La revue de l'AFL
Les actes de lecture n°67 septembre 1999 ___________________ |
A PROPOS DE...
Une forte disparité des temps d’enseignement.
C’était un peu l’objectif de l’enquête que de rechercher s’il y avait eu évolution au cours des 7 ans. Difficile de répondre pourtant dans la mesure où, en 1990, le questionnaire ne concernait que le CP et ne comportait pas de questions sur ce temps réservé A l’enseignement de la lecture proprement dit mais seulement sur celui consacré A l’enseignement de la langue en général. Au CP donc, après divers recoupements, les rapporteurs pensent qu’il y a eu quelques changements, notamment ceux dictés par la modification réglementaire des horaires... Difficile aussi de rapporter ces temps aux résultats de l’enquête menée par Eliane et Jacques Fijalkow en 1991 (3) qui portait essentiellement sur les méthodes et les pratiques pédagogiques mises en œuvre au CP sans trop les référer A une répartition horaire. Difficile aussi de comparer ces chiffres A ceux plus anciens issus de l’observation attentive, conduite par l’INRP, du budget-temps de l’élève de CP des écoles engagées dans l’expérimentation d’une nouvelle organisation de l’école élémentaire. Néanmoins, on constatait alors des temps moyens d’enseignement de la lecture assez semblables A ceux indiqués dans l’enquête de la DEP (avec, lA aussi, des écarts importants entre les classes) et surtout le temps dérisoire pendant lequel l’enfant lisait véritablement en étant personnellement confronté A l’écrit (18mn/jour, toutes activités confondues).(4) Que fait-on pendant ces temps d’enseignement
?
1 - Les maîtres qui ne se servent
pas d’un manuel pour enseigner la lecture sont minoritaires (moins de 20%).
On ne s’étonnera pas que ce soit ceux qui utilisent le plus la littérature
de jeunesse !
Le fait qu’on discerne mal ce que recèle la rubrique «collectivement par la classe entière» permet de supposer beaucoup de choses. Sans imaginer l’archaïque et caricatural ânonnement par la classe entière scandé par la baguette du maître parcourant un tableau de sons... force est de constater que nous sommes loin d’un enseignement de la lecture qui postulerait qu’«apprendre A lire c’est apprendre A faire ce qu’on fait avec l’écrit quand on sait lire» et qui garantirait son efficacité et la qualité de l’apprentissage des enfants en réduisant la distance entre «ce qu’on fait pour apprendre et ce qu’on apprend A faire» ! Il est vrai qu’on découvre dans le rapport que 85% des maîtres de CP qui utilisent un manuel (proportion ayant tendance A augmenter par rapport A 1990) et 66% des maîtres de CE1 qui utilisent un livret de lectures suivies, disent en suivre la progression, pour la découverte des lettres et des sons au CP, pour que s’acquière une «lecture expressive» au CE1. Ce n’est qu’en fin d’année (mais on a vu dans quelle proportion) qu’ils donnent A lire «des livres de littérature de jeunesse, des chansons, poèmes, comptines». Il est vrai aussi que s’il arrive qu’on évalue le savoir lire en posant, surtout au CE1, «des questions de compréhension auxquelles les élèves répondent oralement ou par écrit», pour «évaluer l’habileté A lire, les enseignants ont largement recours A la lecture A haute voix». Ceci expliquant une partie de cela, mais une partie seulement. Car l’explication d’une telle importance conférée A la lecture A voix haute c’est que, pour une grande majorité des classes du cycle 2, enseigner la lecture c’est d’abord faire acquérir le code de correspondance grapho-phonologique, c’est avant tout inculquer les techniques du déchiffrement. S’il y a évolution dans les pratiques, elle est dans la diversification des activités, dans un arsenal d’exercices plus varié, dans l’emploi d’un matériel pédagogique plus sophistiqué, dans l’organisation d’activités individuelles et de groupes de niveau, au total dans la recherche d’une plus grande efficacité pour un objectif prioritaire inchangé que les maîtres eux-mêmes appellent les «bases». Et si encore il y a évolution, elle est dans de nouvelles préoccupations telles que la découverte des fonctions de l’écrit, la capacité d’anticiper, la compréhension, l’introduction de la littérature enfantine, la fréquentation de la BCD, mais ensuite, mais après... quand on saura déchiffrer. Et quoi de surprenant A cela quand les exhortations, les directives, les conseils et les instructions adressés aux maîtres, «le point des connaissances relatives A l’apprentissage de la lecture» et «les suggestions visant A mieux éclairer dans leurs choix les enseignants comme les parents et également les pouvoirs publics» (6) rappellent que lire «c’est pour comprendre»... pour comprendre après... et que se multiplient les mises en garde contre toute autre approche qui exclurait... ce qu’ils font. Quoi de surprenant A cela quand un Observatoire de la Lecture n’observe pas mais publie, sous l’appellation de «suggestions», des injonctions aux maîtres dans un véritable brûlot contre tous ceux qui innovent et cherchent A améliorer une situation qu’on sait difficile ; quand des chercheurs souhaitent (comme conclusion A leurs travaux, sans doute ?) qu’on interdise certaines pratiques qui ont comme caractéristique de ne pas tenir compte de ce qu’ils écrivent. Affirmer dans des directives officielles que ce qui caractérise la lecture experte se construit chez l’enfant sans qu’il en soit conscient et A l’insu des maîtres, c’est bien dire que ce n’est pas du ressort de ces derniers, surtout au cycle 2. Pourtant, et ce sont les maîtres qui le disaient, les élèves du cycle 2 en 1997 semblaient «peu motivés» et le manifestaient... Cet âge est décidément sans pitié !
(1) L’enseignement de la lecture au CP et au CE1, Les Dossiers n°106, MEN-DPD, janvier 1999. (2) L’apprentissage de la lecture A l’école primaire. Rapport de l’Inspection Générale (ss la dir. de G. Robillard), janvier 1995. Voir A.L. n°51, sept. 95, p.51. (3) Lecture-Ecriture : les pratiques pédagogiques au Cours Préparatoire. E. et J. Fijalkow. DEP/MEN 1991. Voir A.L. n°42, juin 93, p.26. (4) L’enfant lit au CP. A.L. n°5, mars 84, pp. 45-57. (5) L’enseignement de la lecture au CP et au CE1. Note d’information du M.E.N. 99.14 mai (6) Apprendre A lire au cycle des apprentissages fondamentaux (GS, CP, CE1). Analyses, réflexions et propositions. Observatoire National de la Lecture. Odile Jacob, 1998. Lire dans ce présent numéro (pp.40-52) la note critique de Jacques Fijalkow. |
Michel Violet
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