La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°66  juin 1999

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LU

Des neurones, des mots et des pixels. 

François RichaudeauEd. Atelier Perrousseaux. 1999 - 160 p. - 120F 

Chacun de nous, qui nous occupons de lecture, doit tellement A François Richaudeau, que nous ne pouvons être indifférents A aucune publication d'un homme qui a consacré sa vie, non seulement A étudier le comportement des lecteurs, mais A chercher A le comprendre, tant par ses propres travaux qu'A travers les recherches des autres, mais surtout A rendre plus aisé et plus efficace le contact entre le lecteur et l'écrit. A ceci, il a travaillé autant en mettant au point des techniques de lecture (qui a oublié la Méthode Richaudeau de lecture rapide ?) qu'en fabriquant des textes (en tant qu'auteur) et des supports de textes (comme éditeur) mettant en pratique les résultats des recherches entreprises. 

Qui suit ses publications connaît bien ce fonctionnement spiralaire qui consiste û quel que soit le "bout" par lequel il aborde les problèmes liés A l'écrit û A remobiliser et A requestionner la totalité de ses travaux antérieurs. Où certains pourraient suspecter un narcissisme hypertrophié (je me cite et je me re-cite...), je pencherais plutôt pour une inquiétude permanente, une objectivité scientifique qui conduit ce docteur es lettres (mais également ingénieur des Arts et Métiers) A constater, d'année en année (de décennie en décennie), qu'aucun résultat nouveau de recherches récentes n'infirme jamais ce qu'il a, lui-même, avancé précédemment. En fait, toutes le confirment ! 

Ne croyez pas pour autant qu'il suffise de lire son dernier livre pour tout savoir de ses recherches, de sa pensée et de ses propositions. Rappeler n'est pas redire. Si François Richaudeau fait référence A certains de ses articles ou A certains de ses ouvrages, c'est précisément pour ne pas se répéter... Donc, il faut tout lire ! 

Des neurones, des mots et des pixels représente exactement l'état actuel d'une pensée fertile que toute nouveauté technique (la micro-informatique), toute étude scientifique (la neurologie), toute création de support d'écrit (Internet) interrogent sur le statut de la lecture, ceux du lecteur et du scripteur, de la communication écrite et de son avance, son recul, ses inconvénients ou se avantages par rapport aux autres types de communication û et la communication orale particulièrement.. 

Quand sont apparus traitements de textes, minitels, imprimantes, publication assistée par ordinateur (PAO)... comment croyez-vous que réagit cet artisan de l'écrit-papier A tous ses stades ? Au moment où d'autres se lamentaient sur leur passé perdu, François Richaudeau se passionna pour toutes ces nouveautés : n'allaient-elles pas permettre au lecteur d'être "mieux" informé ? De même qu'il a défendu, dès les premiers balbutiements de la PAO, l'obsolescence des règles typographiques nées de la contrainte des caractères de plomb (ce qu'il réaffirme dans le présent livre), il a compris tout de suite tout le parti que l'on pouvait tirer de ces nouveautés pour faire de meilleurs livres, plus attractifs (oserais-je écrire : plus démocratiques !), mieux présentés, plus... lisibles. 

Des neurones, des mots et des pixels est un livre foisonnant dans lequel le lecteur trouvera tout cela. Il aura, comme toujours dans les livres de l'auteur, la possibilité d'une lecture linéaire, mais que l'auteur invite constamment A rompre en renvoyant aux pages ultérieures, ce qui permettrait d'illustrer un propos qu'il n'a pas le temps de développer (ne serait-ce que du fait que ce n'est pas le sujet immédiat). 

Le seul défaut de ce livre, c'est que sa très grande lisibilité rend encore plus visibles les coquilles qui s'y sont malencontreusement glissées et qui disparaîtront de la réédition. Gageons qu'A l'instar des philatélistes, qui accordent plus de prix aux timbres-poste affligés de petites malfaçons, les bibliophiles de demain s'arracheront cette première édition A laquelle on ne peut souhaiter qu'un bel avenir tant elle fournit un point précis de l'état des connaissances sur les rapports entre les natures de nos pensées et le langage des mots (première partie), les rapports entre nos structures neuro-psychologiques et psychologiques et la langage (deuxième partie), ce qu'il résulte de ces structures mentales pour le fonctionnement de l'écrit : vous savez, cette fameuse relation (et non subordination) entre oral et écrit (troisième partie).Enfin, chacun trouvera autant de réponses aux questions qu'il peut se poser sur informatique, Internet et hypertextes, dans la dernière partie, que des questions nouvelles qui forceront sa réflexion. 
 

 
Gérard A. Castellani