LES ÉTATS GÉNÉRAUX. POURQUOI ? COMMENT ?
Le
Conseil d’Administration de l’AFL s’est constitué en comité
de rédaction du présent numéro. Après
une longue discussion, il a pris la décision de consacrer un dossier
entier des A.L. aux Etats Généraux. Pourquoi ce choix ?
Il est apparu qu’un événement
d’une grande importance venait de se produire et qu’il nous appartenait
d’en rendre compte. En effet, les Etats Généraux de la lecture
et des langages auront mobilisé l’énergie de très
nombreuses écoles ou collèges lors de la phase préparatoire,
réuni plus d’un millier d’enseignants les représentant pendant
deux journées, les 4 et 5 mai dernier A Nantes, autour
de la ministre, de son cabinet, de responsables (nationaux ou locaux),
de chercheurs de divers horizons et devraient inaugurer une série
d’actions A décliner pendant les mois qui viennent, A
partir des douze points présentés par la ministre au moment
de clore les journées.
Tant d’efforts réalisés
au plus haut niveau comme A celui plus modeste des établissements
méritaient un écho. Ce sera l’objet d’une première
partie de ce dossier.
Mais au-delA et
parce que nous sommes engagés dans la recherche et dans l’action
et qu’A ce titre nous n’avons pas manqué ces vingt dernières
années de nous constituer en force de proposition, il nous paraît
utile d’examiner, dans une seconde partie, les conditions A
réunir pour que, de notre point de vue, les axes définis
A Nantes (les cinq qui ont retenu notre attention) aient une chance
d’être opératoires.
Enquête coordonnée
par Jean Pierre Bénichou avec
les contributions de : Solange Dumay, Jean Foucambert, Suzy Garnier,
Rolande Millot, Yves Parent, Nicole Plée
L’inspiration est d’essence
démocratique : refus de se soumettre A la fatalité
inégalitaire, volonté affichée de mettre en valeur
le terrain et gestion du temps sur la durée avec une phase préparatoire
d’une année, un temps fort (deux journées) pour la
rencontre et l’échange, une phase d’expansion derrière (la
période qui suivra et au cours de laquelle des rencontres inter-académiques
seront mises en place)
Une fois de plus se vérifie
l’idée que rien d’important n’est possible sans l’intervention de
l’Etat. On pourrait s’en réjouir. On pourrait aussi déplorer
qu’on recoure encore et toujours A cette même séquence
simpliste : les héros innovent, la base applique. Les exemples ne
manquent pourtant pas de ces innovations qu’on a voulu généraliser
sans succès parce qu’on avait voulu faire l’économie des
conditions dans lesquelles elles avaient été produites :
de la durée, une équipe autonome qui définit son projet,
une hiérarchie locale soucieuse d’aide, un environnement attentif
aux problèmes d’éducation, etc…
Pour comprendre ce qui a
présidé A l’organisation de ces journées, dans
l’intention et dans l’organisation, rien ne vaut le témoignage direct
de son inspirateur. En effet, les Etats Généraux ont été
voulus, pensés, animés et organisés par une seule
et même personne : Ségolène Royal, ministre déléguée
chargée de l’enseignement scolaire. Intéressons-nous donc
aux propos mêmes de la ministre tenus lors de la séance d’ouverture..
Pourquoi ?
Les raisons sont exposées
de manière équilibrée. Il en ressort :
1) qu’il y a urgence
(«la maîtrise de la lecture et des langages est la grande
question posée A l’école»)
2) qu’il ne faut
pas dramatiser la situation («j’ai peu de goût pour les
analyses catastrophistes qui simplifient A outrance la complexité.»)
3) qu’il est rendu
hommage aux efforts des maîtres («j’apprécie A
sa juste valeur le travail quotidien, ardu, des enseignants sur le terrain»)
4) que des obstacles
se dressent sur leur chemin («il n’est pas question d’ignorer
ici ce que les difficultés de l’école doivent A
ce qui se passe autour d’elle.»)
L’analyse des raisons
de ces Etats Généraux se poursuit par :
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l’évocation de la relance des ZEP («Dans les contrats de
réussite des Réseaux d’éducation prioritaire que
j’ai mis en place la maîtrise des langages occupe la toute première
place»). Il s’agit donc de prolonger l’effort partout. De ce
point de vue, les ZEP auraient joué leur rôle de laboratoire.
Il est dommage que l’analyse ne soit pas conduite jusqu’A son terme
et qu’on n’ait pas marqué plus nettement l’importance d’une extension
A l’ensemble des écoles de la dynamique qui s’est constituée,
en effet, dans les ZEP les plus performantes. Affaire de coût peut-être
? Mais n’est-ce pas au représentant de l’Etat de rappeler qu’une
politique véritablement ambitieuse pour l’école a effectivement
un coût et ainsi faire son travail de préparation de l’opinion
?
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l’annonce selon laquelle «le chantier de la mutation du
collège» est désormais A l’ordre du jour.
Sans plus. La ministre le dit elle-même : j’en dirai plus le 25 mai
prochain. Et lA on voit poindre ce qui fait l’essentiel aujourd’hui
: ménager ses effets d’annonce. Il est plus important de ménager
le suspense que d’éclairer l’auditoire et lui donner les éléments
lui permettant justement de nourrir l’échange. Simple contradiction
ou indication forte de l’ordre des priorités ?
w
elle se poursuit enfin par l’expression d’un sentiment : «malgré
tous les efforts déployés, les réformes entreprises,
l’abondance des textes réglementaires , les documents d’accompagnement
et de publications en tous genres, beaucoup d’enseignants se sentent désemparés
dans l’exercice d’un métier difficile.» Double lucidité
: le malaise est profond, les initiatives n’ont jamais manqué.
Deux options fortes nous
sont annoncées qui sont destinées A enfoncer le clou
de l’engagement résolument démocratique :
Dans l’ordre méthodologique
: «tenter d’aborder le problème en repartant des pratiques
sur le terrain»
Dans l’ordre symbolique,
on a nommé ces rencontres Etats Généraux , parce «qu’ils
sont dans la mémoire collective le prototype de l’assemblée
active, celle où la parole se fait acte»
Comment ?
Clairement, l’intention
est de renoncer au «colloque d’experts» et A «la
grande messe institutionnelle» pour privilégier l’expression
des terrains. «je voulais qu’on mette en valeur et A l’honneur
celles et ceux qui sur le terrain font vivre dans leurs classes et leurs
établissements une certaine idée de l’école»
Il s’agissait donc d’une part de pointer des actions innovantes issues
du monde de la pratique et d’organiser les conditions de la rencontre.
Donc appel d’offre (A tous les directeurs d’école et principaux
de collège), commission de choix (académique et nationale)
et invitation pour des représentants de terrain A se rendre
A Nantes. De fait, «beaucoup sont lA aujourd’hui,
: enseignants, formateurs, documentalistes, directeurs et directrices d’écoles,
principaux de collèges, tous conviés sur la base des actions
qu’ils mènent».
Le discours d’ouverture
se poursuit par l’annonce du déroulement des journées :
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Une exposition des 157 réalisations «primées»
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Les 3 tables rondes : 1) diversité des publics et de l’unicité
des missions de l’école 2) l’évolution du métier d’enseignant
3) la conjugaison nécessaire des différents langages
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Les 16 ateliers.
- Maîtrise des langages
et pratiques culturelles
- Les pratiques sociales
de l’écrit, l’écriture longue
- Le français, langue
seconde
- Maternelle, maîtrise
des langages et commencements
- Les pratiques orales
- Maîtrise des langages
et apprentissage de la lecture
- Maîtrise des langages,
interdisciplinarité et savoir faire transversaux
- La diversification des
textes lus et des stratégies de la lecture
- Les évaluations
nationales (CE2, 6ème) et les évaluations de terrain
- La place des parents dans
l’apprentissage de la lecture
- Lire et comprendre les
images et les écrans
- Internet : élèves
et enseignants face aux nouvelles technologies
- Maîtrise des langages
et handicaps (malentendants, malvoyants …)
- Les troubles du langage
(dyslexie, dysphasie)
- Elèves en grande
difficulté : les réapprentissages de la lecture au collège
- L’illettrisme.
La ministre termine son discours
en expliquant le choix du signe sous lequel elle a voulu que les Etats
Généraux soient placés et qui figure en sous-titre
de la rencontre : «Apprendre A partager le premier pouvoir».
Elle ajoute : «Il s’agit d’organiser un égal accès
de tous A ce pouvoir de dire, de lire, d’écrire, pouvoir
d’apprendre, de comprendre, de penser et de se construire, pouvoir d’assurer
sa prise sur le monde et, au bout du compte, de vivre ensemble».
Autant de principes avec lesquels il est difficile de marquer un désaccord.
Pourtant, on aimerait des précisions sur le sens donné A
certains mots (et singulièrement celui de pouvoir. S’agit-il de
travailler la question du statut de l’enfant ?). On aimerait aussi des
explications sur des manques : la notion de transformation par exemple
est absente (peut-on comprendre le monde sans le transformer ?)
Au total, on a l’impression
d’un maniement aisé du vocabulaire de la transparence sans que le
prix, en termes d’autonomie véritable et de moyens substantiels,
en soit payé. A-t-on bien mesuré combien le futur est imprévisible
?