et A rechercher de nouveaux publics. 

Pour 82% des BM et des BDP, l'activité partenariale dominante est scolaire, mais pour 64% elle est culturelle (partant du principe fortement ancré que les bibliothèques sont des lieux culturels ayant des missions d'actions culturelles) et pour 40%, elle est sociale (lutte contre l'illettrisme, approche de nouveaux publics et insertion dans la vie locale...).

Telles sont les informations parmi beaucoup d'autres très intéressantes résultant d'une enquête menée par Jean Pierre Vosgin sur les pratiques des bibliothèques qui a fait l'objet d'une communication lors de la journée d'études du 25 avril 1997 organisée comme chaque année par la filière Bibliothèques-Médiathèques de l'I.U.T. Michel de Montaigne de Bordeaux 3, et dont on peut prendre connaissance dans le livre Partenariats et bibliothèques présentant l'essentiel des travaux de ce colloque.

L'impression majeure qui ressort de la première partie de ce document, qu'il s'agisse de la communication de Claudie Tabet intitulée Le partenariat, mode d'emploi, sorte de méthodologie énumérative des règles incontournables de la coopération ou de celle déjA citée de Jean Pierre Vosgin sur la réalité des pratiques, est que c'en est bien fini de la bibliothèque, sanctuaire du livre et bastion culturel isolé du monde. Sans aller jusqu'A descendre dans la rue, les bibliothèques ne se contentent plus de satisfaire leur public " naturel ", elles s'ouvrent, elles collaborent, elles apportent leur concours A d'autres institutions, elles s'efforcent avec d'autres d'apprivoiser et même de créer de nouveaux publics. C'est lA le résultat d'une politique officielle qui, au cours des 20 dernières années, a d'abord incité les bibliothèques nouvellement " régionalisées " et plus nombreuses du fait des créations dans les lieux encore dépourvus A coopérer entre elles afin qu'augmente leur taux de fréquentation plafonnant intolérablement A 14%, ensuite A participer localement A la lutte contre l'illettrisme dans le cadre de politiques interministérielles.

Tout cela est bel et bon. Nous avons souvenance qu'il y a une dizaine d'années, pour avoir dit et écrit qu'une politique de lecture bien comprise et l'augmentation du nombre de lecteurs nécessitaient qu'A l'instar de l'école la bibliothèque change et qu'A la déscolarisation de la lecture il faudrait ajouter une " débibliothécarisation ", nous avions provoqué l'ire de beaucoup. L'AFL fut accusée de vouloir " brûler les bibliothèques " alors que nous ne songions qu'A l'urgence et aux difficultés de la bataille A engager, bataille qui ne pouvait se résumer A la seule promotion du livre et de la littérature, bataille qui exigeait l'intégration de toutes les forces disponibles dans une action globale (1). Les exemples de partenariats décrits et analysés dans la troisième partie de l'ouvrage montrent que les choses ont changé au royaume des bibliothèques. En revanche, la dernière partie consacrée au partenariat international nous semble davantage illustrer une coopération institutionnelle et interculturelle qu'un véritable partenariat.

Aux dernières Assises Nationales de la Lecture consacrées aux politiques concertées dans les villes-lecture (villes-lecture, dont il n'est fait nulle part mention dans ce livre, alors que ces Assises ont eu lieu précisément A Bordeaux et que le Ministère de la Culture en a repris le principe dans ses directives) il a beaucoup été dit qu'une des difficultés auxquelles se heurtait le partenariat était les problèmes de fiefs, de tradition et d'étanchéité institutionnelles (2). Certes, la journée d'étude dont il est rendu compte dans cet ouvrage avait pour thème le partenariat dans le domaine culturel. Néanmoins, et sans nier leur intérêt ni préjuger des autres types d'actions dans lesquelles peuvent s'engager les bibliothèques publiques, force est de constater que celles données en exemple dans ce livre (un partenariat Bibliothèque/cinéma - Médiathèques et art contemporain en zone rurale - Carrefour des littératures : Bibliothèques et littératures étrangères) ont pour origines et pour maîtres d'œuvre des bibliothèques, qu'elles ont pour objectif principal la promotion du livre et de la littérature, qu'elles risquent de n'avoir eu pour destinataire qu'un public cultivé et déjA lecteur. En d'autres termes, (mais encore une fois, il s'agit d'exemples " dans le domaine culturel "), nous restons dans le cadre des missions traditionnelles des bibliothèques et assez loin d'un partenariat conçu comme " une participation A un projet pensé et défini en commun, non pas du fait de sa position institutionnelle mais par rapport aux compétences et aux champs d'intervention requis " comme il a été dit sous forme de souhait dans les conclusions des Assises évoquées plus haut.

La prochaine journée d'étude de l'IUT-Bibliothèques Michel de Montaigne se déroulera le 13 avril 1999 et portera sur " Littérature(s) et Bibliothèques ".
 
 Michel Violet  
 

(1) Cf. Malentendu, A.L.n°32, déc. 90, p.10

(2) A.L. n° 61, mars 98, pp.50-96.

 
Michel Violet