CLARIFIER
LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES EN MATERNELLE
Dès sa naissance, plongé dans le
monde, l’enfant est interpellé par tout ce qui le constitue et l’écrit
surgit A tout instant ; c’est la privation de la compagnie de son
grand-père parce qu’il lit le journal mais c’est aussi le délicieux
moment où on lit une histoire, c’est encore l’intérêt
de savoir A quelle heure arrive le train de papa et ce que l’on
va manger A la cantine...
Voir lire, savoir ce que l’écrit apporte
et son rôle dans la vie quotidienne, utiliser l’écrit pour
son propre compte, pour communiquer, pour comprendre, pour se remémorer,
pour se faire plaisir... Rendre cela possible pour tous les enfants.
En 1999 l’unanimité s’est faite peu A
peu, semble-t-il, autour de ces idées.
Quel a été alors l’apport de l’AFL
?
Attachée A une analyse psycho-linguistique
de la lecture, l’AFL a étudié le comportement du lecteur,
faisant l’hypothèse que cette connaissance permettait de comprendre
comment s’opère ou ne s’opère pas l’apprentissage et ce qui
est nécessaire pour qu’il se fasse en temps utile.
Dès l’été 1985, un stage
“Lecture et Petite Enfance” réunit des enseignants et des bibliothécaires.
Des publications ont suivi, fruits de la recherche et de l’expérimentation.(Cf.
bibliographie jointe)
Avant toute autre considération, l’AFL
affirme que l’enfant, dès son plus jeune âge, est lecteur
; elle lui confère ce statut, inconditionnellement, avec la certitude
qu’il peut devenir lecteur autonome comme il est devenu locuteur.
La langue trouve sa légitimité avec
l’existence de l’autre, y compris dans une lecture solitaire qui établit
un rapport avec une autre pensée, celle de l’auteur. Ce caractère
social conduit A examiner les contextes de rencontre avec l’écrit.
Et l’AFL d’affirmer que l’enfant, doit être témoin de l’usage
qu’en font ses aînés, destinataire, usager d’écrits
qui interfèrent dans sa vie, et enfin producteur, pour mener
A bien son apprentissage.
Mais il ne s’agit pas d’introduire artificiellement
un écrit ; nous aurions affaire A un écrit scolaire,
qui n’existe que pour lui-même et que l’AFL rejette quand elle invite
A “déscolariser la lecture”.
Il ne s’agit pas non plus de l’évincer,
il faut le faire fonctionner au sein et au profit des projets, petits et
grands, des enfants et de la classe.
Fonctionner, le maître-mot. D’aucuns ont
voulu réduire le fonctionnel A l’utilitaire. Il n’en est
rien et nous considérons que la poésie est tout aussi fonctionnelle
que la recette de cuisine.
Si l’AFL pense que “l’on n’est jamais trop petit
pour lire”, elle n’adhère pas pour autant A l’idée
d’un enseignement précoce. C’est d’apprentissage qu’il est question.
Sur ces bases, très schématiquement
évoquées, toute l’association a beaucoup travaillé
:
w inventaire des
situations où l’écrit intervient : courrier, cahier de vie,
calendrier et agenda,
affichage de tâches, d’informations,
d’annonces, heure du conte, menu, etc..., bref un inventaire “des écrits
pour vivre” et des instruments afférents.
w fonctionnement
de la classe et de l’école impliquant l’usage de l’écrit
: hall d’infos, journaux,
gestion des projets, conseil d’école,
etc...
w mise en place
de BCD pour laquelle l’AFL a joué un rôle de premier plan
pour en définir les
objectifs et le fonctionnement. Lieu privilégié
de rencontre avec tous les types d’écrits, c’est aussi
un outil qui permet A l’enfant de
ne pas être un simple consommateur mais d’en être gestionnaire
et co-animateur. La BCD peut être
réduite A un moyen ou, si elle est centrale, si elle participe
de
l’innovation, devenir un instrument de
la transformation de l’école.
Les objectifs d’un projet pédagogique ne
sont rien si l’on n’établit pas une adéquation de l’organisation
de l’école et de son fonctionnement, du statut des personnes, en
particulier des enfants, des outils que l’on élabore ; exigence
de cohérence des objectifs avec la démarche et les moyens.
Sans nous étendre, rappelons seulement
l’importance des conseils d’enfants, des journaux d’opinions, des projets,
de la co-éducation et arrêtons-nous un peu sur deux pratiques,
deux productions de l’AFL pourrions-nous dire, l’usage d’ELMO International
et la “leçon de lecture”.
ELMO International, logiciel d’entraînement
qui permet aux enfants de multiplier les rencontres avec l’écrit,
d’organiser les observations, de fixer les découvertes, de généraliser,
préalable A un travail ultérieur de théorisation.
Les écrits qui servent de base A l’entraînement sont
issus de la vie de la classe et de l’école puisque la “bibliothèque”
y est introduite par l’enseignant en fonction des activités et des
savoirs de son groupe.
Je ne résiste pas au plaisir de livrer
ici une anecdote qui éclaire l’apport de l’informatique.
Cela se passe dans une école de Bobigny.
Je rencontre dans le couloir une fillette de 4 ans qui se rend A
la BCD. Elle m’informe qu’elle va “A BCD service”. Devant mon ignorance,
elle décide de m’emmener pour m’expliquer de quoi il s’agit.
Elle s’installe et commence une fiche qui consiste
A retrouver le nom des animaux dont le dessin apparaît. Des
aides sont offertes qui assurent le succès.
Elle s’est ainsi, avec un plaisir évident,
seule et A son rythme, entraînée A l’identification
et la discrimination, compétences indispensables A la lecture.
Quant A la leçon de lecture, j’entends
les murmures. Leçon ? cela ne signifie-t-il pas enseignement ? Eh
bien , pas vraiment !
Soit un texte, lettre, épisode d’un feuilleton,
page d’album, affiche, un texte qui concerne les enfants, la vie dans la
classe, leurs projets. Les enfants mobilisent, pour le découvrir
et le comprendre, leurs savoirs existants, font des hypothèses et
les mettent en commun, les confrontent avec l’aide de l’adulte qui anime
et coordonne le travail. L’attention porte sur le sens. Les remarques sémantiques
et syntaxiques, sur les graphies, les ressemblances et les différences
seront un point de départ d’une activité de systématisation
assurant les mémorisations et automatismes. Chemin faisant les compétences
techniques des enfants se construisent.
Leçon ,donc, parce que le travail systématique
se fait sur un texte choisi par l’adulte.
Au moment où l’Éducation Nationale
organise A Nantes les Etats Généraux de la Lecture,
l’AFL peut souhaiter faire valoir des propositions issues de l’expérimentation.
Un survol de ses travaux n’apportera rien
aux lecteurs des actes de lecture sinon, en resituant toute l’action de
l’AFL, de souligner les apports spécifiques qui constitueraient
sa contribution au projet commun.
Cinq des douze “initiatives concrètes” proposées
par Ségolène Royal A Nantes, retiennent notre attention
:
w Relancer une
politique des cycles pédagogiques
w Clarifier les
objectifs pédagogiques de l’école maternelle
w Mieux intégrer
la BCD...
w Former les
équipes pour accompagner l’évolution du métier
w Une recherche-action
sur les pratiques d’apprentissages en particulier les apprentissages
premiers
Voici les réflexions qu’elles m’inspirent.
Le monde s’offre au regard et A l’écoute
de l’enfant dans toute sa complexité. Quant A l’enfant, dans
ses efforts pour en percevoir le sens, il ne fait pas le tri entre ce qui
serait simple (A nos yeux) et ce qui serait compliqué.
Etudier démarches et pratiques d’apprentissages,
exige que l’on prenne en compte cette appréhension de la complexité.
L’expression “apprentissages premiers” mérite d’être précisée
pour ne pas conforter le sentiment répandu qu’une démarche
d’apprentissage doit aller du simple au complexe et ne pas risquer de renforcer
l’idée de pré-requis. La réalité est probablement
plus dynamique parce que les apprentissages interagissent entre eux.
La langue est immédiatement objet d’investigation
dans la mesure où elle implique l’enfant, dès sa naissance,
dans son rapport A autrui. Elle est source de sécurisation
et d’identification. C’est pourquoi l’apprentissage linguistique est au
centre des activités du cycle 1.
Pendant trois ans, les enfants vont acquérir
la maîtrise de la langue orale. Ils conduisent leur apprentissage
selon une méthode que l’on peut décrire : observation des
pratiques des adultes, des aînés, hypothèses de sens
et également de fonctionnement, essais et rectifications en fonction
des réactions de l’entourage, élaboration d’une grammaire
provisoire et réajustements progressifs. A cinq ans, les voilA
devenus des locuteurs accomplis.
L’écrit est aussi entré dans leur
vie, dans la famille, certes souvent, mais encore davantage A l’école
où les projets, la vie du groupe, en créent mille et une
occasions de rencontre et d’usage. Sont alors réunies les conditions
de l’apprentissage et nos petits écoliers adoptent la même
démarche que pour l’oral pour peu qu’on les aide A se repérer
dans la jungle des mots.
Richesse du milieu de l’école, encore plus
grande dans une classe multi-âges regroupant des enfants de deux
A cinq ans. Les aînés du groupe sont A la fois
des modèles et des passeurs vers un avenir accessible, imaginable
et imaginé.
Bien que les bébés s’intéressent
A leurs pairs, c’est A deux ans, durant la période
de la construction du “je” que le groupe prend tout son intérêt.
L’enfant de deux ans a donc sa place A l’école et c’est A
nous, les adultes, de créer les conditions matérielles et
d’encadrement qui permettent de satisfaire A ses besoins. A deux
ans, il était un grand A la crèche, A l’école
il bénéficiera de la présence des plus âgés
et plus particulièrement en classe multi-âges où les
tracasseries des contraintes matérielles diminuent avec le nombre
d’enfants de cet âge. Quant aux plus grands, leur rôle d’initiateur,
accompagnant les petits, leur donne l’occasion prometteuse, de prendre
la distance avec leurs propres acquis et d’entrer en “théorisation”.
Les enfants les plus culturellement démunis,
attribuent, le plus souvent, A l’écrit un statut ni important
ni gratifiant ; leur vie s’en passe, hélas ! Le rôle de l’école
est d’autant plus déterminant qu’elle introduit l’écrit
dans le quotidien de la classe et qu’elle permet aux enfants d’en découvrir
la fonction, la richesse. Ceci nous ramène aux pratiques ; quelles
situations, quels projets, quels supports A l’identification, la
mémorisation, l’attribution de sens, etc...?
Le cahier de vie où sont consignés
les événements que l’enfant veut retenir, est source d’une
activité multiple de mémoire, d’expression, de communication,
de lecture et de relecture. Il mériterait une réflexion des
enseignants de maternelle afin d’en tirer tout le profit.
La BCD, service commun A toute l’école,
peut devenir pour le cycle 1, un instrument important d’une politique éducative.
Elle est un lieu de découverte, de plaisir, de pouvoir, lieu, enfin,
où les enfants peuvent A leur rythme, lire, s’entraîner,
produire, si elle n’est pas réduite A un magasin d’écrits
que l’on sort A la demande. Mais c’est aussi un lieu qui s’enrichit
des questions et des demandes des petits entraînant l’activité
des grands pour y répondre.
On pourrait aborder d’autres pratiques, la lecture
d’une grande histoire, les préparations de classes vertes etc...
mais point n’est besoin de dresser un catalogue.
L’AFL, durant plus de vingt ans, a accumulé
une expérience dans le fonctionnement des BCD, l’organisation et
le fonctionnement des cycles et des classes multi-âges mis au point
par des équipes responsables, élaborant leur projet pédagogique,
évaluant le travail des enfants et le leur propre. Par ses travaux
( recherches, études, enquêtes, productions...) elle a contribué
A clarifier les objectifs éducatifs de l’école en
général, du cycle 1 en particulier. A ce titre, elle
peut apporter son concours en faisant les propositions suivantes :
w Relancer une politique
des cycles pédagogiques
- Présenter la palette des expériences observées avec
leurs différentes organisations du cycle.
- Préciser le contenu de la continuité entre le cycle1 et
le cycle2.
- Développer l’intérêt pour les classes multi-âges.
w Clarifier les objectifs
pédagogiques de l’école maternelle
- Préciser la place de l’écrit et de l’oral.
- Définir les facteurs favorables au développement des compétences
des enfants
w Mieux intégrer
les BCD
- Lancer une étude pour répondre aux questions suivantes
:
Quelle BCD pour le cycle 1 ?
Quelle place dans la BCD de l’école ?
Quels apports des cycles 1 A la BCD ?
w Former des équipes
pour accompagner l’évolution du métier
Un dispositif de formation continue
doit être mis sur pied, privilégiant la formation d’équipe,
pour comprendre les enjeux
de cet apprentissage, le rôle des familles et la relation A
établir avec
elles, pour saisir comment jouent
l’organisation et le fonctionnement de l’école.
Les pratiques de classes transplantées,
et en particulier de classes-lecture se sont révélées
efficaces pour les progrès
des enfants mais également pour la formation des enseignants et bibliothécaires.
- Organiser des classes-lecture de cycle1 conçues dans une double
perspective de formation pour les enfants et pour les enseignants, profitant des apports de spécialistes,
offrant les avantages cumulés d’une formation en action et de l’implication
des parents dans la
préparation et le bilan.
w Une recherche-action
sur les pratiques d’apprentissages
Qu’est-ce qu’apprendre A deux, trois,
quatre, cinq ans ? Piaget, Chomsky et bien d’autres nous ont éclairés sur ce point, même
s’ils ne sont pas d’accord entre eux.
Mais reste aux instituteurs, la responsabilité
de la mise en oeuvre. Il faut inventer les situations, les démarches qui, dans le respect
du statut d’acteur et d’apprenant, sont les plus favorables aux enfants ; autant de sujets d’étude
et de recherche sur le terrain qui exigent l’implication des équipes comme l’apport des chercheurs
et des psychologues.
- Désambigüer les notions d’enseignement et d’apprentissage.
- Approfondir les notions d’aide, d’accompagnement, d’entraînement,
de systématisation.
- Prévoir des lieux de réflexion sur la co-éducation,
réunissant familles et maîtres.
L’AFL doit se donner comme but de valoriser ses
travaux et d’obtenir que sa contribution soit prise en compte.
Ces “initiatives concrètes” seront d’autant
plus riches d’informations et prometteuses de formation qu’elles regrouperont
des acteurs divers nourris de leur vécu comme de leur questionnement.
L’AFL devrait être de ceux-lA.
Lire :
Plaquettes
- Apprendre A lire du cycle 1 au
cycle 3.
- Comment aider un jeune enfant A apprendre
A lire ? (Lire de 0 A 5 ans)
- Cahier d’écrits, cahier de vie
- Le goût de lire est sur toutes les lèvres.
Outils pédagogiques
- Paulo, la grande histoire
- Lire, agir, comprendre
Collection Théo-Prat’
- Une BCD aux cycles 1 et 2
- Des écrits pour vivre aux cycles 1 et
2
- La lecture feuilleton aux cycles 1 et 2
- Atelier d’écriture aux cycles 1 et 2
;
Livres pour enfants (M. Liber, J.
Millot)
- Le loup
- L’ours
- Le zèbre
- Le manchot