DES
PROPOSITIONS
MIEUX INTÉGRER
LES BCD ET CDI DANS LES PRATIQUES PÉDAGOGIQUES
Le développement des bibliothèques
centres documentaires (BCD) et des centres de documentation et d’information
(CDI) figurent en bonne place parmi les priorités de la ministre.
Ainsi se trouve soulignée une nouvelle fois leur importance et implicitement
faite l’hypothèses selon laquelle ils constitueraient des leviers
privilégiés pour engager et approfondir le développement
de la lecture et de l’écriture dont l’impérieuse nécessité
est également affirmée.
Une fois encore le ministère affirme et
préconise... Comment ne pas s’en réjouir si on croit A
la nécessité d’une impulsion forte témoignant d’une
ambition réelle pour l’école ? mais aussi comment ne pas
s’inquiéter si on a suivi l’histoire, déjA longue
et significative des mesures en faveur des bibliothèques d'établissement
et de la lecture ?
Force, en effet, est de constater que, malgré
les injonctions officielles, les différents plans successifs et
les moyens non négligeables qui ont été mobilisés
aussi bien en équipements, qu'en formation et en personnels, les
BCD et les CDI sont restés en marge des établissements. S’ils
ont enrichi et diversifié l’offre de lecture, ils n’ont eu que peu
d’effets auprès de ceux qui n’ont pas développé ailleurs
les raisons et les moyens de tirer profit de leurs ressources.
L’histoire des BCD est particulièrement
éclairante : créées A la fin des années
1970, dans un cadre qui mêlait recherche, secteur associatif et approche
militante, elles se voulaient au service du développement de la
lecture. en provoquant la transformation de l’école. L’alternative
alors posée par les promoteurs de l’innovation était claire
: renforcer l’école ou la transformer !
La renforcer, c’était mettre des moyens
supplémentaires (dont les ressources de la BCD) au service d’un
fonctionnement fondamentalement inchangé (en y conservant, par exemple,
les mêmes rapports au savoir et A sa construction, et les
mêmes raisons de lire – ou de ne pas lire).
La transformer, c’était s’engager dans
des démarches modifiant progressivement mais réellement le
statut de la lecture et de son apprentissage et, pour cela, le statut de
ceux qui apprennent, vers plus de responsabilité et de pouvoir,
une meilleure compréhension des enjeux de leur (dés)implication.
L’alternative était claire, trop claire
sans doute pour être étudiée sinon acceptée,
trop radicale aussi aux yeux de beaucoup des responsables en ces périodes
de discrédit des « idéologies ».
Et les débats sur les moyens ont pris la
première place, mystificatrice et confortable… On a mis l’accent
sur les moyens (réels) en équipements (locaux, mobiliers,
ouvrages…), en formation (connaissance de la littérature de jeunesse,
maîtrise des techniques d’animation…) et en personnel (postes de
documentalistes, instituteurs détachés, plus tard, C.E.S
affectés aux écoles, aides-éducateurs...). On a multiplié
les débats sur les moyens oubliant l'importance des réflexions
A conduire sur les fins (les BCD pour quels lecteurs ?) et sur les
conditions A remplir pour les atteindre. On a multiplié les
projets et les plans pour introduire des bibliothèques dans des
établissements qui n’en avaient pas besoin, les confinant aussi
dans des activités marginales par leur nature (loisir) ou le volume
(portion congrue des emplois du temps).
On n’a pas su, ou pas voulu, essayer de comprendre
la nature et les données du problème : agissant sur l’offre
de lecture lA où il aurait fallu s’efforcer de comprendre
les conditions d’une démarche élargie, on a privilégié
les réponses alors que les questions n’étaient pas clairement
posées (ou restaient posées dans des termes inchangés).
Cette orientation justifiée par l'urgence,
aux dires de ses prescripteurs et de ses animateurs, s'est traduite, depuis
plus de vingt ans par un foisonnement de plans et de projets, et concrètement,
d'animations aujourd'hui ritualisées dont l'heure du conte et les
défis lecture sont des exemples incontestés. Ceci sans effets
majeurs sur le développement de la lecture, en particulier chez
les "publics" prioritaires, ceux qui ne trouvent pas dans leurs milieux
les conditions nécessaires pour réussir A l'école.
Quand on prend conscience de ces données et quand on connaît,
par ailleurs, les limites des mesures prises pour en faire évoluer
le fonctionnement du système éducatif, on mesure l'importance
d'une réflexion nouvelle, plus fondamentale, davantage axées
sur les "règles du jeu" qui le régissent et de ses ressorts
essentiels (et souvent implicites) qui l'animent.
C'est ce que les BCD et CDI peuvent aider A
faire aujourd'hui, A condition d'accepter de ne les considérer
que comme des outils dont les effets ne sont ni immédiats ni directs
mais toujours médiatisés par les évolutions… qu'ils
doivent provoquer.
Si on ne comprend pas que les bibliothèques
d'établissement n'ont d'importance que comme outils et leviers de
transformation des conditions de la lecture et de son apprentissage,
si on ne se donne pas les moyens d'approfondir la compréhension
des données des problèmes (en termes de représentations
et d'habitudes, de résistances individuelles et institutionnelles
…) on a peu de chances de réussir.
Des "expériences" déjA anciennes
menées A l'initiative d'acteurs très différents,
dans des contextes eux-mêmes très variés, existent
aujourd'hui qu'il faut aider A comprendre en faisant évoluer
leurs questionnements, vers une meilleure compréhension de leurs
présupposés et de leurs enjeux. Il faut aussi s'intéresser
de façon plus sérieuse aux procédures de capitalisation
et des transfert des acquis : ce qui suppose attention et donc compétence,
certainement collaboration nouvelle et réciproque entre les différentes
familles d'acteurs et de chercheurs, les uns et les autres soucieux d'efficacité
et conscients de l'importance d'une compréhension approfondie des
données, des démarches et des effets des pratiques.
En conclusion, nous pouvons dire aujourd'hui, A
la lumière d'une expérience déjA longue, que
les "bibliothèques scolaires" sont nécessaires mais qu'elles
ne suffisent pas A créer les conditions qui leur permettraient
d'atteindre les objectifs qu'on leur fixe. Ceci, parce que les données
sont pour l'essentiel, A l'intérieur d'elles-mêmes
inscrites dans le fonctionnement le plus banal et le plus fondamental des
écoles et dans "l'inconscient épistémologique" des
éducateurs : en cela peu contestables immédiatement puisque
revêtues des apparences du naturel, de ce qui va de soi.
La mise en œuvre, sur un échantillon de
sites volontaires, de dispositifs complets d'accompagnement et d'étude
des pratiques est indispensable : ce pourrait être une mesure
décisive, aussi bien pour le développement de la lecture
que pour la transformation de l'école, son adaptation A l'évolution
de la société et A une réelle démocratisation
scolaire. Adaptation dont le collège fait aujourd'hui apparaître
de plus en plus clairement, la nécessité et qui ne peut se
réduire ni A aux mesures portant sur les structures, sur
la composition des classes ou le rythme des apprentissages, ni aux démarches
de soutien et de différenciation pédagogique … pas plus qu'A
l'enrichissement du CDI.
La priorité accordée aux BCD et
aux CDI est encore aujourd'hui A considérer comme un axe
privilégie de questionnement de l'école pour engager A
travers le développement de la lecture, des transformations nécessaires
profondes et passionnantes. Puissent les acteurs de terrain les responsables
administratifs, pédagogiques et les prescripteurs s'en persuader…
et ne pas s'engager une nouvelle fois dans une aventure décevante.
Lire :
- Les BCD. Pour quelle école ? Pour quelle
lecture ?
- Les BCD. Dossiers des Actes de Lecture n°3