La revue de l'AFL
Les actes de lecture n°67 septembre 1999 ___________________ LU L'univers de l'écrit.
David R. Olson, éditions Retz, 1999 - 312p. - 159F Quel curieux ouvrage que la traduction de ce texte
universitaire dont l'original date de 1994 ! Sa lecture réserve
d'un bout A l'autre sinon des surprises, du moins certains étonnements
qui installent dans l'esprit du lecteur plus de confusion et de perplexité
que de clarté.
D'où vient alors cette confuse impression de malentendu (ou de mal entendement) en fin de lecture ? Que s'est-il passé, que s'est-il construit entre la page 10 de la préface où l'on peut y lire que … «Nous le savons tous, écrire, ce n'est pas seulement le b-a-ba, et lire, ce n'est pas seulement décoder des mots ou des phrases. Mais qu'est-ce au juste que ce petit plus ? Il pourrait s'agir de la capacité A entrer dans un nouvel univers (ou A en sortir), celui du monde "sur le papier". Comment cela se produit-il ? C'est précisément ce que je me propose d'expliquer dans ce livre…» et la quasi fin de l'ouvrage (page 291) qui nous dit que : «Des troisième et quatrième principes, il découle qu'en apprenant A "détecter" les relations entre sons et lettres, ce que l'on appelle le principe phonétique, l'enfant n'apprend pas seulement A associer deux choses connues, les sons et les lettres : il acquiert un modèle. Si tel est bien le cas, il semble peu pertinent d'insister sur l'apprentissage d'un modèle avant même que l'enfant ait une claire compréhension de ce dont l'écriture est précisément le modèle, c'est-A-dire ce qui est dit. Le débat ne cesse de rebondir sur l'apprentissage de la lecture ; il concerne autant l'attitude qu'il convient d'avoir vis-A-vis des enfants que la recherche d'une pédagogie efficace… les enseignants et les décideurs politiques se trompent sans doute lorsqu'ils considèrent l'apprentissage de la lecture comme une simple habileté, qui nécessite un entraînement, et non comme une prouesse intellectuelle qui consiste A comprendre comment ce qui a été dit peut être représenté par un ensemble de symboles graphiques.» Ici, la référence bibliographique citée est peut-être un début de réponse A notre trouble… de la compréhension… (il s'agit des travaux d'E. Ferreiro). Car il se pourrait que nous soyons, malgré tout, devant un type d'approche phonocentriste qui ne passe pas… par le centre, pourrait-on dire. L'écrit est un modèle pour l'oral, semble nous dire D. Olson, mais il s'agit bien en explorant les signes graphiques de retrouver l'intentionnalité d'une Parole (pourquoi pas d'une pensée ?) qui serait A l'origine de l'énonciation écrite… «la lecture consiste en une redécouverte/postulation de l'intention qui y est adressée au lecteur dont les justifications peuvent être trouvées dans les preuves graphiques disponibles.» Telle est la définition provisoirement et partiellement idéale que nous propose d'ailleurs l'auteur en fin d'ouvrage, dans un sous-chapitre de deux pages intitulé "Qu'est-ce que lire ?" Voici donc un livre finalement plutôt
décevant, A force de faire des annonces sans vraiment tenir
ses promesses : un titre dont la version anglaise ("The world on paper
: the conceptual and cognitive implications of writing and reading")
est peut-être plus proche de la valeur illocutoire souhaitée
par l'auteur que celle attribuée par ceux qui ont participé
A la traduction française ; une thèse sur la relation
oral/écrit où le renversement de perspective ne résout
pas la relation de subordination de l'un par rapport A l'autre ;
des emprunts A l'histoire, l'anthropologie, la linguistique
et la psychologie cognitive qui sont certes nombreux et pertinents mais
trop rapidement traités (le plus souvent en une ou deux pages en
moyenne)… la pédagogie, quant A elle, n'ayant droit qu'A
quelques développements d'une ou deux phrases très allusives.
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Jean-Louis Briand
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