La revue de l'AFL Les actes de lecture n°66 juin 1999 ___________________ REGARD SUR LA PRODUCTION
Comment
s'y retrouver et voir clair lorsque, A côté des tables
consacrées aux albums et aux touts-petits, sur les rayons moins
enluminés des "livres pour les grands", de nouvelles collections
s'alignent, jouant la carte du format de poche, rythmant habilement les
chapitres d'une illustration qui - pour se rendre sérieuse ? - a
perdu ses couleurs, achevant ses chapitres par des interpellations aux
fonctions de tremplin ?
Parmi les nombreux éditeurs de littérature
jeunesse qui développent des collections destinées aux lecteurs
de 8 A 12 ans, Flammarion / Le Père Castor prépare
pour la rentrée une grosse opération de "repositionnement"
: une relance de la collection Castor Poche par l'accompagnement
de certains titres d'un guide "atelier de lecture" destiné aux enseignants,
la mise sur le marché d'une nouvelle collection Castor Plus qui
s'affiche comme "une sélection de titres particulièrement
pertinents par rapport aux instructions officielles de l'éducation
nationale".
LE DOSSIER DE PRESSE Un éditeur qui expose sa légitimité : un rapide rappel historique nous remet en selle et nous permet de mesurer le chemin parcouru entre 1931, création des Albums du Père Castor et 1980, création de Castor Poche (roman jeunesse). Quelques grands titres nous réintroduisent dans l'histoire et nous impressionnent par l'ampleur de la diffusion (Jonathan Livingston le goéland, 370 000 exemplaires !). Mais le passé ne saurait suffire A la réussite de l'éditeur : grand âge mais surtout dynamisme et adaptation, tel est le message. Un éditeur, ses représentations
du jeune lecteur :
Un éditeur qui désigne son interlocuteur
: l'enseignant
LIVRES EN MAIN Nous disposons de quatre titres de la collection Castor Plus : w Les lumières de Diwali /Rumer Godden. - (Roman) w Marine / Chantal Crétois. - (Roman) w Piège dans les Rocheuses / Xavier Laurent Petit. - (Roman) w Taxiphobie / Michel Honaker. - (Fantastique) w L'illustration
de couverture : "elle renseigne sur le ton de l'histoire et offre
une corrélation entre le titre et l'image, elle favorise l'identification
au héros" pour construire chez l'enfant un horizon d'attente
et peut-être nouer un pacte de lecture. L'illustration affirme en
effet un point de vue : l'enfant, héros de l'histoire apparaît,
dans trois de ces titres sur quatre, seul au centre de la couverture, la
personne d'où va se regarder l'histoire. D'emblée l'on accède
ici aux sentiments dominants du héros (la peur, la tristesse et
l'inquiétude, le danger). Le contexte dans lequel l'histoire se
déroule est aussi apparent : la nuit, la ville, la poursuite, le
récit d'aventures policières,…
w La quatrième de couverture : on comprend mieux, A l'examen de la couverture et de ce qu'elle apprend, pourquoi la quatrième de couverture échappe A toute mention dans le dossier de presse : la redondance d'information est telle que l'éditeur fait le pari de l'image. En effet, dans tous les titres, dès la première phrase le nom du héros est connu (corollaire de son image en couverture). Trois A cinq phrases pour poser le contexte, articulées par "Mais", "En un clin d'œil", "A moins que…" qui introduisent selon les histoires une dernière phrase interrogative, exclamative, suspensive… Séduire, attirer et intriguer le lecteur. w Former A l'usage d'un appareil critique : deux pages en début de livre sont consacrées A la présentation de l'auteur, de l'illustrateur ou du traducteur. Biographie adaptée et écrite sous l'angle de l'enfance pour compléter l'adhésion du lecteur : on dira toujours quelques mots sur le lieu de naissance et sur ce qui caractérise les premières années de la personne en question, on mentionnera que ces gens sont des parents ou enseignants. Pour renforcer un sentiment de sympathie chez l'enfant, les portraits ainsi tracés se complètent de détails (tel illustrateur aime le chocolat, tel autre fait de la BD.) w Aborder les grands thèmes et les tendances du monde contemporain pour que les livres parlent de la vie : la famille apparaît A ce titre comme sujet de prédilection (l'adoption, la séparation des parents, la psychologie de l'enfant, la différence sociale, la pauvreté) Au-delA, examiner ces livres sous l'angle de l'écriture reste délicat : cette collection intègre des titres produits hors d'un cahier des charges précis. La variation qualitative est grande. Au cours de cette observation, on s'est interrogé
sur le délicat travail engagé par de nombreux éditeurs
jeunesse en direction des enseignants et sur ce que, au regard de leurs
représentations du travail et du monde enseignant, cela représente
comme nouvelle pratique éditoriale ? Que vont-ils faire autrement
ou en plus ? Comment ces éditeurs vont-ils “tenir” dans l'intervalle
entre prescription scolaire et volonté d'affirmer la lecture comme
une pratique culturelle et de loisir ?
(*) dont la démarche nous
paraît exemplaire de celles, conjointes, de nombreux éditeurs
de littérature jeunesse
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Natahlie Bois
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