La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°67 septembre 1999

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PRATIQUES ET CONCEPTIONS DE L'ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE 
DANS L'ENSEIGNEMENT ADAPTÉ

En réponse A un appel d’offre lancé par le ministère de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, Roland Goigoux et Serge Thomazet, maîtres de conférence A l’IUFM de Clermont-Ferrand, ont étudié durant une année scolaire «l’action des enseignements adaptés dans la prise en charge et le traitement des difficultés d’apprentissage des élèves des Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté» (S.E.G.P.A. – collège). Dans cet article, ils se limitent A une analyse du travail des enseignants et A une réflexion sur l’adéquation des pratiques pédagogiques avec les caractéristiques des élèves. Le lecteur intéressé par ces éléments pourra se reporter au rapport de recherche intégral (Cf. bibliographie). Outre un développement des analyses résumées ici, il y trouvera la présentation des résultats relatifs aux progrès des élèves durant leur scolarité au collège et A l’identification de leurs difficultés en lecture.  
  

PRÉSENTATION DE L’ETUDE 

Cette étude (Cf. convention d’étude et de recherche DLC C1 n°97 1184) a été réalisée auprès de 650 jeunes scolarisés dans 10 collèges d’un même département et encadrés par 20 professeurs spécialisés expérimentés chargés de leur enseigner le français. 
Notre échantillon d’élèves était jugé représentatif de la population scolaire des SEGPA dans la mesure où toutes ses caractéristiques étaient semblables aux moyennes nationales : âge, sexe, composition sociologique, origine scolaire, taux de scolarisation en SEGPA au sein de l’enseignement secondaire ...  

Le bilan que nous avons tiré de l’analyse des performances des élèves est nuancé dans la mesure où il décrit de réels progrès mais également des performances moyennes assez faibles et un potentiel d’apprentissage en partie inexploité. Nous chercherons donc, A travers cet article, A expliquer comment les SEGPA parviennent A aider les élèves A améliorer leurs compétences de lecteur et quelles sont les pratiques qui freinent éventuellement ces progrès. Nous évoquerons l’ensemble des professeurs en insistant sur leurs caractéristiques communes, mais nous prendrons garde A ne pas sous-estimer l’importante hétérogénéité de leurs pratiques et de leurs conceptions professionnelles. 
  

LES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT 

Nous avons analysé le travail des enseignants en les observant dans leurs salles de classe (35 observations) et en prenant le temps d’écouter préalablement ce qu’ils disaient spontanément de leur activité quotidienne. Seize d’entre eux ont accepté de nous accueillir et d’échanger avec nous A l’issue des séquences enregistrées en vidéo. Un questionnaire renseigné par les 20 professeurs a également été utile. 

Notre analyse tente d’intégrer deux approches complémentaires qui sont tantôt le reflet des préoccupations des professeurs, tantôt celui de nos propres interrogations. 

La première approche cherche A cerner le point de vue intrinsèque des enseignants : quels sont leurs véritables objets de travail, quelle cohérence sous-tend leurs pratiques, quelles valeurs les guident ? Comment les professeurs répondent-ils, en actes, aux questions qu’ils se posent ?  
Dans ce paradigme les professeurs ont progressivement changé de position au cours de l’étude. Tout d’abord simples «objets» de l’observation, acceptant de rendre service au chercheur en facilitant son travail, ils sont progressivement, et partiellement, devenus «sujets» d’une réflexion commune sur leur activité de travail.  

La seconde approche, extrinsèque, correspond A la problématique initiale de la recherche, c’est-A-dire A l’étude de l’adéquation des pratiques enseignantes aux capacités des élèves. Les pratiques des enseignants visent-elles explicitement A remédier aux difficultés inventoriées : faiblesse des processus d’identification des mots, insuffisante capacité générale de compréhension du langage, manque de clarté cognitive et de régulation de l’activité de lecture ?  
  

HYPOTHESES SUR LES FONDEMENTS DE LA REUSSITE DES SEGPA  

w Les pratiques éducatives 
On peut tout d’abord expliquer la réussite relative des SEGPA par le type de pratiques éducatives, d’encadrement et de soutien dont bénéficient les élèves. Nous avons en effet observé une réelle cohérence entre ce qui est exigé des élèves et l’encadrement qui permet d’assurer la régulation des difficultés de tous ordres qu’ils peuvent rencontrer. Cette cohérence repose tout d’abord sur les encouragements que dispensent les enseignants et la confiance qu’ils accordent aux élèves. Les professeurs qui enseignent le français en SEGPA conservent une forte culture professionnelle «premier degré» et font passer la qualité des relations avec les élèves avant les contenus des disciplines d’enseignement. Et ils se jugent eux-mêmes plus en fonction de leur disponibilité aux élèves et de leur ténacité A l’égard des apprentissages que de leurs méthodes pédagogiques. 
  
Les enseignants accordent beaucoup de circonstances atténuantes aux élèves. Ils leur permettent de préserver une image acceptable d’eux-mêmes en valorisant leurs productions et en procédant A de très nombreux feed-back  positifs. Ils les encouragent et évitent de les accabler, quitte A simplifier les tâches pour permettre A chacun d’obtenir des résultats honorables. (La classe de 6ème a tout particulièrement pour fonction de redonner confiance aux élèves et de les réengager dans le travail scolaire.)  

Sur un autre plan, l’absentéisme des élèves, considéré comme un indicateur du désintérêt ou de la difficulté scolaire, fait l’objet d’une grande vigilance (en particulier grâce aux directeurs des SEGPA qui assurent sur ce plan un rôle habituellement dévolu aux C.P.E.). Alors que le collège ordinaire perd parfois tout contact avec une partie des familles des «absentéistes», on peut constater une réelle proximité de l’équipe SEGPA avec les familles (parents, fratrie ou substituts parentaux) même si c’est parfois au prix de véritables injonctions éducatives. LA où le collège laisse parfois s’installer un relatif anonymat, la SEGPA cultive une connaissance personnelle approfondie des élèves. 

w Les pratiques didactiques 
Sur un plan plus strictement didactique, les professeurs visent A ce que tous les élèves comprennent les textes qui leur sont proposés. Cette exigence n’implique pas forcément que tous aient personnellement lu les textes. Il s’agit avant tout que chacun ait pris connaissance de leurs contenus de manière A pouvoir participer, au même titre que les autres, aux échanges oraux qui accompagnent cette découverte.  

Les textes sont choisis en fonction des thèmes traités afin d’être proches des intérêts des élèves. Ce sont surtout des extraits de textes, rarement des oeuvres complètes, et le plus souvent des textes documentaires ou des textes fonctionnels au sens large. L’ambition des professeurs est de «motiver» les élèves et de rendre la classe vivante ou, tout du moins, vivable.  

La plupart des enseignants cherchent également A apporter aux élèves de nouvelles connaissances encyclopédiques et de nouvelles ouvertures culturelles. A l’occasion des séquences de lecture, ils choisissent de développer des explications ou d’apporter des informations sur les objets du monde dont parlent les textes (la vie animale, la technologie, la vie quotidienne, l’histoire, la géographie ...). Chaque texte est le vecteur de nouvelles acquisitions lexicales ou de nouvelles réflexions sur les choses de la vie (les relations sociales, la place des femmes dans la société, les sentiments, etc.).  

La lecture est d’abord considérée par les enseignants comme un outil, comme un moyen d’accéder A des connaissances. Mais si cet outil ne marche pas bien, on en cherche un autre (l’oral) plutôt que de s’attacher A l’améliorer. Autrement dit, les professeurs s’intéressent plus aux contenus des textes qu’A l’activité de lecture elle-même. 

La préparation aux examens est un autre facteur qui semble aider les professeurs A structurer leur activité d’enseignement. Dès la classe de 4ème, une remobilisation des élèves s’opère dans la perspective de la préparation du C.F.G. et/ou du C.A.P. Les référentiels de compétences sont présents dans toutes les classes, les annales des examens  conditionnent les activités d’enseignement et les évaluations sommatives. Les professeurs s’attachent A donner des points de repères aux élèves et A définir avec eux les termes d’un nouveau contrat. Nous pensons que les progrès constatés A l’issue de la classe de 4ème (alors que les performances des élèves avaient stagné durant l’année de 5ème) peuvent être interprétés comme le fruit de cette nouvelle structuration de l’enseignement.  

Les aides que les professeurs apportent aux élèves sont nombreuses (aides A la finalisation, A l'intégration sémantique, au traitement des données linguistiques assurant la cohésion textuelle et appels A l'inférence) mais elles restent totalement implicites et ne font l’objet d’aucune prise de conscience de la part des élèves : en conséquence, lorsque les professeurs se retirent, les élèves sont incapables de réutiliser seuls les procédures mises en œuvre. 

Ces aides, de plus, sont très variables d’un professeur A l’autre. Ce constat est confirmé par les analyses factorielles réalisées sur la base des réponses au questionnaire écrit. Ces analyses permettent de distinguer les professeurs qui guident de très près la compréhension des élèves de ceux qui leur proposent des situations plus ouvertes. Les premiers visent le plus souvent une compréhension littérale du texte alors que les seconds privilégient une compréhension plus globale. Elles opposent également les professeurs qui semblent les plus attentifs aux prescriptions institutionnelles (référentiels, examens, indications de manuels), A ceux qui déclarent être les plus centrés sur les élèves (dans le choix des textes, la réponse A leurs interrogations, leurs motivations). Ces oppositions recoupent aussi les contrastes observés sur le plan de la différenciation pédagogique et de l’importance accordée aux activités métalinguistiques. 

Notons enfin que plusieurs professeurs qui avouent avoir renoncé A travailler la langue écrite déploient en revanche beaucoup d’énergie en langue orale, notamment dans le domaine du lexique et des compétences argumentatives. On ne peut exclure l’hypothèse selon laquelle une partie des progrès enregistrés A l’écrit découlerait indirectement des efforts engagés A l’oral (dans la mesure précisément où le travail sur la compréhension A l’oral est connu comme l’un des moyens d’améliorer la compréhension A l’écrit). 

w Maintenir de fragiles équilibres 
Dans le travail des professeurs, deux logiques de prise de décision apparaissent en concurrence permanente : la logique des contenus d’enseignement (les difficultés des élèves incitent par exemple le professeur A «faire un détour» pour donner une explication complémentaire ou proposer une tâche nouvelle) et la logique de la conduite de la classe (le professeur s’assure que les élèves sont actifs et motivés, que les prises de parole sont bien régulées, que la discipline règne, etc.).  
  
Pendant la séquence de classe, où les contraintes temporelles sont fortes, le professeur doit prendre des décisions très rapidement. Dans la majorité des cas, il considère le groupe-classe comme un tout, un organisme vivant dont il doit assurer le bon fonctionnement. Il traite essentiellement des indicateurs attentionnels (bavardages, bruits, regards etc.) et des indicateurs de réussite (les réponses sont justes ou fausses, les tâches réussies ou échouées) pour ajuster son action A l’état des élèves. Il ne s’appuie que très rarement sur l’analyse d’une erreur d’un élève pour initier un nouveau développement didactique.  

En d’autres termes, il nous semble qu’en SEGPA les enseignants s’attachent avant tout A maintenir un certain niveau d’activité en classe, A maintenir la classe «en vie».  Des décisions sont prises qui semblent avoir pour ambition première d’inciter les élèves A rester engagés dans un travail, quel qu’il soit, c’est-A-dire le plus souvent au détriment d’une stricte cohérence didactique. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’une simple rénovation didactique conduirait A une meilleure efficacité de l’enseignement, notamment si elle ne prenait pas en compte les fragiles équilibres pédagogiques construits par les professeurs. 
  

HYPOTHESES SUR LES INSUFFISANCES DES SEGPA  

w Les malentendus sur la nature de l’activité de lecture 
Tous les professeurs aident leurs élèves A comprendre les textes écrits qui leur sont proposés mais rares sont ceux qui les aident A comprendre comment ils pourraient le faire seuls. En classe, le plus souvent, les élèves savent ce qu’ils sont en train de faire mais pas ce qu’ils sont en train d’apprendre. Leur attention est rarement attirée sur les nécessités d’un apprentissage (et sur les lacunes qu’il s’attache A combler), sur les procédures utiles et sur la nature des progrès en cours. 

Les malentendus sur la nature de l’activité de lecture sont nombreux dans l’esprit des élèves et il nous apparaît que la plupart des enseignants, loin de lever ces malentendus, les renforcent en accentuant la dichotomie entre identification des mots et compréhension de texte, en privilégiant le traitement littéral de courts segments de textes et en ne permettant pas aux élèves de développer un contrôle interne de leur propre compréhension.  

Les réponses et les comportements des élèves que nous avons observés ne peuvent pas être considérés comme le fruit d’un développement spontané. Ils sont le résultat d’une construction sociale et, A ce titre, sont influencés de façon majeure par les pratiques pédagogiques dont ces élèves ont bénéficié au cours de leur scolarité. C’est en classe, tout au long de leur scolarité primaire puis en SEGPA, que certains élèves ont été confortés dans l’idée que la compréhension n’était pas le fruit d’un processus autonome (auto-contôlé) mais qu’elle était sous la dépendance d’une tutelle externe (les questions du professeur). C’est en classe, probablement dès le cycle 2, qu’ils ont appris A scinder l’activité de lecture en deux temps distincts, l’identification des mots et la compréhension du texte. 

En SEGPA, nous avons pu observer un important déséquilibre entre les activités de questionnement (interrogations orales ou écrites conduites par les professeurs A propos des textes) et les activités de reformulation, au détriment de ces dernières (paraphrase, résumé, traduction des idées du texte dans les propres mots des élèves, etc.). Ce questionnement est conduit en présence du texte, rarement en son absence : il sollicite très peu l’effort d’organisation en mémoire des principales informations durant la lecture.  

Les professeurs, de surcroît, ont tendance A ne pas adresser les mêmes questions A tous les élèves. Ils posent plus de questions littérales aux élèves les plus en difficulté : ils obtiennent ainsi plus facilement de bonnes réponses mais contribuent également A renforcer leurs conceptions erronées sur la lecture. L’abondance de questions littérales encourage en effet les stratégies qui consistent simplement A localiser et A recopier un segment du texte contenant une partie des mots utilisés dans la question. Ces stratégies sont évidemment totalement inadaptées A des questions de compréhension globale ou inférentielle.  

Une conception trop étroite d’une certaine «pédagogie de la réussite» peut ainsi accroître les malentendus en accentuant les clivages entre compréhension littérale et compréhension inférentielle, entre déchiffrage et compréhension, entre questionnement et reformulation ou bien entre contrôle externe et auto-contrôle.  

w Le travail prescrit et les tâches redéfinies 
Les programmes de 1995 pour la classe de 6ème «ordinaire» engagent les professeurs A viser la compréhension logique des textes et le traitement de l’implicite. Très récemment, en 1998, les circulaires régissant les enseignements généraux et adaptés dans le second degré ont affirmé A leur tour que les enseignants de SEGPA devaient prendre en compte les compétences attendues au collège (même si les activités, les situations et les supports étaient différents). En d’autres termes, les prescriptions adressées dorénavant aux professeurs de SEGPA visent le développement de compétences qui dépassent un traitement littéral du texte écrit pour atteindre un traitement global et inférentiel. Mais cela n’a pas toujours été le cas.  

La grande majorité des professeurs avec lesquels nous avons travaillé considèrent les référentiels de français publiés en 1990 comme leurs textes de référence. Or ces documents affichent pour la fin de la scolarité adaptée des objectifs beaucoup plus modestes que les actuels programmes de la classe de 6ème, voire même que les programmes de l’école primaire. Ils considèrent que la compréhension inférentielle relève d’une lecture savante, guère accessible aux élèves de l’enseignement adapté. Cette conception, relayée par les différentes évaluations nationales ministérielles (CE2/6ème), renvoient sans cesse A plus tard la prise de conscience des élèves sur leur nécessaire coopération avec l’écrit. Le texte, redisons-le, est un mécanisme paresseux qui a besoin du lecteur pour fonctionner : que celui-ci soit au cours élémentaire ou en SEGPA ne change rien A l’affaire et il serait illusoire de croire qu’une première étape de l’apprentissage pourrait viser une compréhension littérale avant de s’attacher ultérieurement A une compréhension inférentielle.  

Toutefois, les prescriptions pédagogiques de l’institution scolaire sont assez générales et peu opérationnelles. Ce sont les enseignants qui les transforment en intentions d’action, qui les spécifient et qui les rendent évaluables. Ce sont eux qui interprètent les prescriptions en fonction des moyens et des ressources dont ils disposent et des contraintes qu’ils se fixent (ou qu’on leur fixe). Les tâches ainsi redéfinies apparaissent étroitement dépendantes des formes des examens terminaux. Les exercices réalisés en classe, par exemple, sont souvent similaires A ceux du CFG : la  compréhension fine des textes est délaissée au profit de la compréhension globale («capacité B») et de la recherche sélective d’informations («capacité C»). Il n’est pas exagéré parfois de parler de «bachotage» au sens où la préparation des examens renforce la place déjA hégémonique des questionnaires de compréhension et lamine les autres pratiques d’enseignement de la lecture.  

En résumé, la question centrale, mal résolue par les professeurs de leur propre aveu, concerne la redéfinition des contenus et des objectifs de l’enseignement de la lecture. Quelles procédures, quelles stratégies, quelles postures, quels genres textuels, quelle grammaire textuelle, quel lexique enseigner ? Même les enseignants qui sont A l’affût de nouveaux objets d’enseignement se perdent parfois dans un foisonnement d’activités sans véritable cohérence d’ensemble. Les autres semblent considérer que la pratique régulière de la lecture en classe peut assurer A elle seule le développement des compétences des élèves. 

w La faiblesse des instruments professionnels 
L’insuffisante définition des objectifs et des contenus d’enseignement a des conséquence sur les instruments professionnels des enseignants de SEGPA : les progressions d’enseignement, les manuels, les outils d’évaluation ... 

Les progressions d’enseignement sont très lacunaires et font parfois totalement défaut. Entre les maîtres qui déclarent ne pas en suivre et ceux pour qui elles «dépendent de la vie de la classe», rares sont les professeurs qui peuvent présenter un véritable outil de pilotage (ou de planification) de leur pédagogie de la lecture.  

Les professeurs ont abandonné les manuels de cours élémentaire qui ont longtemps été leur outil de base, emblème d’un enseignement «spécialisé» dépassé, aujourd’hui remplacé par l’enseignement «adapté». Mais les outils professionnels et la formation des enseignants n’ont pas accompagné cette mutation, notamment en lecture où l’absence de lignes directrices d’un enseignement de la compréhension se fait cruellement sentir.  

Les enseignants avec lesquels nous avons travaillé ne disposent pas non plus d’outils d’évaluation diagnostique. Ils utilisent essentiellement des évaluations sommatives, inspirées des épreuves proposées aux examens (CFG, CAP). Les tâches proposées recouvrent des intentions de lecture peu variées : il est rare par exemple qu’on demande aux élèves de rappeler ou de résumer les idées d’un texte, de hiérarchiser des informations, d’exécuter des consignes ou des procédures, de détecter des incohérences ou des erreurs, etc. Les évaluations portent sur la compréhension littérale, plus rarement sur la compréhension globale, quasiment jamais sur la compréhension fine. 

Les textes supports A l’enseignement de la lecture révèlent peu d’ambitions culturelles.  
Les oeuvres ou les documents intégraux sont rares ; la littérature, qu’elle soit de jeunesse ou générale, est le plus souvent absente. Les «difficultés, lacunes ou déficits des élèves» incitent les maîtres A réduire la taille et la complexité des textes A lire. Rares sont les enseignants soucieux d’aborder des textes «difficiles», quitte A aider plus intensément les élèves. Les textes de lecture sont d’abord choisis pour l’intérêt du thème qu’ils abordent, en rapport avec les «préoccupations d’adolescents», rarement en fonction d’une compétence spécifique qu’ils permettraient d’exercer. Les professeurs renoncent souvent A pratiquer une lecture suivie ou toute autre lecture longue de peur de lasser les élèves. Un nombre limité d’activités est ainsi proposé autour de chaque texte (un questionnaire et une production écrite courte le plus souvent) avant de passer rapidement A un autre support textuel.  

w La différenciation pédagogique 
Malgré des effectifs relativement modestes, la différenciation pédagogique est assez réduite. Le travail en petits groupes est peu fréquent et la différenciation des objectifs d’apprentissage est exceptionnelle. Les très faibles lecteurs sont rarement destinataires d’activités spécifiques d’enseignement, visant en particulier A automatiser les procédures d’identification des mots. Les professeurs semblent parfois sous-estimer leurs difficultés dans ce domaine. 

Perdus dans des tâches qui les dépassent, ces élèves ne  peuvent bénéficier d’aides de même nature que les autres. Ils ne sont pas oubliés pour autant par les professeurs qui les sollicitent, mais le plus souvent dans le seul but de leur permettre de «suivre le groupe», c’est-A-dire de ne pas être socialement marginalisés. En d’autres termes, on peut dire que les professeurs incitent les élèves A être attentifs, A rester mobilisés sur la tâche mais sans véritablement parvenir A les rendre actifs dans les registres cognitifs pertinents.  

Au delA d’un certain seuil d’hétérogénéité (et les classes de l’enseignement adapté sont extrêmement hétérogènes comme nous l’avons montré), les enseignants ne parviennent pas A gérer les situations didactiques au profit de chaque élève. Quelques uns organisent néanmoins cette différenciation lors de la construction de leurs situations d’enseignement (c’est-A-dire durant le temps de préparation de la classe) alors que le plus grand nombre se contente de moduler ses interventions en cours de réalisation, «A chaud» dans la salle de classe, en fonction des performances des élèves. Les maîtres les plus différenciateurs, et peut-être aussi les plus habiles, sont ceux qui ont prévu A l’avance de moduler, non seulement la longueur ou la complexité d’une tâche, mais leurs modalités de guidage ou même leurs objectifs en fonction des compétences des élèves.  

w Le temps de travail des élèves  
On ne peut pas clore cet inventaire de questions sans souligner l’extrême variété du volume horaire consacré A l’enseignement de la lecture. D’après nos résultats en effet, le temps de travail consacré A l’enseignement du français peut varier du simple au double d’un établissement A l’autre et d’un niveau de scolarité A l’autre. Dans la mesure où les professeurs font également des choix très différents sur l’importance qu’ils accordent A la lecture au sein du français, on obtient finalement des écarts de un A dix. Certains élèves bénéficient de 20 minutes de lecture hebdomadaire, d’autres de plus de 3 heures. Ne peut-on penser que cette différence a des conséquences sur la qualité des apprentissages réalisés ? 
  

LES CONCEPTIONS DES MAITRES SUR L’ORIGINE DES DIFFICULTES DES ELEVES  

L’analyse de l’activité de travail des professeurs nous a conduit A mieux cerner les buts et les contraintes qu’ils se donnent A eux-mêmes dans l’exercice de leur métier. Cette redéfinition du travail A accomplir dépend principalement des problèmes qu’ils identifient, c’est-A-dire essentiellement des caractéristiques qu’ils attribuent A la population scolaire dont ils ont la charge. Ces problèmes ne sont pas, aux yeux de la majorité des enseignants interrogés, des problèmes spécifiques A l’apprentissage continué de la lecture. Ils ne relèvent donc pas, selon eux, d’un traitement didactique (au sens où la didactique est spécifique A un domaine de savoir) mais plutôt d’un traitement pédagogique mobilisant leur capacité globale A «conduire la classe». 

Pour être plus précis, les choix et les pratiques pédagogiques des professeurs apparaissent dépendants de leur analyse, explicite ou implicite, des déficits des élèves. Nous avons identifié, dans leurs discours et dans leurs actes, cinq grands types de difficultés des élèves qui mobilisent l’essentiel de leur attention.  

w Un comportement d’élève inadéquat 
Les professeurs déplorent qu’une partie des adolescents n’adoptent pas spontanément une position d’élève, qu’ils ne sachent pas se plier aux exigences du travail scolaire. Leurs efforts portent en conséquence sur la construction et le respect des règles de l’école et de la classe et sur l’apprentissage, par les élèves, du contrôle de leurs émotions et de leurs comportements. En un mot, socialiser avant d’instruire. 

w Un déficit d’expérience 
Les professeurs attribuent souvent l’origine des performances déficitaires des élèves A un manque de stimulations dans leur milieu social et familial. La réponse la plus évidente et la plus immédiate consiste dès lors A essayer de compenser le manque d’expériences par une multiplication des activités proposées. Les professeurs privilégient la variété et le nombre des expériences offertes ce qui conduit parfois les élèves A exécuter des tâches parcellaires, limitées dans le temps et cloisonnées par discipline. 

w Une insuffisante motivation 
Certains professeurs imputent les difficultés des élèves A un manque de motivation pour l’école et les apprentissages scolaires. Ils postulent massivement que l’on peut accroître l’intérêt et la motivation des élèves en variant le plus souvent possible les situations, les tâches et les supports pédagogiques. 

w Un déficit cognitif 
La plupart des enseignants attribuent également les difficultés des élèves les moins performants A un manque de connaissances les plus fondamentales et A un déficit touchant les capacités de base du traitement de l’information (mémoire A long terme, mémoire de travail, attention, concentration). 

w Une faible estime de soi  
Les professeurs constatent que les élèves se perçoivent très souvent comme incapables d’atteindre leurs objectifs et ne sont pas encouragés A produire des efforts, jugés inutiles car n’ayant aucune influence sur leurs performances.  
Ils répondent A ce constat par une «pédagogie de la réussite» et multiplient les feed-back positifs envers les élèves. Ils ont alors souvent tendance A proposer des tâches faciles, stéréotypées et accrocheuses qui n’exigent, pour être résolues, qu’un faible degré d’investissement. 
  

NOTRE ANALYSE DES CONCEPTIONS DES PROFESSEURS 

Au terme de cette étude, nous pensons que toutes les hypothèses émises par les professeurs sur la nature des difficultés des élèves ne sont pas également pertinentes. Certaines les conduisent A mettre en œuvre des pratiques éducatives que nous considérons comme potentiellement contre-productives du point de vue du développement intellectuel, de l’acquisition de connaissances spécifiques et de la réussite scolaire parce qu’elles ne prennent pas en charge les difficultés fonctionnelles des élèves les moins performants.  

w Un comportement d’élève inadéquat ?  
Un élève qui éprouve des difficultés A gérer et A contrôler ses ressources attentionnelles, est effectivement incapable de se centrer sur une situation d’apprentissage. Cette difficulté toutefois est A mettre en relation avec ses compétences cognitives et les caractéristiques des tâches scolaires. Plus que d’un manque de contrôle ou de socialisation, elle est bien souvent le reflet et la conséquence d’une difficulté cognitive.  

Les élèves, placés systématiquement dans des situations hors de portée de leur prise de conscience, adoptent progressivement une posture scolaire très inadéquate, plus attentifs aux exigences de leur professeur qu’A celles de l’activité intellectuelle. Quand les compétences A mettre en œuvre pour la résolution d’un problème de lecture dépassent ses capacités, l’élève devient incapable de contrôler son fonctionnement. Il va donc centrer son attention sur le contrôle de son comportement : rester plus ou moins calme, écouter le professeur, le regarder, respecter les règles scolairement normées, dans le meilleur des cas ; centrer son attention sur l’environnement (les copains surtout) ou éviter la tâche, dans le pire des cas. 

Confrontés A des élèves qui ne sont pas auto régulés, les enseignants ont tendance A contrôler eux-mêmes, pas A pas, l’attention et le comportement de ces élèves : soit en les rappelant A l’ordre, soit en les encourageant A rester attentifs, A participer aux rites du groupe, y compris en faisant seulement semblant de travailler. Or, plus l’élève se sent contrôlé de l’extérieur, plus la motivation intrinsèque diminue et plus les performances chutent. S’il considère en effet que le contrôle de ses actions ne dépend pas de lui mais de l’adulte, il risque de s’installer dans une dépendance permanente, de ne plus initier aucune conduite qui présente une difficulté cognitive et qui le conduirait A échouer. Laissé seul, il va avoir tendance A privilégier l’exécution de tâches faciles, peu risquées et peu coûteuses qu’il sait pouvoir réussir mais desquelles il ne peut abstraire aucun apprentissage. 

C’est précisément ce que nous avons observé auprès des faibles lecteurs, incapables d’initier une construction sémantique sans l’aide des interrogations du maître. On peut se demander alors si les enseignants ne transmettent pas implicitement des représentations erronées sur les attitudes intellectuelles efficaces en situation d’apprentissage. Lorsque l’élève respecte les exigences comportementales du maître, lorsqu’il se conforme aux représentations erronées qu’il s’est forgé du « bon apprenant » (être discipliné, écouter le professeur), il ne peut pas, en cas d’échec, comprendre comment et pourquoi il n’a pas réussi puisqu’il pense avoir fait tout ce qui était en son pouvoir. Il ressent alors un sentiment d’injustice, de découragement, voire de ressentiment vis A vis de l’institution scolaire qui, A ses yeux, ne tient pas ses promesses. 

w Un déficit d’expérience ?  
Lorsque les professeurs privilégient la variété et le nombre des situations d’enseignement (travail très bref sur chacun des textes, absence de lectures suivies, extrême diversité des supports textuels, forte variation des problèmes A résoudre... ), les conséquences fonctionnelles peuvent être néfastes : 
- Les contenus et les domaines d’apprentissage ne sont pas perçus. Ils disparaissent derrière l’exécution de tâches parcellaires qui empêche l’élève de prendre conscience de l’unité qui existe entre les domaines d’apprentissage (lecture et activités métalinguistiques par exemple) et de la généralité des savoirs au delA des exercices effectués. 
- Les élèves considèrent que l’exécution termine l’activité et ne conduisent aucune activité réflexive sur la situation. 
- Les tâches qui se succèdent ne laissent pas le temps de redécrire A un niveau supérieur la réussite en actes : cela contribue A rendre difficiles, voire impossibles, les liens nécessaires aux transferts des acquis d’un domaine de connaissances A un autre. On observe une réussite sans compréhension. 
- La trop grande variété des situations proposées gêne la création de routines qui génèrent des savoir-faire procéduraux efficaces. 
- L’attention de l’élève est orientée sur le «faire», sur la performance et la réussite, au détriment de la compréhension et on encourage le traitement de surface des tâches et des textes. 
- L’enseignement ne prend pas en charge la redescription des expériences réalisées et l’abstraction d’une compréhension générale. Il ne favorise pas non plus l’abstraction de règles et de lois. Il favorise au contraire la construction par l’élève de savoir-faire procéduraux, implicites, peu flexibles, automatiques, attachés aux situations et donc difficilement transférables dans d’autres domaines. 
- Enfin, en faisant croire aux élèves qu’il suffit de manipuler ou d’agir pour apprendre, on contribue A les leurrer sur la nature du travail intellectuel et des activités cognitives A mettre en œuvre pour apprendre et réussir A l’école. 

Confrontés A des élèves qui ne réussissent pas, les enseignants vont avoir tendance A modifier les tâches en les simplifiant. En agissant de la sorte, ils changent, souvent A leur insu, la situation de départ de telle sorte que celle-ci ne permet plus de travailler la compétence visée mais permet seulement A l’élève d’être en règle avec une exigence scolaire. 

w Une insuffisante motivation ?  
En SEGPA, la motivation intrinsèque des élèves, procurée par la satisfaction de mesurer ses progrès, de savoir ce que l’on fait et pourquoi on le fait, est la grande absente des discours et des pratiques pédagogiques. Il n’est guère question du plaisir que l’on peut éprouver dans le travail, de la joie que procure le fait de se percevoir comme un être capable de penser. Tout se passe comme si les apprentissages devaient se réaliser incidemment, presque A l’insu des élèves. La motivation, facteur de réussite dans les apprentissages, y est presque toujours présentée comme extérieure A l’activité de l’élève. 

On peut éveiller l’intérêt des élèves et susciter leur étonnement grâce A une grande variété d’actes pédagogiques différents mais tous n’offrent pas les mêmes gains développementaux et cognitifs. Si certaines options didactiques permettent effectivement d’attirer l’attention de l’élève sur la tâche et remplissent bien une fonction «d’enrôlement», elles se révèlent contre-productives pour maintenir longtemps cette attention et s’opposent alors au développement d’une motivation A caractère intrinsèque.  

Lorsque la pédagogie cherche A tout prix A être riche et variée, elle s’expose A deux risques majeurs :  
-  l’habillage excessif des tâches scolaires, qui peut gêner le traitement des informations essentielles (l’attention est attirée par des détails non pertinents pour la résolution),  
-  la trop forte variation des paramètres de ces tâches (on les modifie trop souvent et trop rapidement), qui ne permet pas aux élèves de construire les invariants opératoires nécessaires aux transferts de connaissances.  

Or, les élèves les moins performants ont particulièrement besoin de stabilité dans les modalités de présentation et de réalisation des activités. Les formats d’interaction doivent être suffisamment réguliers pour que se développent les schèmes cognitifs facilitant les anticipations des élèves, leur contrôle et leur exploration des situations en toute sécurité. C’est lorsque les situations deviennent prévisibles que les élèves peuvent devenir sensibles aux variations didactiques introduites par l’enseignant.  

Le problème de motivation, si souvent incriminé, n’est pas toujours A attribuer A un manque de motivation en général mais souvent A une centration externe de l’attention : les élèves sont plus vigilants A ce que les autres vont penser d’eux et aux feed-back du professeur qu’A réfléchir A l’activité elle-même. A trop se centrer sur l’extérieur, il ne reste que peu de ressources attentionnelles A accorder A la situation scolaire, dans ce qu’elle permet d’apprendre ou de comprendre.  

En bref, nous ne nions pas l’importance que revêt la socialisation, mais nous contestons l’idée qu’elle puisse être considérée comme un pré-requis A de nouveaux apprentissages. Nous pensons au contraire que les apprentissages scolaires et professionnels sont le moyen privilégié dont disposent les SEGPA pour permettre aux élèves d’éprouver leur autonomie, leur capacité A penser, et, par conséquent, pour favoriser la socialisation, qui n’est pas seulement un problème de relation aux autres mais également une question de relation A soi-même. 

w Déficit cognitif et faible estime de soi. 
Les professeurs mettent en avant les faibles capacités de base du traitement de l’information (mémoire, attention) mais la plupart des recherches actuelles montrent que ce sont plutôt les connaissances et compétences métacognitives qui différencient le plus nettement les bons des mauvais élèves. Ces compétences sous-tendent un apprentissage auto-régulé et permettent l’auto-contrôle des capacités A traiter l’information de façon efficace (anticipation, planification, contrôle et vérification). 

Au cours de notre étude, nous avons pu vérifier A quel point les élèves avaient besoin en permanence de la présence de l’enseignant pour valider leur activité intellectuelle. (Cela les pousse A répondre le plus vite possible car les professeurs arrêtent le questionnement dès que la bonne réponse a été trouvée). Ils accordent peu de confiance A leurs capacités, convaincus que s’ils réussissent, c’est parce que la tâche est facile ou que le professeur est gentil. Rares sont ceux qui pensent que c’est grâce A la mobilisation d’une compétence appropriée. Paradoxalement, ces mêmes élèves pensent qu’ils sont totalement responsables de leurs échecs (attribution interne).  

Les élèves qui ont pris en classe l’habitude de rechercher la réussite et la performance immédiate, supportent mal d’être mis face A la moindre difficulté, et mettent en œuvre tous les comportements de défense pour éviter de se trouver confrontés A l’échec. Ils appellent fréquemment A l’aide, recherchent un contrôle externe, copient sur le voisin, refusent de travailler, agressent le professeur… Les enseignants multiplient alors les tâches faciles, stéréotypées et accrocheuses qui n’exigent, pour être résolues qu’un faible degré d’investissement. Et c’est ainsi que ces comportements, nuisibles aux apprentissages cognitifs, se trouvent cautionnés et renforcés.  
  

CONCLUSION 
  
Au terme de cette étude, il nous semble possible d’affirmer que les élèves de SEGPA de notre échantillon progressent en lecture au cours de leur scolarité adaptée et qu’ils disposent d’une marge de progrès qui n’est pas encore totalement exploitée. 
Nous avons identifié quelques points forts des pratiques éducatives des SEGPA et nous soutenons l’hypothèse qu’il est possible de les préserver tout en développant de nouvelles pratiques d’enseignement de la lecture plus ajustées aux potentiels d’apprentissage des élèves. 
Ces pratiques nécessiteraient de définir A la fois de nouveaux principes de travail (impliquant une recherche permanente de «clarté cognitive» pour les élèves), de nouveaux objets d’enseignement (incluant l’enseignement de procédures et de stratégies de lecture) et de nouveaux outils didactiques. 

Nous savons que, par le passé, de nombreuses recommandations ou injonctions didactiques sont restées lettre morte parce qu’elles n’étaient pas adaptées aux conceptions et aux compétences présentes des enseignants. Si les circulaires ministérielles et les centres de formation veulent marquer des ruptures avec certaines pratiques pédagogiques jugées peu efficaces, ils devront aider les professeurs A identifier les continuités entre pratiques anciennes et pratiques innovantes mais également A comprendre les raisons de l’inadéquation de certaines de leurs pratiques aux difficultés des élèves. Ils devront aussi démontrer que le prix A payer, en termes de travail supplémentaire et de formation, est raisonnable au regard des bénéfices obtenus (ou escomptés) auprès des élèves. Ils devront enfin distinguer les évolutions qui ne remettent pas en cause les conceptions des professeurs et les transformations plus radicales qui impliquent au contraire une redéfinition des objectifs poursuivis. 
  
Trop souvent, les propositions d’instrumentation didactique nouvelles n’ont été examinées que du seul point de vue de leur cohérence au regard des savoirs enseignés. A l’issue de cette étude, nous souhaiterions que l’analyse du fonctionnement cognitif des élèves d’une part et les représentations et savoir-faire des professeurs d’autre part soient au cœur de la conception et de la diffusion des instruments professionnels qui sont les vecteurs de la transformation des pratiques d’enseignement. 
 
 
  

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Roland Goigoux & Serge Thomazet